L’industrie du taxi à Montréal en 2025 : ubérisation, enjeux et perspectives
Depuis 2015, l’industrie du taxi à Montréal connaît une mutation liée aux technologies, à la nature des entreprises et aux lois. Le secteur est méconnaissable pour les chauffeurs et les usagers.
À Montréal, les modes de déplacement sont en constante évolution. Dans les dernières années, la hausse exponentielle du coût de la vie, la pandémie de la COVID-19, le télétravail, la baisse d’achalandage dans le centre-ville, le développement du Réseau express vélo (REV) et l’ouverture du Réseau express métropolitain (REM), parmi d’autres facteurs, ont grandement affecté les déplacements des Montréalais dans plusieurs aspects : en 2025, comment, pourquoi, où et à quel prix circulent-ils?
Qu’en est-il des changements dans l’industrie du taxi? L’ubérisation, la Loi 17 concernant le transport rémunéré par automobile et la fermeture du Bureau du taxi de Montréal (BTM), ces deux dernières datant de 2022, ont fortement bouleversé et remis en question l’industrie du taxi montréalaise. Et la liste des transformations ne s’arrête pas là. À quoi ressemble cette nouvelle ère dans les rues de la ville?
De toutes les couleurs…
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Si on ne peut tenir pour acquis que ces impressions reflètent la réalité sur le terrain, les actualités nous aident à dresser une image de la situation. Mais le sujet demeure délicat et les avis sont très variés. Cependant, d’après les chiffres de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), on sait que les constats d’infractions pour transport illégal à Montréal ont quadruplé depuis 2021. La SAAQ indique aussi que seulement une vingtaine de patrouilleurs circulaient dans les rues de la ville en 2024. De plus, le registre des taxis développé par le BTM n’est plus mis à jour ; il n’y a donc aucun moyen de savoir si un chauffeur est certifié pour faire du transport par automobile sans l’arrêter. Pour essayer de remédier au taxi illégal, l’Association canadienne du taxi a notamment demandé à Amazon d’arrêter de vendre des lanternons à l’été 2024, une requête qui n’a pas fonctionné. Un autre constat important date de 2024 : les deux tiers des véhicules de taxi autorisés par la SAAQ sont des Ubers.
Le choc Uber
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Les raisons du succès de Uber à Montréal sont variées. Beaucoup de Montréalais ont adopté ce service, notamment les plus jeunes générations pour lesquelles l’usage d’applications sur appareils mobiles est la norme. Une enquête menée auprès d’utilisateurs d’Uber par Radio-Canada en 2024 rapporte qu’ils estiment qu’il est plus simple de prendre un Uber grâce à son application, que les véhicules ont tendance à être plus propres et que, dans certains cas, les chauffeurs sont plus sympathiques. En revanche, les chauffeurs de taxi ne sont pas adeptes d’Uber. Ils pestent contre la compagnie, l’accusant de leur avoir pris une part considérable du marché, en plus d’être à l’origine de la décision du gouvernement provincial de dérèglementer l’industrie, ce qui a eu pour effet immédiat de dévaloriser grandement les permis de taxi.
Encore une fois, ces informations doivent être traitées dans leur contexte, mais il est possible de discerner des tendances. Dans beaucoup d’entrevues, des chauffeurs Uber rapportent qu’ils perçoivent ce travail comme un revenu d’appoint plutôt que comme un emploi à temps plein. La flexibilité qu’offre Uber leur permet d’utiliser leur propre voiture, quand ils veulent et où ils veulent. Il faut aussi prendre en compte que Uber a débuté à Montréal à un moment qu’il lui était opportun et que son arrivée a créé de fortes pressions sur les gouvernements. Des changements de lois, un contexte de dérèglementation et une évolution des habitudes des consommateurs, conséquence d’un environnement économique de plus en plus austère, ont tous joué en sa faveur.
Ce contexte a d’ailleurs poussé plusieurs compagnies de taxi montréalaises à se transformer et à « ubériser leur modèle d’affaires ». Dans d’autres cas, de toutes nouvelles compagnies ont vu le jour. L’exemple de Taxelco, propriétaire aujourd’hui de certaines des grandes entreprises de taxi montréalaises, comme Diamond et Hochelaga, reflète ce phénomène. Avec son immense parc automobile électrique, ses 1500 membres et son application mobile, la compagnie s’est taillé une place d’envergure dans le nouveau marché du taxi montréalais.
Et les prochaines années?
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L’automatisation des véhicules, probablement le changement le plus impressionnant à venir, a déjà fait son entrée dans l’industrie du taxi. Dans plusieurs villes américaines, les véhicules taxis autonomes circulent actuellement sur la route. C’est le cas de la compagnie Waymo présente dans plusieurs villes américaines, comme San Francisco, Los Angeles et Phoenix. Ses parcs de Tesla fonctionnent comme un Uber : le client commande une voiture via son application et elle vient le chercher. La différence est qu’il n’y a pas de conducteur à bord, le véhicule est conduit par intelligence artificielle. Si on regarde plus loin encore, des projets pilotes de taxis volants électriques automatisés, comme celui de CityAirBus, sont même en phase de prototypes aux États-Unis et en Allemagne. Ces nouveautés peuvent sembler être de la science-fiction, mais elles s’avèrent plutôt les signes avant-coureurs d’un futur proche. Elles constitueront une pression supplémentaire sur l’industrie et sur le métier de chauffeur ou chauffeuse, qui risque d’évoluer encore plus.
Rien n’est plus constant que le changement
Nous pouvons conclure sur une chose certaine : le taxi existe à Montréal depuis plus de 100 ans, et il demeurera un moyen de transport important dans le futur. Mais le métier de chauffeur et le modèle d’affaires des compagnies de taxi changeront. Ces transformations sont déjà en cours et vont probablement s’accentuer dans les prochaines années. La dérèglementation de la dernière décennie reflète un environnement socio-économique mouvant.
Dans le futur, des compagnies qui fonctionnent à la manière d’Uber, d’origine locale ou non, vont potentiellement s’insérer progressivement dans le territoire montréalais. Mais il est aussi possible qu’Uber maintienne une domination majeure sur le marché pour des années à venir. Peu importe la forme du changement, comme durant les nombreuses crises du passé, l’industrie s’adaptera et trouvera fort probablement un nouvel équilibre.
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Le néologisme ubérisation est généralement utilisé pour désigner le phénomène par lequel une start-up ou un nouveau modèle économique lié à l’économie numérique peut menacer et remettre en cause rapidement un vieux modèle de l’économie « traditionnelle ».
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