Du XVIIIe siècle au début du XXe, Pointe-Claire est une terre agricole. Les premiers touristes venant profiter des rives du lac Saint-Louis amorcent de grands changements.
Il n’y a pas d’âge pour faire les foins à Pointe-Claire! Assise sur le chargement, la petite Laura Legault accompagne ses frères pour la récolte estivale. Les jeunes garçons ont la responsabilité quotidienne du petit poney qu’ils attellent eux-mêmes à la carriole pour faire les commissions ou aller à l’école au village de Pointe-Claire.
Pointe-Claire
Depuis la construction du moulin à vent en 1710 et jusqu’au début du XXe siècle, l’agriculture est la principale activité à Pointe-Claire. Au blé cultivé au XVIIIe siècle s’ajoutent de nouvelles cultures et de l’élevage après 1850. L’exposition agricole du comté de Jacques-Cartier (comté municipal de 1855 à 1970 dont le chef-lieu était la municipalité de Pointe-Claire), tenue à Lachine en 1861, le prouve : les familles de cultivateurs Charlebois, Dagenais, Legault, Smith et Taylor y raflent plusieurs prix d’excellence pour leurs betteraves, carottes, maïs et patates et leurs taureaux, génisses, brebis et verrats. Samuel Brion, l’aubergiste du village, se démarque avec le prix du plus bel étalon de trait! Si l’agriculture prend un nouvel essor au XIXe siècle, elle disparaît graduellement du paysage riverain de Pointe-Claire au XXe siècle, comme peut en témoigner l’histoire de la famille Legault.
La maison Legault
Récoltes Pointe-Claire
À travers les feuillages, au 105, chemin du Bord-du-Lac, on aperçoit la maison de ferme des Legault construite vers 1760. Toujours présents au début du XXe siècle, les Legault voient de plus en plus de touristes descendre du train à Pointe-Claire pour profiter pendant quelques jours des activités de villégiature sur les rives du lac Saint-Louis. Véritables précurseurs de l’agrotourisme, les Legault construisent des cottages en bordure du lac pour héberger les vacanciers.
Cet attrait des urbains pour le rivage et une vie paisible à la gentleman farmer transforme la petite localité paysanne. Plusieurs Montréalais aisés choisissent d’établir leur résidence secondaire à Pointe-Claire, achetant les terres agricoles et détruisant les vieilles fermes. Avec celles d’Antoine Pilon (1710) et d’Hyacinthe Jamme dit Carrière (1780), la demeure des Legault est l’une des rares maisons de ferme de Pointe-Claire qui rappellent que, pendant longtemps, l’Ouest-de-l’île de Montréal fut agricole. La démolition de plusieurs de ces maisons centenaires au cours du XXe siècle amène la création de la Société pour la Sauvegarde du Patrimoine de Pointe-Claire en 2000, vouée, entre autres, à leur protection.
Le chemin du Bord-du-Lac
S’étendant aujourd’hui de Pointe-Claire à Lachine, le chemin du Bord-du-Lac est au début du XXe siècle une voie particulièrement achalandée. Le long de cette route de terre bordée par des maisons de fermes centenaires, les agriculteurs se rendant en ville pour vendre leurs récoltes croisent des citadins venant à la campagne pour jouer les gentlemen farmers...
Pointe-Claire vers 1905
Sur l’illustration, on remarque des trottoirs en bois de chaque côté de la rue en terre battue. Ils permettaient aux femmes de préserver leur jupon de la boue et de la poussière des grands chemins. C’est en 1706 que l’intendant Raudot ordonne l’ouverture d’un chemin sur le bord du lac entre La Présentation (Dorval) et la pointe ouest de l’île. Bien que les carrioles s’enlisent facilement lors du dégel ou des grosses pluies, le chemin du Bord-du-Lac permet le développement local des villages de l’Ouest-de-l’île, tels que Pointe-Claire. Pour financer l’entretien, on installe vers 1846 des barrières de péages qui, malheureusement, rapportent bien peu. Les cultivateurs prennent en effet des détours par les montées et traverses pour aller vendre leurs produits au marché!
Considérant le mauvais état du chemin, les voyageurs vers Toronto ou Ottawa délaissent la diligence dès les années 1850 pour le bateau vapeur ou le train, plus rapides. C’est dans les années 1920 que l’on dote finalement la route de trottoirs en ciment et d’un pavé en bitume. L’arrivée de l’automobile se fait définitivement sentir!
Cet article a été écrit en collaboration avec la Société pour la Sauvegarde du Patrimoine de Pointe-Claire. Il est paru dans la chronique « Montréal, retour sur l’image », dans Le Journal de Montréal du 8 novembre 2015.