Dans les coulisses de l’exposition « Scandale! »
Scandale! Vice, crime et moralité à Montréal, 1940-1960 est une exposition d’envergure présentée par le Centre d’histoire de 2013 à 2017. Les dessous de cet événement sont ici dévoilés.
L’exposition Scandale! Vice, crime et moralité à Montréal, 1940-1960 a été présentée au Centre d’histoire de Montréal du 15 novembre 2013 au 2 avril 2017. Certains intervenants expliquent ici la genèse de cet événement et livrent leurs impressions. Ces textes ont été écrits en novembre 2013 dans le cadre du dossier de presse de l’exposition.
Les coulisses vues par Catherine Charlebois, muséologue, et Maryse Bédard, assistante à la recherche et à la production
Équipe du CHM au vernissage de l’exposition Scandale!
Point de départ de notre recherche, le fonds de l’enquête Caron aux Archives de la Ville de Montréal s’avère une véritable mine d’informations. À ces découvertes s’ajoutent les trésors des Archives nationales du Québec, des Archives de l’Université Concordia et des Archives nationales du Canada. Pendant des mois, l’équipe de recherche est plongée dans l’époque mythique où Montréal, alors considérée comme le « petit Paris de l’Amérique du Nord », invite au plaisir et à l’aventure avec ses multiples attraits nocturnes licites et illicites. Au fil du temps, nos dossiers de recherche s’enrichissent, et un véritable roman policier s’écrit sous nos yeux dans les décors des cabarets, des lieux interdits et des cours de justice. Une histoire où policiers et criminels, vedettes et prostituées, tolérants et réformateurs se partagent l’intrigue dans une « ville ouverte » où tout semble permis.
Et toute cette histoire prend littéralement vie à travers les témoignages des spécialistes et des témoins de l’époque présentés dans l’exposition sous la forme de courts documentaires nous transportant à la fois dans l’atmosphère des nuits de Montréal, dans les dessous des activités criminelles et dans les campagnes et enquêtes de moralité publique.
Nous n’avons qu’à penser aux témoignages d’une ancienne cigarette girl qui nous parle des nombreuses visites du célèbre mafieux Vic Cotroni au Faisan doré, du chauffeur de taxi qui raconte comment il jouait l’entremetteur entre les prostituées et les clients ou encore de l’ancien policier de la Ville de Montréal qui fait allusion aux méthodes douteuses du service. Au total, l’équipe aura récolté près de 70 heures d’enregistrement qui seront présentées dans l’exposition sous forme de 11 documentaires totalisant près de 2 heures de visionnement.
Dans les « décors » inspirés d’un club, d’une maison de jeu et de paris ou encore d’un poste de police, les visiteurs auront la chance d’admirer des centaines de photographies et des dizaines d’artéfacts, souvent rares et parfois même insolites : un verre à cocktail du Rockhead’s Paradise, une trousse de prévention des maladies vénériennes remise aux soldats durant la guerre, une machine à sous saisie par la police provinciale, des mug shots [photos d’identité] de prostituées et de criminels de l’époque et même le carnet d’adresses personnel de Harry Ship, le « roi du jeu » de Montréal, dans lequel figure le nom du maire Camillien Houde…
Cette époque, qui a frappé l’imaginaire de bien des Montréalais, est pourtant méconnue de la jeune génération. C’est avec grand plaisir que nous révélons les dessous du vice, du crime et de la moralité d’un Montréal qui, entre 1940 et 1960, fait scandale!
Les coulisses vues par Antonio Pierre de Almeida, cinéaste
Exposition Scandale! - vernissage
Lorsque Catherine Charlebois m’a demandé si réaliser les capsules pour l’exposition Scandale! Vice, crime et moralité à Montréal, 1940-1960 m’intéressait, je n’ai pas hésité deux secondes. Essayer de faire revivre le Montréal de ces années à travers l’histoire orale, dans le cadre d’une exposition, était un défi que j’avais envie de relever.
Mon rôle dans l’exposition Scandale! a été celui de tourner, monter et réaliser les différentes capsules audiovisuelles. La « cueillette » du contenu audiovisuel a été répartie sur une durée de 10 mois de tournage. En tout, nous avons tourné, plus ou moins, 70 heures d’entrevues. Ensuite, plusieurs étapes de montage ont été nécessaires afin d’assembler tous ces récits dans un discours dynamique et riche en (H)istoire(s). Plus de cinq mois après avoir commencé le montage, une douzaine de capsules et autres éléments audiovisuels sont à la disposition des visiteurs afin de leur permettre de revivre, le temps d’une visite (ou deux), l’époque où Montréal était considéré comme le « Paris de l’Amérique du Nord ».
Chaque rencontre avec nos témoins se transformait en un voyage dans le temps. Leurs mots, leurs histoires, leur amour pour Montréal nous transportaient, l’espace d’une entrevue avec eux, dans les rues de l’époque, les cabarets remplis de fumée, les lumières qui illuminaient la rue Sainte-Catherine, mais aussi dans les zones d’ombre du Red Light, du monde interlope, du jeu illégal, d’un poste de police au moment du « grand nettoyage », et de certains côtés moins scintillants de l’histoire de la ville.
