Pendant la première moitié du XXe siècle, le Quartier latin a constitué l’un des principaux foyers intellectuels de l’Amérique française. Il a renoué avec ce dynamisme culturel dans les années 1970.
Quartier latin - Université Laval
Édifice Saint-Sulpice
Le terme Quartier latin est d’origine parisienne et désigne l’arrondissement où s’élevait l’université, dont l’enseignement était dispensé en latin. L’usage montréalais de cette expression remonte bien avant l’arrivée de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), en 1969. En effet, ce quartier avait vu construire dès 1876 une filiale de l’Université Laval, filiale qui deviendra en 1919 l’Université de Montréal. On y retrouvait alors les facultés de théologie, de droit et de médecine. Plus tard, l’École Polytechnique (1905), l’École des Hautes Études Commerciales (1907) et la Bibliothèque Saint-Sulpice (1915) vinrent confirmer la vocation universitaire du quartier. Ainsi, au tournant du siècle, le Quartier latin constituait l’un des principaux foyers intellectuels de l’Amérique française. À l’époque, notables, magistrats, hommes de lettres et étudiants fréquentaient assidûment ses nombreux cafés-terrasses, ses librairies, ses tabagies et ses estaminets tranquilles. On dit aussi que l’École littéraire de Montréal tenait certaines séances clandestines dans un petit logement de la terrasse Saint-Denis, surnommée « montée des zouaves ».
Une prospérité liée au savoir
Quartier latin - incendie palais épiscopal
Secteur universitaire, le Quartier latin était de plus un faubourg cossu, où résidait l’intelligentsia francophone de Montréal. Dès l’arrivée de l’Université Laval, une population riche et instruite s’empare du secteur qui comptait déjà plusieurs résidences construites autour de la cathédrale Saint-Jacques (1823-1825), rue Saint-Denis, ou érigées après l’incendie destructeur de 1852. Les nouvelles demeures en pierre se font monumentales et victoriennes. On aménage des espaces verts, dont le très fréquenté Square Viger, inauguré officiellement en 1860.
Gare-hôtel Viger
La prospérité du Quartier latin s’est maintenue jusqu’en 1940, année du départ de l’Université de Montréal pour le flanc nord du mont Royal. Ce déménagement marque le début de la dégradation du secteur, car les familles bourgeoises se déplacent elles aussi sur la montagne, se réfugiant à Outremont. Peu à peu, des tourist rooms surgissent ici et là. De nombreuses résidences sont démolies, pour l’élargissement des boulevards Dorchester et Maisonneuve et pour la construction de plusieurs complexes de bureaux. Quant à l’élégant Square Viger, il disparaît pour laisser place à un stationnement, à un tronçon de la rue Berri puis à l’autoroute Ville-Marie, avant de renaître, bétonné, selon un concept des artistes Charles Daudelin, Peter Gnass et Claude Théberge.
Quartier latin - UQAM en construction 1977
Au début des années 1970, l’implantation de l’UQAM et du cégep du Vieux-Montréal donnera un second souffle au quartier.
Cet article est paru dans le numéro 31 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008.
À l’hiver 1895, six amis épris de littérature ont l’habitude de se réunir au Café Ayotte, rue Sainte-Catherine est, dans le Quartier latin. Ils y arrosent leurs rêves et leurs complaintes à grands verres d’absinthe, de cognac et de « tours de Babel », nom donné à de grandes flûtes de bière. Par fanfaronnade, ils se nomment alors le « Club des six éponges ». De ces réunions informelles, au cours desquelles on discute beaucoup de littérature, naîtra l’École littéraire de Montréal... Qui aurait cru que ce cénacle littéraire influent était issu d’un groupe dont la fierté était de ne jamais boire d’eau?