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La résidence pour aînés Waa Yan Dai Lau

20 juin 2023

Construite après les expulsions des années 1970, la tour résidentielle surnommée « la Plaza chinoise » témoigne des luttes pour le logement qui ont animé le Quartier chinois au début du XXe siècle.

Résidence pour aînés Waa Yan Dai Lau

Photo couleur de quelques personnes manifestant. Au centre, une femme tient un micro et un homme à ses côté tient un porte-voix. Une personne âgée pleure à l’avant-plan.
2002, photographie Armand Trottier, Archives La Presse
Waa Yan Dai Lau (華人大樓), « la Plaza chinoise » en cantonais, est bien connu en dehors de la communauté par un nom qui indique simplement l’adresse du bâtiment, « le 1001 rue Saint-Dominique ». Les membres de la communauté cantonaise l’ont affectueusement nommé « la Plaza chinoise » en raison de l’histoire liée à sa création.
En effet, l’immeuble a été obtenu à la suite d’une longue lutte portée par les activistes de la communauté. En raison des mesures d’expropriation, et malgré des années de revendications contre les autorités fédérales, provinciales et municipales, les habitants du Quartier chinois avaient déjà perdu presque 30 % de leur secteur. Entre les années 1960 et 1980, des dizaines de bâtiments résidentiels et d’entreprises familiales ont été démolis, ce qui a mené au déplacement de centaines de Sino-Montréalais. Des parties importantes du Quartier chinois ont été remplacées par des projets d’envergure qui incluent le Complexe Desjardins et le Complexe Guy-Favreau, ainsi que la Place du Quartier et le Palais des congrès.

Lorsque le projet du Complexe Guy-Favreau a été annoncé en 1972, la communauté chinoise s’est mobilisée pour empêcher la perte du quartier au profit du « développement ». Quand il est devenu évident que la construction aurait lieu, les leaders de la communauté ont négocié pour obtenir des installations culturelles et récréatives, une garderie ainsi que des espaces pour les aînés dans le nouveau bâtiment, demandes qui ont été ignorées. Les leaders de la communauté ont continué à se battre pour créer des unités de logement social, et ont finalement reçu un terrain sur lequel l’édification du Waa Yan Dai Lau a débuté au début des années 1980.

Vivre au sein de sa communauté

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Article de journal avec une photo dont la légende dit Ganchun Lee (77 ans) faisait partie des résidants qui ont manifesté, hier, en pyjama contre leur expulsion.
Archives La Presse
Les locataires ont commencé à emménager dans le bâtiment de neuf étages entre 1983 et 1984, lorsque la Plaza chinoise a ouvert ses portes. La plupart des résidants installés dans les 82 logements étaient des personnes âgées chinoises et des familles à faible revenu. Parmi eux, des dizaines recevaient une allocation logement de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ce qui permettait aux aînés de vivre dans le Quartier chinois malgré son rapide embourgeoisement. Bien que les appartements étaient habillés de parquet et équipés d’armoires de cuisine bon marché, les anciens résidants de Waa Yan Dai Lau se souviennent de leur arrivée dans les lieux comme d’une époque pleine d’enthousiasme pour les familles multigénérationnelles. Les aînés chinois appréciaient que leur autonomie soit accrue par le fait de vivre dans un quartier accessible à pied et adapté à leurs besoins quotidiens, et les enfants pouvaient profiter de l’enclave culturelle bâtie par leurs prédécesseurs. Les activités culturelles quotidiennes, comme les rassemblements de mahjong dans les foyers des aînés ou les déjeuners chinois dans les restaurants du quartier, étaient des moments précieux pour les membres de la communauté.

Dans les années 1990, des problèmes de délabrement et de mauvaise gestion sont apparus dans l’édifice. Les résidants se plaignaient des déchets qui entouraient l’immeuble, de l’endommagement des statues de lion aux entrées, ainsi que de l’odeur permanente des poubelles qui imprégnait les ascenseurs et les couloirs. Lorsque les plaintes sont demeurées sans réponse, les résidants ont commencé à soupçonner les propriétaires, la Montreal Chinese Community United Center-Housing Corp (MCCUC-HC), de corruption et de négligence aux dépens des locataires vulnérables.

