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Marguerite d’Youville, femme de tête, femme de cœur

18 janvier 2016
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Le 31 décembre 1737, Marguerite d’Youville et ses trois compagnes prononcent leurs vœux en secret. Cette date est considérée aujourd’hui comme celle de la fondation de la communauté des Sœurs grises.

Née le 15 octobre 1701 à Varennes dans une famille noble, Marguerite Dufrost de Lajemerais est l’aînée d’une famille de six enfants. Alors qu’elle n’a que six ans, son père, François-Christophe Dufrost de la Gemmerais, décède, laissant sa famille dans la précarité. En 1712, elle est admise au pensionnat des Ursulines de Québec. Elle y demeure pendant deux ans, puis elle revient aider sa mère à s’occuper de ses frères et sœurs.

Mariages

Marguerite D'Youville

Reproduction d’un dessin au fusain de Mère d’Youville d’Albert Ferland.
[Vers 1905], Marie-Marguerite Dufrost Lajemmerais (Youville). - [avant 1941], Archives de la Ville de Montréal, BM1-5P2295.
En 1720, Marie-Renée Gaultier, la mère de Marguerite, se remarie à Timothy Sullivan. Ce médecin fortuné a pourtant mauvaise réputation et l’honneur de la famille en souffre. L’union met un frein au projet de mariage de Marguerite avec Louis-Hector Piot de Langloiserie, un jeune homme issu de la noblesse. L’année suivante, la famille déménage à Montréal où Marguerite rencontre François-Madeleine d’Youville qu’elle épouse à l’église Notre-Dame en 1722. Le nouvel époux est connu et critiqué à Montréal pour son commerce d’eau-de-vie avec les Premières Nations. Le premier enfant du couple naît l’année suivante, puis trois autres suivent à des intervalles rapprochés. Un seul d’entres eux, François, survit. En 1729, Marguerite donne naissance à un cinquième enfant, prénommé Charles-Marie-Madeleine. Lorsque son mari décède, en 1729, elle est enceinte de leur sixième enfant qui ne vit que quelques mois. Pendant ces mois mouvementés, Marguerite renonce à la succession endettée que François-Madeleine lui a laissée. Elle conserve malgré tout la maison où ils habitaient. Tout en assurant l’éducation de ses enfants, elle s’implique dans des confréries et elle tient un commerce. La piété de Marguerite, qui s’était accentuée pendant les dernières années de son mariage, s’intensifie encore davantage.

Le service des pauvres

En 1737, à l’âge de 15 ans, le fils ainé de Marguerite fait son entrée au Séminaire de Québec, suivi de son frère quelques années plus tard. À partir de 1737, la veuve partage sa demeure avec d’autres femmes qui désirent aussi travailler aux services des plus démunis. Quelques mois plus tard, le 31 décembre, Marguerite d’Youville et ses trois compagnes prononcent leurs vœux en secret. Cette date est considérée aujourd’hui comme la date de fondation de la communauté des Sœurs de la Charité de l’Hôpital général, aussi connues sous le nom de Sœurs grises. L’année suivante, les femmes emménagent dans une maison plus spacieuse, pour venir en aide à un plus grand nombre de démunis. En 1745, leur maison est détruite par un incendie. Les femmes signent un acte formel de désappropriation, promettant de vivre et de mourir ensemble, de mettre leurs biens en commun et de se consacrer au bien-être des pauvres. Marguerite et ses compagnes déménagent à quatre reprises pendant les deux années suivantes

L’Hôpital général

Sœurs grises - Hôpital général

Vue de l’arrière du couvent des Soeurs Grises en 1867.
1867, Jardin potager, couvent des Soeurs Grises, rue d'Youville, Montréal, QC, 1867, par William Notman, Musée McCord, I-26334.1.
Le 27 août 1747, on confie provisoirement à Marguerite d’Youville la direction de l’Hôpital général, établissement alors réservé aux hommes. Sous sa direction, l’hôpital au bord de la faillite devient mixte : il accueille les enfants abandonnés, les pauvres et les prostituées. Marguerite se donne pour mission de redresser l’administration de l’établissement, d’apporter les réparations nécessaires au bâtiment et de consolider sa communauté religieuse. En 1753, la communauté reçoit la reconnaissance royale et Marguerite d’Youville est nommée administratrice permanente de l’Hôpital général. Les religieuses redoublent d’ingéniosité afin d’assurer la survie de l’établissement et s’emploient à diverses tâches. En 1765, l’Hôpital général est la proie des flammes. Marguerite, aidée des Sulpiciens, organise sa reconstruction et le nouveau bâtiment accueille les pauvres sept mois plus tard.

Décédée en 1771, Marguerite d’Youville est prononcée bienheureuse par le pape Jean XXIII, qui lui décerne le titre de Mère à la charité universelle en 1959. Le 9 décembre 1990, elle est canonisée à Rome par le pape Jean-Paul II.

Références bibliographiques

LACELLE, Claudette. « Dufrost de la Jemmerais, Marie-Marguerite », [En ligne], Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/ University of Toronto, 2003.[http://www.biographi.ca/fr/bio/dufrost_de_lajemmerais_marie_marguerite_4F.html] (consulté le 25 août 2015)

TARDIF, Estelle. Le cri des pauvres : Marguerite d’Youville, Montréal, Éditions Bellarmin, 2001, 194 p.

Avant-après : l’Ancien Hôpital général

Aquarelle de l’Hôpital général avec des Sœurs grises, des enfants et des personnes âgéesVue sur la rue Saint-Pierre et l’ancien Hôpital général

138, rue Saint-Pierre

Avant

1853-1854. Les Sœurs grises (Montréal), par James Duncan. Tiré de : Album Duncan-Viger. Archives de la Ville de Montréal. BM99, S1, D2, p10.

Après

2014. Ancien hôpital général de Montréal, rue Saint-Pierre, par Denis-Carl Robidoux. Centre d’histoire de Montréal.