Il est attesté que l’île Bizard est accostable par traversier depuis plus de 200 ans. Toujours en place, le bac à traille est presque une curiosité et présente bien des charmes.
Traversier île Bizard
Comme l’écrit en 1813 le seigneur de l’île Bizard, Hugues Heney, à l’inspecteur des chemins Jacques Viger, les bacs ont été pendant longtemps le principal moyen de se déplacer entre les îles. Établis sur les terres neuves au nord du lac des Deux Montagnes, les fils de cultivateurs pouvaient ainsi saluer leur paternel dans l’île Bizard avant d’apporter leurs produits aux marchés de Montréal. Empruntant un premier bac à Saint-Eustache, les voyageurs mettaient d’abord pied à l’île Jésus (où se trouve Laval), traversaient le village de Sainte-Dorothée et se dirigeaient vers l’ouest jusqu’à la traverse menant à la berge nord de l’île Bizard. Après une courte visite à la famille, un troisième bac les attendait au sud de l’île pour les mener à Sainte-Geneviève sur l’île de Montréal. Ce voyage vers la ville devait prendre au moins deux jours!
Un système ingénieux
Traversier île Bizard
Plusieurs assument successivement la charge de batelier, notamment les Bélanger, Bastien, Sévigny, Bigras et Bolduc. À partir de 1983, c’est Paule Bigras-Bolduc qui assure le service. Deux bacs à traille porteront son prénom : tout d’abord le Paule I, en bois et sans moteur, manœuvré manuellement à l’aide d’une grande roue, qui ne transportait que deux véhicules à la fois, puis l’actuel Paule II, en acier, muni d’un moteur qui ne sert qu’à l’orientation du bateau, car celui-ci fonctionne encore sur le principe de la traille. Plus de 100 ans après la mise au point du système, M. Guillemette offre le service du traversier entre les mois d’avril et de novembre.
À l’arrivée du pont
Pont île Bizard
Mais la modernité ne manque pas d’arriver à l’île Bizard. Honoré Mercier, premier ministre du Québec, confie à l’ingénieur belge Gérard Macquet la mission de doter l’île de son premier pont. Exposée à Bruxelles en 1880, la travée parabolique est importée de Belgique pour la construction de l’ouvrage d’art. Macquet dessine pour le Québec 30 ponts métalliques dont la conception ingénieuse intéresse même Gustave Eiffel. Seulement six d’entre eux sont toujours existants. Bien qu’impressionnante, la structure du pont de l’île Bizard, ouvert à la circulation en 1893, se révèle bien fragile. L’accès est limité aux chevaux allant au pas et aux voitures circulant à moins de 20 milles par heure (32 kilomètres par heure) sous peine d’une amende. Démoli et remplacé en 1966, le pont aura tenu bon plus de 80 ans.
Cet article a été écrit en collaboration avec la Société patrimoine et histoire de l’île Bizard et de Sainte-Geneviève. Il est paru dans la chronique « Montréal, retour sur l’image », dans Le Journal de Montréal du 8 octobre 2016. Il a été enrichi pour sa parution dans Mémoires des Montréalais.
Déjà en 1813, le seigneur de l’île Bizard, Hugues Heney, décrit à l’inspecteur des chemins, Jacques Viger, trois traversées fluviales dans le secteur. Partant de Sainte-Geneviève, le premier traversier navigue de l’île de Montréal à l’île Bizard, le deuxième conduit de cette dernière à Sainte-Dorothée et le troisième se rend finalement à Saint-Eustache.
Bien entendu, ces bacs sont sous la responsabilité de bateliers. On connaît les noms de nombre de ceux qui ont travaillé à l’île Bizard. Selon la Société patrimoine et histoire de l’île Bizard et de Sainte-Geneviève, « en 1906, Vitalien alias Vital Bigras vend les terrains acquis et les droits de traverse à Joseph Bélanger. En 1908, Joseph Bélanger, traversier de Sainte-Dorothée, vend à Camille Bastien des terrains de Sainte-Dorothée, y compris la traverse et le droit de traverse avec le droit du vendeur d’y tenir une traverse, avec chalands, chaloupe, barque, quais, câbles en fil de fer ou en acier, avec les droits de débarquement et d’embarquement sur le lot n° 99 de l’île Bizard. Camille Bastien, batelier de Sainte-Dorothée, vend le bac, en 1912, à Albert Bigras, qui le cède à Joseph Lucien Bigras en 1915. Omer Bigras l’achète en 1933, et ses filles, Gisèle, Denise et Paule, prennent la relève en 1951. »
Source : Traversier entre l’île Bizard et l’île Jésus au début du XXe siècle, fonds de la Société d’histoire et de généalogie de l’île Jésus, collection Christine Bolduc.
LEFRANÇOIS, Jean. « Gérard Macquet, un ingénieur visionnaire », Continuité, Les ponts, no 95, hiver 2002-2003, p. 22-23.
LINTEAU, Paul-André, et autres. Montréal, par pont et traverse, Groupe Nota Bene, Éditions Varia, Fonds, 1999, 94 p.