À la fin des années 1990, la MCCUC-HC a négocié un taux d’hypothèque plus bas avec le propriétaire de l’immeuble, la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ce qui a mené cette dernière à réduire ses allocations logement. Les locataires qui bénéficiaient de cette aide ont reçu des avis leur indiquant qu’ils devaient payer un loyer haussé de 20 %. Il était impossible pour les 34 locataires qui bénéficiaient d’allocations d’assumer cette augmentation; 29 d’entre eux étaient des résidants âgés et plusieurs autres survivaient grâce à la pension de la Sécurité de la vieillesse. Certains locataires n’ont pas pu faire face aux augmentations de loyer, tandis que d’autres ont résisté à la hausse par solidarité. La menace d’éviction massive planait au-dessus de leur tête, tandis qu’ils s’efforçaient de trouver les moyens de défendre leurs intérêts.

Lutte contre la hausse des loyers

Parmi les résidants confrontés à la hausse se trouvaient Victor Tom et sa famille de trois personnes, incluant sa femme et sa jeune fille, ainsi que Yui Loik Pak, qui vivait dans le logement adjacent. Victor Tom et son voisin se sont adressés au Service à la Famille Chinoise du Grand Montréal (SFCGM) entre 2000 et 2001 pour obtenir de l’aide sur ce dossier. Avec le soutien de l’ancienne directrice générale du SFCGM, May Chiu, et de plusieurs autres organismes de défense du droit au logement, une lutte sur plusieurs fronts s’est engagée contre la MCCUC-HC. Accompagnés par May Chiu, les résidants ont formé un syndicat de locataires, tenu des conférences de presse, organisé des manifestations et intenté une action en justice contre leur bailleur, le MCCUC-HC.

Avec May Chiu, les locataires ont organisé une manifestation en pyjama : tard dans la nuit, des aînés se sont rassemblés devant l’immeuble en pyjama devant les journalistes locaux. Ils dénonçaient ainsi l’éviction massive et les hausses de loyer. Afin d’attirer le plus d’attention possible sur le problème, Victor Tom, May Chiu et d’autres locataires ont organisé une manifestation lors de l’inauguration du Centre culturel tant attendu. Cette manifestation est devenue la plus importante lutte pour les droits des locataires dans le Quartier chinois de Montréal. Elle a mobilisé de nombreux groupes, tels que le Comité logement Ville-Marie et le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), qui se sont solidarisés avec les travailleurs et les membres de la communauté chinoise de classe inférieure dans leur combat pour un logement abordable et digne.

La lutte a duré plusieurs années. À son apogée, en mai 2005, la Cour du Québec a donné appel au dossier. La cour a jugé que les loyers n’avaient pas augmenté, mais que leur hausse reflétait plutôt la perte des subventions auparavant utilisées. Les locataires devaient donc verser l’augmentation de 20 % au bailleur. Le jugement, par sympathie pour les locataires vulnérables, a accordé deux mois pour verser les paiements dus, une disposition qui a en fin de compte empêché qu’une éviction massive ait lieu. Les allocations logement n’ont jamais été rétablies, et les locataires ont été forcés d’accepter de payer le montant complet du loyer à partir de ce moment.

