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Le site de la Maison Nivard-De Saint-Dizier à Verdun

30 avril 2018
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Témoins des premiers établissements français, les alentours de la maison d’Étienne Nivard de Saint-Dizier ont révélé un des principaux sites archéologiques autochtones de l’île de Montréal.

Fort de Verdun - extrait

Extrait de la carte de l’île de Montréal de 1702 montrant l’emplacement du fort de Verdun.
Archives de la Ville de Montréal. VM66-S1P025.
L’île de Montréal recèle beaucoup de lieux qui cachent bien leur ancienneté historique. Parfois, on peut encore voir des indices d’un passé lointain, et il arrive que ceux-ci ne soient que la pointe de l’iceberg! C’est le cas de la Maison Nivard-De Saint-Dizier, dans l’arrondissement de Verdun, qui, bien que fort vieille, se trouve sur un site archéologique plus ancien encore...

Une maison rurale de 1710

À Verdun, entre la rive du fleuve et le boulevard LaSalle, le parc de l’Honorable-George-O’Reilly abrite une vieille maison en pierre qui est devenue aujourd’hui un petit musée d’histoire et d’archéologie. Son architecture ancienne contraste avec les habitations actuelles le long du boulevard LaSalle, car elle témoigne des tout premiers établissements français dans ce secteur, peu de temps après la fondation de Ville-Marie. Dès les années 1660, des terres sont concédées en amont de Ville-Marie entre l’embouchure de la rivière Saint-Pierre (devant l’île des Sœurs) et les rapides du Sault Saint-Louis. C’est ce qui se nomme à l’époque la côte des Argoulets.

Maison Nivard-De Saint-Dizier

Photo noir et blanc montrant une maison de pierre ancienne le long d’un chemin de terre
Musée McCord. MP-0000.10.131.
Les sœurs de la congrégation Notre-Dame sont propriétaires d’une grande terre à la limite ouest de ces concessions. Elles y exploitent une ferme pour le compte de la communauté religieuse. Le fort de Verdun – le premier d’une chaine de forts longeant la rive de l’île à l’ouest de Ville-Marie – est situé tout près. Ces bâtiments étant détruits par le feu vers 1690, de nouvelles installations deviennent nécessaires. Les sœurs font d’abord construire une grange de pierre en 1706, suivie d’une maison en 1710. Originellement enduite de chaux, elle comporte deux cheminées, deux lucarnes et quatre fenêtres. La terre est vendue en 1769 au marchand Étienne Nivard de Saint-Dizier qui, à son tour, engage des métayers. Sa famille en restera propriétaire durant trois générations. Puis, après quelques transactions, la portion de terrain avec la maison est acquise par la Ville de Verdun en 1930, et la maison devient un monument historique en 1975. Les autres bâtiments de la ferme originelle, y compris la grange, ont aujourd’hui disparu.

Un site archéologique plusieurs fois millénaire

À partir du milieu des années 2000, un programme de restauration et de mise en valeur de la Maison Nivard-De Saint-Dizier a été l’occasion de conduire des interventions archéologiques dans le parc. Ces fouilles ont permis non seulement de documenter l’usage du terrain depuis le Régime français, mais aussi de mettre à jour l’un des principaux sites archéologiques autochtones de l’île de Montréal!

Plusieurs aspects rendent ce site fort intéressant, parmi eux, quelques éléments structuraux, partiellement déterrés, pourraient correspondre au fort construit dans les années 1660. Mais les archéologues y ont découvert également des traces d’occupations humaines qui se succèdent sur cinq millénaires, ce qui en fait, à ce jour, le plus ancien site archéologique de l’île de Montréal. Des outils en pierre, des tessons de poterie, des pipes, bien caractéristiques de différentes périodes, ont été trouvés sur une bande de plus de 250 m longeant l’ancienne rive, aujourd’hui remblayée et distante de près de 100 m de la rive actuelle. Cet espace devant les rapides de Lachine était, en quelque sorte, un passage obligé, car il était situé sur un sentier riverain de portage. Ici, siècle après siècle, on s’est nourri et reposé, on a entretenu des feux de foyer, creusé des fosses, construit des structures et même enterré des morts. Des groupes de l’époque archaïque y sont venus, comme en témoignent leurs pointes de projectiles typiques. Plus tard, vers 3000 ans avant aujourd’hui, d’autres y ont laissé quelques outils fabriqués dans une pierre provenant de la région de Niagara et qui était fort utilisée à cette époque. Plus tard encore, des vases en céramique aux styles différents, mais révélateurs d’identités culturelles, seront abandonnés sur place, parmi lesquels on reconnaît des éléments fabriqués par les Iroquoiens du Saint-Laurent, juste avant l’arrivée des Français en Amérique.

Maison Nivard-De Saint-Dizier

Photo couleur montrant la Maison Nivard-De Saint-Dizier.
Maison Nivard-De Saint-Dizier

Certaines zones du site ont malheureusement été détruites lors de l’aménagement du parc à la fin des années 1940, mais d’autres secteurs restent intacts, gisant sous des remblais modernes. Les études archéologiques n’ont révélé qu’une partie de l’étonnante occupation plusieurs fois millénaire des parages de la Maison Nivard-De Saint-Dizier. Une visite à ce musée permet de voir plusieurs objets provenant des fouilles. Entretemps les recherches continuent, et une foule de questions n’attendent qu’à être étudiées davantage...