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Le métier de policier à Montréal (1865-1909)

18 janvier 2021

À Montréal, on exerce le métier de policier depuis 1865. Durant les décennies qui ont suivi la création du Département de police, cette activité s’est fortement professionnalisée.

Police 1880

Photographie en noir et blanc d’un groupe de policiers en uniforme. Il y a une inscription dans le coin supérieur droit.
Archives de la Ville de Montréal. VM94-Z1843.

Officiellement créé en vertu du chapitre XXII des règlements de la Cité de Montréal, le Département de police entre en fonction le 10 mai 1865. Après quelques essais infructueux, la Ville s’est finalement dotée d’un corps policier municipal qui est là pour de bon.

Plus flexible que l’armée et mieux adapté à la réalité urbaine montréalaise, il est placé sous la gouvernance d’un Comité de police composé d’échevins municipaux. Ce dernier doit gérer le budget alloué à la police, approuver les promotions et sanctionner les cas disciplinaires majeurs, en plus de faire le pont avec le conseil municipal. Il a aussi une autre responsabilité non négligeable : nommer le chef de la police. Celui-ci est responsable de la discipline interne, de l’attribution des tâches et de la répartition des effectifs sur le territoire.

La police dans la ville

Poste central de police vers 1892

Dessin couleur d’un édifice en pierre, situé au coin de deux rues. Il y a plusieurs fenêtres sur la façade.
Musée McCord, M980.184.1.51
En 1865, il y a trois stations ou postes de police à Montréal : au square Chaboillez pour le district Ouest, à la place Jacques-Cartier pour le centre-ville et sur la rue Panet pour le secteur Est. Tout au début, ils sont un peu plus d’une centaine d’hommes à occuper différentes fonctions au sein du Département (constable, officier, détective, etc.), sans oublier les quelques surveillantes qui s’occupent des femmes délinquantes. Vingt ans plus tard, en 1905, 465 personnes travaillent désormais dans 15 postes. Les nouveaux établissements sont d’abord mis en place en périphérie de la ville et dans les quartiers les plus populeux afin de couvrir un maximum de terrain. Les officiers qui les dirigent y habitent avec leur famille dans un appartement aménagé au-dessus de l’espace réservé au travail.

Pour devenir policier à Montréal, il faut y résider depuis au moins trois ans. Comme le recrutement s’avère difficile, ce temps est réduit à huit mois en 1903. Malgré tout, les policiers sont principalement nés ailleurs qu’à Montréal. En effet, au tournant du XXe siècle, seulement 20 % d’entre eux ont vu le jour dans la métropole alors que 63 % viennent des régions du Québec et 17 % d’ailleurs au Canada, de l’Europe ou des États-Unis. Bien souvent, les hommes ont eu d’autres emplois avant de se joindre à la force (journalier, ouvrier qualifié ou encore col blanc) et ne deviennent policiers qu’à la fin de leur vingtaine. Réalité montréalaise oblige, le Département embauche des policiers francophones et anglophones de confession catholique et protestante. Le but de l’opération étant de donner l’impression d’un équilibre ethnoreligieux au sein de la force policière, alors que ce n’est pas le cas dans la ville elle-même.

Formation et tâches des effectifs

Police 1900-1901

Mosaïque de photographies en noir et blanc où on peut voir le portrait de plusieurs policiers dans des médaillons. En haut et au centre, on peut voir les armoiries de Montréal.
Archives de la Ville de Montréal, VM94-Y-1-17-D1742.
Pendant les premières décennies d’existence du Département, la formation des policiers est axée sur l’endurance physique. Un instructeur militaire offre aux hommes des exercices de drill (exercices militaires intensifs). Puisqu’ils sont désormais armés en tout temps, des exercices de tir s’ajoutent à l’entraînement. Pour les lois, les règlements et les procédures, il faut apprendre sur le tas! Ce n’est qu’en 1893 qu’un premier manuel de police est rédigé par Raoul Dandurand et Charles Lanctôt. L’ouvrage est destiné à l’ensemble les policiers, peu importe leur grade, et des séances sont instaurées pour en assurer la lecture par tous. Néanmoins, malgré cet effort d’encadrement, les policiers apprennent l’essentiel de leur métier en observant leurs confrères plus expérimentés. Il faudra attendre les années 1920 pour qu’une école de police accueille systématiquement les cadets.