Des évictions blessantes

Mais les expulsions n’ont pas toutes été évitées. Le matin de l’anniversaire de Victor Tom, le 24 novembre 2005, sa fille de six ans a été réveillée par des coups donnés sur leur porte. La femme de Tom, après l’avoir ouverte, a reçu un avis d’expulsion. Malgré son français et son anglais approximatifs, le couple a contesté l’avis. Avant que le couple ait pu rassembler ses possessions, les huissiers de justice ont fait irruption dans l’appartement et ont commencé à déménager leurs biens. Les voisins témoins de cette scène dans le couloir tentaient de rassurer Victor Tom et son voisin Liu Yoik Pak qui subissait lui aussi une expulsion. Le mobilier et les objets personnels contenus dans les deux appartements ont été chargés dans l’ascenseur, puis jetés dans un camion avant que les résidants puissent comprendre où ils se rendaient. Il a fallu plus d’un an avant que les familles récupèrent le reste de leurs possessions. Accusés de devoir des loyers impayés, les deux locataires ont vu leurs baux résiliés indéfiniment, et ils ne sont jamais revenus à Waa Yan Dai Lau. Les deux familles évincées ce jour-là ont déménagé dans un autre bâtiment de logements abordables dans le quartier quelques mois plus tard. Elles ont continué à vivre dans le Quartier chinois, mais l’expulsion leur a laissé un goût amer. Le Quartier chinois ne leur a plus jamais procuré le même sentiment d’appartenance.

Aujourd’hui, les passants et les visiteurs ne connaissent pas l’histoire de l’immeuble. De l’extérieur, Waa Yan Dai Lau ressemble à un complexe d’appartements ordinaire. Alors que l’embourgeoisement s’intensifie, la construction de nouvelles tours d’habitation continue d’enterrer les voix de la résistance chinoise. Dans le cœur des Sino-Montréalais qui connaissent l’histoire du bâtiment, Waa Yan Dai Lau est un symbole de courage et de détermination pour améliorer des conditions devenues de plus en plus invivables pour les personnes âgées à faible revenu. En effet, ce lieu a autrefois accueilli des activistes chinois de la classe ouvrière, qui ont lutté contre l’oppression intercommunautaire et ont vu naître une solidarité intersectionnelle avec les Montréalais de tous les coins de la ville. Waa Yan Dai Lau porte bien son nom et demeure indéniablement « la Plaza chinoise ».

唐人街最大的租户权利抗争

华人大楼,或粤语中的《华人大厦》,是一座建于 1983 年的九层低收入房屋。经过多年与征收措施的抗争,终归唐人街社区所有。该大楼是政府在征收措施中的商讨条件之一,代价为强行逼使华人居民、小企业、教堂和其他大厦搬迁。目的是开展重大建设项目如联邦大楼( Complexe Guy-Favreau)、博爱商场(Place du Quartier) 和加鼎购物商场( Complexe Desjardins)。

这地方发生了最大规模租户权利抗争,由已故维权人士 Victor Tom 和其盟友领导。 2001 年至 2005 年间,Tom 和其盟友召集了 38 名主要为长者和低收入居民,反对大规模驱逐租客和租金大幅上涨。在华人服务中心和其他租户维权人士的协助下,他们组织了抗议活动和新闻发布会,甚至对房东进行集体诉讼。由于这场抗争,租户得以保留住房。华人大楼象征着蒙特利尔华人社区坚毅不屈的精神,秉承了祖先开发的传统。

柯诚欣: “ [我的祖父母] 是大楼的第一批居民,这是他们社交生活的重要支柱。祖母经常和邻居打麻将。走廊里总是有人在做气功或练功。我认为这确实让他们的生活安康并得以留在唐人街居住,这是我祖父的愿望。他们的生活非常充实和丰富。他们可以去买菜、参加文化活动,并可以步行到他们想去的地方。”

谭倩茵: “在驱逐期间,我一大早就被吵醒, [因为] 有人开始敲门......他们进来拿走了所有东西......并放在电梯里,然后扔进了货车。那是我爸爸 [Victor Tom] 的生日。 2006 年 11 月 24 日 [......] 我记得妈妈因为无法承受压力,那天晕倒了。”

赵秀媚: “我们必须向所有为租户权而奋斗的家庭致敬。这是我们第一次与 [整个城市] 的盟友合作。那次不仅是跨社区合作,还创造了许多先例和创新的抗争方式。著名的房权团体察觉到我们有共同的利益,共同的阶级斗争,共同的心愿保护租户。”