L’équipe de tournage était constituée de deux personnes. Stéphanie Teasdale était responsable de l’entrevue tandis que j’étais chargé de l’éclairage, de la caméra et du son. La présence d’une caméra et de quelques sources de lumière afin de bien éclairer peut facilement intimider les gens : il a fallu être très vigilant pour ne pas brusquer nos intervenants et les rendre à l’aise en notre présence. Nous étions avant tout chez eux afin de les écouter! Une fois que le montage a débuté, nous avons eu un grand souci d’être toujours vrais par rapport au discours de nos témoins tout en étant aussi près que possible d’une véracité historique.
L’histoire orale racontée par nos témoins et enregistrée par notre caméra est un trésor inestimable, source de richesse patrimoniale d’un passé pas si lointain qui nous fait rêver encore. J’espère que vous aurez autant de plaisir à voir et écouter nos capsules audiovisuelles que nous en avons eu à les réaliser. Bon voyage!
Présentation du comité scientifique
Pour concevoir cette exposition, le Centre d’histoire de Montréal s’est entouré d’experts. Michèle Dagenais et Magda Farhni ont contribué activement à définir les orientations et le contenu historique de l’exposition. Quant à Mathieu Lapointe, il a accompagné fidèlement toutes les étapes de l’exposition, de la documentation au scénario design, mettant son savoir au service de la créativité de l’équipe de production.
- Michèle DAGENAIS : Professeure au département d’histoire de l’Université de Montréal.
- Magda FAHRNI : Professeure au département d’histoire de la Faculté des sciences humaines de l’UQAM.
- Mathieu LAPOINTE : Historien et chercheur invité à l’Institut d’études canadiennes de l’Université McGill.
Présentation des témoins
Le Centre d’histoire de Montréal aimerait souligner la contribution exceptionnelle des différents experts, acteurs, artistes et témoins qui ont généreusement livré leur témoignage à la caméra.
- Réal BEAUCHAMP : Policier de la Ville de Montréal (1955-1961).
- Anouk BÉLANGER : Professeure au département de sociologie de l’UQAM et spécialiste de la culture urbaine populaire.
- Sylvain BISSONNETTE : Commandant de police (en service) et historien de la police de Montréal.
- Joseph BLUMER : Avocat, étudiant à l’Université McGill entre 1952 et 1961.
- Magaly BRODEUR : Chargée de cours à l’Université de Sherbrooke et auteure du livre Vice et corruption à Montréal, 1892-1970.
- Ethel BRUNEAU : Chanteuse et danseuse de claquettes (Miss Swing). Elle commence sa carrière à Montréal dans les cabarets en 1953.
- André CÉDILOT : Journaliste et auteur de Mafia Inc.
- Line CHAMBERLAND : Professeure titulaire de la Chaire de recherche sur l’homophobie de l’UQAM et spécialiste de l’histoire lesbienne.
- Jean-Pierre CHARBONNEAU : Journaliste et auteur de l’ouvrage La Filière canadienne.
- Jérôme CHOQUETTE : Avocat et ancien ministre au gouvernement du Québec.
- Robert CÔTÉ : Policier de la Ville de Montréal (1959-1990).
- Charles DARVEAU : Chauffeur de taxi à Montréal (1948-1967).
- Claude FLEURENT : Policier de la Ville de Montréal (1961-1986).
- Francine GRIMALDI : Chroniqueuse culturelle de la scène montréalaise actuelle et fille de Jean Grimaldi.
- Karen HERLAND : Professeure à la Faculté des arts et des sciences de l’Université Concordia et spécialiste de l’histoire de la prostitution.
- Scarlett JAMES : Productrice et artiste burlesque de la scène montréalaise actuelle.
- Oliver JONES : Pianiste de jazz montréalais. Il a commencé sa carrière dans les années 1940.
- Monique LAJEUNESSE-TOUPIN : Cliente régulière des clubs et cabarets de Montréal dans les années 1950.
- Émilie-Cloé LALIBERTÉ : Directrice de l’organisme Stella qui milite pour les droits des travailleuses du sexe.
- Mathieu LAPOINTE : Historien et membre du comité scientifique de l’exposition.
- Armand LARRIVÉE MONROE : Animateur de spectacles et figure importante de la scène gaie montréalaise des années 1950 et 1960.
- Mario LATRAVERSE : Policier de la Ville de Montréal (1958-1987).
- Charles-André LATULIPPE : Policier de la Ville de Montréal (1946-1988).
- Gilles LATULIPPE : Comédien.
- Claude LAVALLÉE : Policier de la Sûreté du Québec (1964-1972).
- Anne ROCKHEAD : Épouse de Kenny Rockhead, propriétaire du Rockhead’s Paradise.
- Gaston SAINT-GERMAIN : Client régulier des clubs et cabarets à Montréal dans les années 1950.
- Thérèse VALLÉE-FIORILLI : Cigarette girl du Faisan Doré (1948-1950).
- Marcelle VALOIS-HÉNAULT : Résidante du centre-ville de Montréal entre 1928 et 1950.
- William WEINTRAUB : Journaliste, réalisateur et auteur du livre City Unique.