L’industrie métallurgique montréalaise se développe intensément au XIXe siècle. Le dur métier d’ouvrier mouleur, qui nécessite habileté et force physique, est au cœur du travail des fonderies.
Ouvriers mouleurs - Fonderie
Alors qu’un forgeron, un ferblantier ou un cloutier avait autrefois la responsabilité de produire des pièces métalliques depuis la matière première jusqu’à l’objet fini, le travail est désormais effectué en cinq ou six étapes par autant d’ouvriers : modeleur, mouleur, fondeur, ouvrier d’usinage, monteur et peintre. L’industrie métallurgique montréalaise se divise alors en trois secteurs distincts. Le plus important de ces secteurs est sans contredit la fabrication et la réparation de matériel ferroviaire. Viennent ensuite les usines de fabrication de machines à coudre, puis les fonderies ayant comme vocation la fabrication de pièces diverses.
Double atout pour l’industrie métallurgique
C’est aux abords du canal de Lachine, dans le faubourg des Récollets, que va se développer l’industrie métallurgique. En 1825, la fonderie Eagle est la première à s’installer dans ce secteur et est bientôt suivie par la Clendinning, la Ives and Allen et la Darling. Elles sont toutes attirées par la proximité du port où la matière première, minerai de fer ou fer en barre, arrive d’Angleterre par navire. Cette facilité d’approvisionnement est doublée par celle de trouver une main-d’œuvre qualifiée au sein même du quartier. En effet, le faubourg est habité par les ouvriers qui y travaillent. Il faut se rappeler qu’avant l’implantation d’un système de transport en commun, pour le prolétariat, tous les déplacements s’effectuaient à pied.
Fonderie Eagle
L’ouvrier mouleur à l’ouvrage
La journée de travail de l’ouvrier mouleur débute par l’installation des cadres dans lesquels les moulages vont être faits. Ensuite le sable, importé de la région d’Albany, est mélangé à de la poussière de charbon et à de l’argile, puis disposé dans les cadres et humecté. L’impression du moule dans le mélange sablonneux permet de créer l’empreinte dans laquelle le métal en fusion va prendre forme. Jusque là, l’ouvrier mouleur obtient l’aide de journaliers qu’il paye à même son salaire et qui lui permettent de préparer un maximum de moulages. Vient ensuite, en toute fin d’après-midi, l’opération finale où le métal en fusion est transporté, au pas de course, du fourneau aux moules. Imaginez le poids (environ 20 kilos), et surtout la chaleur, que l’ouvrier devait supporter. Cette étape du travail ne dure qu’une quinzaine de minutes et est effectuée par l’ouvrier mouleur seul. Il ne lui reste plus qu’à défaire ses moules lorsque le métal est refroidi et à les envoyer à l’atelier d’usinage et de peinture.
La lecture du mémoire de maîtrise de Peter Bischoff (1986) sur les ouvriers mouleurs nous permet de réaliser que, si la majorité de ceux-ci étaient originaires des îles Britanniques au milieu du XIXe siècle, il y eut un renversement de la tendance vers 1870. À partir de cette époque, les Canadiens français forment la majorité du contingent des mouleurs. Les ouvriers mouleurs formés en Europe avaient donc transmis leur savoir-faire à leurs apprentis canadiens-français.
Il y a fort à parier que ces ouvriers, qui ont baigné ces lieux de leur sueur, seraient aujourd’hui étonnés de voir le type de labeur qui s’effectue dans ce qu’on appelle maintenant la Cité du Multimédia.
Cet article est paru dans le numéro 40 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008.