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Nicholas Salamis, un prêtre au service de sa communauté

02 juin 2017

Décédé en 2005 à l’âge de 108 ans, le prêtre Nicholas Salamis, figure emblématique de la communauté grecque de Montréal, a été témoin de son développement pendant près d’un siècle.

Grecs - Nicholas Salamis

Le Père Salamis, en haut à droite, accompagné de plusieurs enfants devant l’église Holy Trinity.
Collection personnelle Demetrius Manolakos
Nicholas Salamis est l’un des personnages les plus marquants pour la communauté grecque de Montréal. Comme il a passé plus de 70 ans dans la métropole, son travail auprès des immigrants grecs a touché plus d’une génération.

Né en 1897 sur l’île de Samos, en Grèce, il entreprend dans sa jeunesse des études commerciales. En 1914, un diplôme en main, il décide de mettre à profit ses connaissances en Amérique et rejoint son frère à Minneapolis. Les deux jeunes hommes travaillent comme garçons de table dans plusieurs villes aux États-Unis, mais aussi au Canada, notamment à Vancouver et à Winnipeg.

Nicholas Salamis déménage finalement à Montréal en 1919. Fort de ses connaissances en comptabilité, il commence à travailler pour différents commerces grecs et tient leurs livres de compte. M. Salamis arrive alors que la communauté grecque prend une place de plus en plus importante au sein des affaires commerciales de la ville : de nombreux immigrants grecs sont propriétaires de cafés, restaurants, boulangeries et petites boutiques diverses. M. Salamis est aussi témoin, au courant des années 1920, de la division de la communauté. Deux factions politiques rivales, les monarchistes et les libéraux, boycottent à cette époque les commerces associés au groupe opposé. Plusieurs entreprises font faillite. M. Salamis travaille alors à tenter de réconcilier les membres des deux groupes.

Une vocation spirituelle

Grecs - commerce

Un homme aiguise des couteaux devant un restaurant grec, en haut à gauche.
Conrad Poirier. Bibliothèque et Archives nationales du Québec. P48,S1,P804.

Rapidement, Nicholas Salamis devient une figure influente parmi l’élite commerciale de la communauté grecque. Toutefois, malgré son implication importante auprès des marchands, M. Salamis entretient en privé un intérêt pour la théologie. En 1932, il retourne étudier à Athènes. Là, il se marie et est ordonné prêtre en 1938. Cette année-là, il revient au Canada pour exercer à Toronto comme prêtre orthodoxe. Quelques années plus tard, en 1945, lui et sa famille déménagent à Montréal. Un poste de prêtre s’est libéré à l’église Sainte-Trinité, située au coin des rues Sherbrooke et Clark. Cette église, inaugurée en 1865 par la communauté méthodiste, a été acquise par la communauté grecque en 1925.

En 1945, les Grecs de deuxième et même de troisième génération se sont intégrés à la vie montréalaise. La communauté est déjà bien établie. Toutefois, le retour de Nicholas Salamis dans la métropole québécoise coïncide avec le début d’une nouvelle et massive vague d’immigration en provenance de Grèce, qui changera la nature de la communauté grecque de la ville. Fuyant les horreurs de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre civile en Grèce, les nouveaux arrivants sont pour la plupart démunis, sans argent et sans éducation, ne parlant ni l’anglais ni le français. L’église Sainte-Trinité devient une sorte de carrefour, une ressource primordiale pour ce nouveau groupe. À l’époque, le père Salamis soutient les immigrants pour trouver du travail, un logement. Il les aide même à préparer leurs déclarations de revenus.

Grecs - Cathédrale Saint-Georges

La cathédrale Saint-Georges en 1965.
Armour Landry. Bibliothèque et Archives nationales du Québec. P97,S1,D14221.
Dans les années qui suivent, le père Salamis conjugue son travail social avec son rôle au sein de l’Église orthodoxe. À 64 ans, en 1961, il est transféré à la toute nouvelle cathédrale Saint-Georges, construite pour accommoder le nombre croissant de Grecs qui trouvent résidence à Montréal. Il partage alors son ministère avec un nouveau prêtre, plus jeune, arrivé de Grèce au début des années 1960. Au courant des années 1970, cependant, il a de moins en moins de temps à consacrer aux paroissiens. Il prend notamment soin de sa femme, atteinte de la maladie de parkinson. Elle meurt en 1985. L’année suivante, l’église Sainte-Trinité, symbole important pour les Grecs de Montréal, est détruite par un important incendie. En 1987, âgé de 90 ans, M. Salamis prend officiellement sa retraite, après plus de 40 ans de travail comme prêtre.

Dans une entrevue réalisée en 2000, M. Salamis affirme avoir baptisé, marié et enterré plus de 10 000 Grecs à Montréal. Décédé en octobre 2005, à l’âge de 108 ans, le père Salamis a en effet soutenu plusieurs générations d’immigrants grecs.

L’église Sainte-Trinité, élément du paysage du quartier Milton Parc

Au XIXe siècle, des services de proximité s’implantent tranquillement dans ce secteur de Montréal afin de répondre à la population croissante qui s’y installe. Dans un premier temps, il s’agit surtout d’une population anglophone qui quitte la vieille ville pour les terres verdoyantes au pied du mont Royal. Issues de différentes dénominations protestantes, ces personnes font construire des églises afin d’y pratiquer leur culte. La Methodist Church, érigée au coin des rues Sherbrooke et Clark en 1865, est un exemple de ces premiers lieux cultuels de Milton Parc. L’évolution urbaine et démographique de la métropole fait en sorte que cette première population quitte le quartier au XXe siècle vers les lotissements urbains d’Outremont ou de Westmount, notamment, laissant ainsi derrière elle des lieux à la recherche de nouveaux occupants.

En 1925, la communauté hellénique montréalaise, déjà présente sur le boulevard Saint-Laurent, achète l’église méthodiste (et son presbytère) et la nomme Sainte-Trinité. Dès lors, le lieu de culte devient un incontournable des Grecs de Montréal. La communauté grecque n’échappe pas aux tribulations de la crise économique des années 1930 et se voit dans l’obligation de regrouper ces activités religieuses au sein de l’église Sainte-Trinité. Finalement, l’église est consacrée par l’archevêque Athenagoras le 1er juin 1941 et demeurera un pilier communautaire jusqu’à son incendie le 16 janvier 1986.

Références bibliographiques

CBC NEWS. « Greek Orthodox ‟shining light” dies at 108 », [En ligne], CBC News, 17 octobre 2005.
http://www.cbc.ca/news/canada/greek-orthodox-shining-light-dies-at-108-1...

DOUNIA, Margarita. Your Roots will be Here, Away From Your Home: Migration of Greek Women to Montreal, 1950-1980, Mémoire (M.A.) (histoire), Université McGill, 2004, 125 p.

GAGNON, Lysiane. « La colonie grecque : une mini-ville au cœur de Montréal », La Presse, 15 avril 1967.

GAVAKI, Efie. « Greek Immigration to Quebec: The Process and the Settlement », Journal of the Hellenic Diaspora, vol. 17/1, 1991, p. 69-89.

KATMA, Fotini. The Role of the Greek Orthodox Church in the Greek Community of Montreal, Mémoire (M.A.) (sociologie et anthropologie), Université Concordia, 1985, 96 p.

LEBLANC, Gérald. « Nicholas Salamis, arrivé en 1918 », La Presse, 14 septembre 1991, p. B-4.

Mémoires d’un pays : l’histoire du siècle du Père Salamis, [Enregistrement vidéo], réalisateur : Stavros Stavrides, [Montréal], Ciné-fête, 1998-2001, DVD.