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Baseball et rodéo au stade De Lorimier

23 juillet 2020
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La plupart des Montréalais qui se souviennent du stade De Lorimier ont en tête les matchs de baseball des Royaux, mais ce lieu a accueilli de nombreux évènements, comme un étonnant rodéo en 1946.

Stade De Lorimier - baseball

Photo en noir et blanc de quatre joueurs de baseball de l’équipe des Royals. Chacun s’appuie sur un bâton de baseball.
BAnQ Vieux-Montréal. Fonds Conrad Poirier, P48,S1,P2090.
C’est dans un tout nouveau stade construit à l’angle de la rue Ontario et de l’avenue De Lorimier que le club montréalais les Royaux, le club-école des Dodgers de Brooklyn, amorce sa saison locale au mois de mai 1928.

Sous la responsabilité de Louis Athanase David, député de Terrebonne à l’Assemblée nationale du Québec, la Compagnie de l’Exposition de Montréal a entrepris la construction de ce nouveau stade en janvier 1928, avec pour objectif de le terminer à temps pour le début de la saison en avril. Selon différentes sources de l’époque, le coût de construction du stade varie entre 850 000 dollars et 1,5 million de dollars. « Un des plus beaux stades des ligues mineures et mieux que certains des majeures », soutient alors le commissaire du baseball majeur, le juge Kenesaw Mountain Landis.

De 1928 à 1960, le stade De Lorimier vibre au rythme des Royaux de Montréal. Pour certains, les noms de Duke Snyder, Don Drysdale, Jackie Robinson et Tommy Lasorda évoquent les grands joueurs qui sont passés à Montréal. L’équipe montréalaise était en effet la filiale des Dodgers de Brooklyn, ce qui signifie que les meilleurs baseballeurs en devenir venaient jouer à Montréal avant de tenter leur chance dans le grand club. En 1946, le stade accueille ainsi Jackie Robinson pour sa première saison à Montréal.

Sport et industrie se côtoient

Stade De Lorimier - vue aérienne

Vue aérienne en noir et blanc montrant un stade de baseball dans une ville densément bâtie.
Archives de la Ville de Montréal. VM94-B71-009.
La clôture du stade, d’une hauteur de 40 pieds, supporte un imposant tableau indicateur, qui en fait toute la hauteur, et des publicités. Malgré sa taille, il n’est pas rare de voir des circuits se terminer sur les murs du bâtiment industriel Grover abritant la compagnie textile Knit-to-Fit de l’autre côté de la rue. Derrière les tableaux de pointage, les murs de la Grover font presque partie du stade. Selon les auteurs de Mordecai: The Life & Times et de The Ultimate Baseball Book, il arrivait même que les adeptes de baseball s’installent sur le toit de la manufacture pour assister aux matchs des Royaux. Située dans le quartier ouvrier Sainte-Marie, l’usine a été érigée en 1923 par l’industriel Hyman Grover. Fermée en 1993, elle a été reconvertie en espaces locatifs, et accueille aujourd’hui de nombreux ateliers d’artistes et d’artisans.

Mais le stade n’était pas seulement un terrain de baseball. Avec ses 25 000 places, il pouvait accueillir des évènements d’envergure. Abondent dans les journaux d’époque les publicités annonçant les spectacles en plein air d’orchestres de musique classique, de ténors à la mode, de cirque, les galas de lutte, les matchs de football des Alouettes et les compétitions d’athlétisme.

