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L’enfance et l’effort de guerre en 1942

29 avril 2019
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Au printemps 1942, le gouvernement charge les écoliers et écolières du Canada de récolter du caoutchouc de rebut. Les petits Montréalais contribuent ainsi à l’effort de guerre.

Enfants Rosemont 1942

Photo en noir et blanc d’un groupe d’enfants dans une rue du quartier Rosemont.
BAnQ Vieux-Montréal. Fonds Conrad Poirier, P48,S1,P7493.
Le sourire aux lèvres, ces jeunes garçons posent fièrement pour le photographe Conrad Poirier le 29 avril 1942. Pourtant, le pays est alors en ébullition. Deux jours plus tôt, les résultats du plébiscite révèlent que 63,7 % des Canadiens sont en faveur de la conscription, ce qui est loin de faire l’affaire des Québécois qui s’y opposent majoritairement, soit à 71,2 %.

Il y a fort à parier que ces jeunes garçons connaissent bien la nouvelle. Pendant six ans, jour après jour, la guerre est un sujet omniprésent et inévitable, et cela même pour les enfants. Dans les journaux et à la radio, les journalistes rapportent la présence menaçante de sous-marins ennemis dans le Saint-Laurent, dont le fameux U-553, qui coule deux navires de ravitaillement les 11 et 12 mai 1942 au large de la côte gaspésienne. Âgé de 8 ans à l’époque, Claude Dupont témoigne qu’il n’était pas loin de croire, alors, qu’Adolf Hitler ferait la conquête du Canada et que tous devraient parler l’allemand! La propagande gouvernementale canadienne pour l’effort de guerre a de nombreux effets sur la population, dont certains sont de nature écologique comme le montre cette photographie sur le thème de la récupération.

Le caoutchouc se fait rare

Au printemps 1942, le gouvernement sonne l’alarme. Partenaire de l’Axe, le Japon a coupé les ponts avec les producteurs de caoutchouc en Asie. Privé de matière première, on doit donc récupérer pneus, jouets… et même bonnets de douche pour les réutiliser dans l’industrie de guerre. Pour ce faire, le gouvernement mandate tous les écoliers et écolières du Canada, comme ceux de l’école Drummond (maintenant Sainte-Bibiane) de Rosemont, en tant que « ramasseurs officiels du caoutchouc de rebut ». Avec leurs petits bras, ils amènent au dépôt, aménagé à leur école, des pneus usagés, de vieilles chaussures et des courroies défectueuses. D’un vieux pneumatique de bicyclette, les ouvrières d’usine peuvent fabriquer des isolants électriques pour six avions de chasse! Comme quoi l’enrôlement au sein des forces armées n’était pas la seule façon de contribuer à l’effort de guerre.

Achetez les bons de la Victoire!

Empress Theatre

Cette photographie, prise le 30 octobre 1943, montre une file d’enfants devant l’Empress Theatre. Les enseignes lumineuses incitent à soutenir l’effort de guerre canadien par l’achat de bons de guerre.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Vieux-Montréal. Fonds Conrad Poirier, P48.S1.P9358.
Durant la Deuxième Guerre mondiale, les enfants obtiennent très souvent des billets de cinéma gratuits lorsqu’ils amènent des morceaux de caoutchouc, de la ferraille et du gras animal, voire leurs jouets en métal, récupérés pour alimenter la production de guerre. Avec leur argent de poche, les jeunes achètent des bons de la Victoire, espérant, comme l’énoncent les publicités telles que celle de la marquise du cinéma Empress, une victoire rapide et le retour des proches partis à l’entrainement ou au front.

Ancêtres des Obligations d’épargne du Canada, les bons de la Victoire ont été créés durant la Première Guerre mondiale. N’ayant qu’un pouvoir d’imposition limité, le gouvernement cherche alors à financer l’effort de guerre à même les poches des contribuables. En vendant des bons de la Victoire, le gouvernement obtient de l’argent rapidement, tandis que l’acheteur retire un intérêt avantageux de 5,5 % sur son placement pour 20 ans. Pour le gouvernement, l’effort de guerre est alors l’affaire de tous, des soldats mobilisés aux jeunes enfants.

Cet article a été écrit à partir de deux chroniques « Montréal, retour sur l’image » parues dans Le Journal de Montréal du 13 septembre 2015 et du 31 janvier 2016.