Les effectifs montréalais assurent à la fois la répression et la prévention. Ils se doivent de faire appliquer les règlements municipaux et de prévenir les crimes, mais aussi d’aider les plus démunis. L’indésirable numéro un est sans doute l’ivrogne qui sème le désordre dans l’espace public. La consommation d’alcool est également un problème chez les policiers et est un motif fréquent de suspension ou de renvoi. Après l’ivresse excessive viennent les vols et le vice criminalisé. Lorsque le Département de police est fondé, les constables travaillent également pour d’autres services municipaux comme la voirie ou la santé publique. Ils effectuent ces tâches connexes jusqu’à ce que l’appareil administratif montréalais embauche du personnel pour les remplacer.

Une nouvelle structure de commandement apparaît au début du XXe siècle : l’état-major. Créé le 2 juillet 1901, il est composé du chef de police Legault, des inspecteurs Kehoc, Lapointe et Leggett et du chef de la sûreté, le détective Carpenter. Ces cinq hommes s’assurent que la force roule rondement, font le suivi des enquêtes et supervisent l’ensemble des constables, tous grades confondus.

Se déplacer et s’équiper

Par la force des choses, le métier de policier se spécialise, et de nouvelles escouades sont organisées, comme celle de la moralité mise sur pied en 1909. On inclut, au sein de celle-ci, une structure spécialisée dans la lutte contre la drogue. Le télégraphe et le téléphone sont, quant à eux, intégrés aux activités respectivement dans les années 1870 et 1880.

Toutefois, c’est le système des boîtes d’alarme, instauré en 1893, qui facilite grandement la vie des agents sur le terrain puisqu’il permet de faire directement le lien avec les postes de police. Au nombre de 98, les boîtes sont réparties dans toute la ville et dans les quatre écuries où sont rangées les voitures de patrouille. Elles doivent être accessibles en tout temps. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une pelle est rangée dans chacune d’elle afin que les policiers puissent en dégager l’accès lors de la saison hivernale. Chaque membre de la force a une clé pour ouvrir les boîtes et sonner l’alarme. Celle-ci diffère selon les situations. Il en existe sept : aux voleurs, à l’émeute, au feu, etc. Les constables utilisent aussi les boîtes pour signaler au poste leur présence, ce qui permet une gestion plus rigoureuse des effectifs et de leurs déplacements.

Avant la motorisation du service, les policiers utilisent six voitures hippomobiles. Une septième est achetée en 1896 afin de servir d’ambulance. Les policiers se déplacent également à vélo et le Département s’en procure six en 1897. Ils permettent de couvrir plus d’espace sans augmenter le temps de patrouille. Ceci fait bien l’affaire des riches bourgeois qui font surveiller leur résidence lorsqu’ils sont absents. Ce n’est qu’au début du XXe siècle que le Département se dote d’une police montée. Elle sillonne les parcs et les secteurs situés aux limites de la ville. En 1909, près d’une dizaine de policiers œuvrent au sein de cette escouade équine.

Un corps policier sur la sellette

Ce qui constitue la nouveauté de ce corps policier municipal créé en 1865, par rapport à ce qui se faisait avant, c’est qu’en plus d’être répressif, donc de sévir lorsqu’un crime est commis, il fait aussi de la prévention. L’objectif étant que la seule présence des policiers dans les rues de la ville serve à décourager les malfaiteurs.

Au cours des premières années du XXe siècle, de nombreuses critiques visent le Comité de police et l’organisation municipale dans son ensemble (corruption, pots de vin, etc.). La population réclame une enquête publique et l’obtient. En 1909, conséquemment au travail d’une commission royale d’enquête, le juge L. J. Cannon recommande, entre autres, la dissolution du Comité de police. La gestion du Département sera alors transférée au Bureau des commissaires dans l’espoir qu’une réforme du service permette de le rendre plus transparent et efficace.

Merci à Paul-André Linteau pour la relecture de cet article et au Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal pour son soutien à la recherche.

Références bibliographiques

DANDURAND, Raoul, et Charles LANCTÔT. Manuel de police à l’usage de la police de Montréal, Montréal, La Compagnie d’imprimerie Perreault, 1893, 158 p.
https://archive.org/details/McGillLibrary-131764-5178/mode/2up

GIROUX, Éric. Les policiers à Montréal : travail et portrait socio-culturel, 1865-1924, Mémoire (M.A.) (histoire), Université du Québec à Montréal, 1996, 149 p.

TURMEL, Jean. Premières structures et évolution de la police à Montréal (1796-1909), Montréal, Service de police de Montréal, 1971, 120 p.