Comme au Stampede

Stade De Lorimier - rodéo

Un cow-boy lève les bras au ciel en signe de victoire à côté d’un cheval couché sur le dos lors d’un rodéo. Nous remarquons la manufacture Grover Mills Ltd. Knit to Fit à l’arrière-plan.
BAnQ Vieux-Montréal. Fonds Conrad Poirier, P48,S1,P12751.
Pas besoin d’aller à Calgary pour voir un rodéo! Après avoir occupé le Forum en 1944 et 1945, la troupe Wild West prend place au stade De Lorimier en juillet 1946 pour y donner un rodéo. Le spectacle promet d’être haut en couleur : rodéo avec la participation du public, derby de démolition, performances de l’acrobate de voltige Malikova et… du chanteur français Charles Trenet. Pour l’occasion, 46 chevaux sauvages sont amenés à Montréal pour être domptés par des cowboys en quête de gloire, comme celui du cliché pris sur le vif par le photographe Conrad Poirier. On promet 1000 dollars au spectateur qui tiendra 10 secondes sur le taureau sauvage Brahma nommé Big Sid. Ce rodéo a tout pour plaire aux Montréalais qui sont, depuis longtemps, passionnés par les chevaux. Jadis, les foules se pressaient aux courses de chevaux des hippodromes de Dorval, de Richelieu, du Blue Bonnets, du Mount Royal, du King’s Park et du parc De Lorimier, des témoins du passé équestre montréalais maintenant tous disparus.

Malgré la variété des spectacles offerts, le stade De Lorimier reste fortement associé au baseball. Dans ce lieu, un contact privilégié s’est établi entre les Montréalais et les joueurs des Royaux. Mais l’aventure se termine à la fin de la saison 1960 lorsque l’équipe est transférée à Syracuse. Le stade De Lorimier est détruit en 1965 pour faire place, en 1971, à la polyvalente Pierre-Dupuy. À quelques pas de l’école, le parc des Royaux et un monument rappellent l’existence du stade et de la populaire équipe de baseball, grande favorite des Montréalais de 1928 à 1960.

Cet article est la synthèse de deux textes, l’un paru dans la chronique « Montréal, retour sur l’image », dans Le Journal de Montréal du 15 août 2015, l’autre paru dans le numéro 42 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de Montréal de 1991 à 2008.

La Grover, une usine devenue ateliers d’artistes

L’industriel Hyman Grover fait construire en 1923 une usine textile dans le quartier ouvrier Sainte-Marie. Connu sous le nom de La Grover, l’édifice abrite la compagnie Knit-to-Fit. Ses travailleurs filent la laine et tissent chapeaux, foulards et chandails. L’usine est agrandie d’une deuxième aile en 1941 pour répondre à l’augmentation des commandes due à la Deuxième Guerre mondiale.

En 1944, Hyman Grover achète la Regent Knitting Mills de Saint-Jérôme. Dans les années 1950, l’usine montréalaise compte plus de 500 employés. En 1970, Marvin Grover, le fils d’Hyman, et son épouse donnent une seconde vie à la Grover en relaçant la fabrication de vêtements pour dames. À la suite de nombreuses années de relations de travail difficiles, l’usine de Saint-Jérôme est fermée par Marvin Grover en 1974. Celle-ci est aussitôt reprise par les ex-employés et employées qui fondent la société populaire Tricofil, un rare exemple québécois d’autogestion ouvrière, qui prend fin en 1982. La Grover ferme à son tour en 1993, vaincue par la féroce concurrence internationale.

Dans les années qui suivent, des artistes installent leur atelier dans l’ancienne usine abandonnée. En 1995, lorsque l’artiste en arts visuels, Renée Gélinas, aménage au troisième étage du 2065, rue Parthenais, les machines à tricoter de la Knit-to-Fit sont toujours en place, figées dans le temps, leur dernière pièce de tissu inachevée encore dans les rouleaux. Lorsque, en 2004, la menace de transformation en appartements en copropriété plane, les artistes locataires s’unissent dans la lutte « Sauvons l’usine », puis mettent sur pied une coopérative pour acquérir le bâtiment et le garder accessible pour les travailleurs culturels, artistes et artisans. Aujourd’hui, la Grover est l’un des plus importants pôles culturels de l’Est montréalais.

Références bibliographiques

JONCAS, Christophe-Hubert. « Blue Bonnets et l’histoire hippique de Montréal », Spacing Montreal, 12 février 2014.
http://spacing.ca/montreal/2014/02/12/blue-bonnets-et-lhistoire-hippique...

FORAN, Charles. Mordecai: The Life & Times, Knopf Canada, 19 octobre 2010, 800 p.

OKRENT, Daniel, Harris LEWINE et David NEMEC. The Ultimate Baseball Book: The Classic Illustrated History of the World’rs Greatest Game, Houghton Mifflin Harcourt, 2000, 442 p.