Vingt ans avant l’avènement de la télévision, c’est devant le meuble radio que les Montréalais se réunissent pour écouter leurs histoires préférées!
Robert Choquette
Plusieurs radioromans vont connaître un succès retentissant à Montréal et ailleurs dans la province : certains resteront en ondes plus de 15 ans. Ils occupent aussi une large part de la programmation : en 1943, 22 radioromans sont à l’horaire de la station CKAC! Une grande variété d’émissions est donc disponible, passant des fameux « romans de savon » (les soap operas, de moindre qualité littéraire et souvent commandités par des compagnies de savon) aux textes d’auteurs réputés. On estime que les radioromans de l’époque sont suivis par près d’un million de personnes dans l’ensemble de la province.
À Montréal, l’œuvre de Robert Choquette (1905-1991) se démarque. Né à Manchester (au New Hampshire), Robert Choquette déménage dans la métropole avec sa famille alors qu’il est encore enfant. Il grandit dans le quartier Côte-des-Neiges et fréquente plus tard le Collège Saint-Laurent, avant d’être embauché comme scripteur pour la station de radio CKAC en 1931. C’est pour cette station qu’il travaille à la création du premier radioroman québécois, Le curé du village, sur les ondes de 1935 à 1938.
Cette œuvre pionnière va encourager de nombreux autres auteurs et créateurs à innover et à réfléchir à de nouveaux formats conçus expressément pour la radio. Sketchs comiques, pièces de théâtre, opéras et histoires d’horreur vont notamment être diffusés sur les ondes. Il y en a pour tous les goûts! Les compagnies américaines et canadiennes en profitent aussi pour commanditer, voire produire, certaines émissions. C’est le cas des Meuniers mélomanes, programme présenté par la farine Robin Hood, et de Dans ma tasse de thé présenté par la compagnie Tenderleaf!
Un radioroman urbain : La Pension Velder
La Pension Velder
La Pension Velder est un véritable miroir de la société montréalaise des années 1940. Une famille d’origine belge, les Velder, tient une pension au coin des rues Saint-Denis et Sherbrooke. Le choix du lieu n’est pas anodin : c’est un quartier vibrant de la métropole où universitaires, immigrants, artistes, criminels et gens de toutes sortes se côtoient. Les pensionnaires hauts en couleur et les intrigues témoignent de la diversité et de la modernité du Montréal de l’époque.
Métropole, une fresque montréalaise
Radioromans
C’est ainsi que la revue Radiomonde annonce la diffusion du nouveau radioroman de Robert Choquette, le 2 octobre 1943. Appelée Métropole, l’œuvre ne se limite plus à l’intersection Saint-Denis–Sherbrooke : on y examine les liens entre des individus de toutes les classes sociales, habitant aux quatre coins de la ville. On y trouve à nouveau les personnages de La Pension Velder, mais l’équipe s’agrandit considérablement : environ 80 comédiennes et comédiens prennent part au radiofeuilleton, resté en ondes pendant près de 15 ans.
L’auditoire connaît très bien ces « personnages légendaires » de la radio montréalaise. La revue Radiomonde leur consacre fréquemment plusieurs pages, faisant aussi connaître les artistes qui se cachent derrière les voix radiophoniques. La critique encense la nouvelle création, complimentant la qualité de l’écriture et la qualifiant même de supérieure aux productions américaines de l’époque. Le courrier des lecteurs de Radiomonde témoigne aussi de la grande appréciation du public : une auditrice, Louise De Repentigny, mentionne par exemple en 1946 que « Métropole de Robert Choquette surpasse tous les romans de savon! »
L’arrivée de la télévision
Robert Choquette - revue
Au sommet de leur popularité dans les années 1940, les radioromans vont progressivement disparaître des ondes montréalaises dans la décennie suivante. Bon nombre de ces créations vont être adaptées pour la télévision, une nouvelle technologie qui vient chambouler l’univers de la radio. La Pension Velder est d’ailleurs diffusée comme téléroman de 1957 à 1961. Mais l’histoire des Velder ne s’arrête pas là! En 1976, Robert Choquette écrit une suite à la série : le téléroman Quinze ans plus tard. La nouvelle production ne durera toutefois qu’un an.
Merci à Alain Dufour de la Société québécoise de collectionneurs de radios anciens d’avoir contribué à la vérification du contenu de cet article.