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Le Gesù, un bâtiment aux multiples vocations

24 septembre 2018
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Ancienne chapelle du collège Sainte-Marie, lieu de prière, de pèlerinage, d’art et de théâtre, le Gesù est aussi le dernier vestige témoignant de la présence jésuite au centre-ville de Montréal.

Gesù

Façade de l'église du Gesù.
Creative Commons. Photo : Jean-Gagnon.
En 1842, la Compagnie de Jésus revient au Canada après plusieurs décennies d’absence. Ignace Bourget, évêque de Montréal, demande aux Jésuites de poursuivre leur mission d’éducation et d’évangélisation dans la métropole.

Le collège Sainte-Marie

Le 20 avril 1846, le père jésuite Félix Martin achète un terrain à l’angle des rues Dorchester et de Bleury. C’est à cet endroit que commence, deux ans plus tard, la construction du collège Sainte-Marie, dont les plans sont dessinés par Victor Bourgeau et Étienne-Alcibiade Leprohon. En 1850, les jésuites emménagent dans leur nouveau collège. En raison des coûts élevés liés à la construction du collège, l’édification d’une chapelle d’envergure est remise à plus tard. Une petite chapelle temporaire est alors bénie dans l’enceinte du collège.

Disputes de clocher

Gesù - intérieur

La nef de l'église du Gésu, à Montréal. On y voit l'ensemble de la nef, la chaire et une partie des bancs.
Archives de la Ville de Montréal. CA M001 BM042-Y-1-P0805.
En 1863, le projet de construction d’un lieu de recueillement plus grand refait surface. Le collège compte plus de 250 élèves et la chapelle ne suffit plus. Le frère Arthur Jones, basé au collège jésuite de Boston, ainsi que l’architecte Benjamin Lamontagne proposent des plans pour une église gothique, mais ils sont rejetés. Ce refus émane des jésuites, mais aussi d’Ignace Bourget qui associe ce style aux églises protestantes de la ville. L’opposition au renouveau gothique est alors forte parmi les rangs catholiques au Québec. L’évêque souhaiterait que l’église jésuite soit une miniature de l’église romaine du Gesù. En décembre 1863, de nouveaux plans de la firme Lamontagne et Perreault sont acceptés, ils seront plus tard modifiés par l’architecte Patrick C. Keely. L’église sera romaine, de style néo-baroque, et les plans ont l’aval de l’évêque. Il ne s’agira toutefois pas d’une réplique en miniature de l’église jésuite de la ville éternelle.

Dès mars 1864, les Sulpiciens émettent des réserves quant à la taille de la future église. Les célébrants jésuites, reconnus pour leur verve et leur charisme, pourraient faire de l’ombre aux églises paroissiales environnantes. Des conflits émergent entre deux jésuites, les pères Berthelet et Schneider, à propos de la construction de la façade. Alors que le père Schneider souhaite que la construction de la façade soit remise à plus tard en raison de dépassements de coûts, le père Berthelet combine avec le maçon pour autoriser sa construction. La façade s’élève dans le style romain, au milieu d’un chantier désorganisé. Bien qu’elle ne soit pas achevée, l’église du Gesù est inaugurée le 3 décembre 1865. L’intérieur du bâtiment est d’inspiration Renaissance et la décoration est en trompe-l’œil.

Gesù

Façade du Gesù avec l'ancien collège Sainte-Marie à la gauche.
Archives de la Ville de Montréal.VM-166, R328-2.

De nombreuses statues ornent l’Église, certaines sont ajoutées au fil des ans. Parmi celles-ci, la statue de Notre-Dame de Liesse est offerte par les Jésuites de Laon, en France. Cette statue renferme des cendres d’une statue plus ancienne de Notre-Dame de Liesse, ayant brulé pendant la Révolution française, et elle est réputée miraculeuse. À la fin de chaque année scolaire, les finissants du collège Sainte-Marie se recueillent devant l’autel de la Vierge miraculeuse. L’église du Gesù est ouverte aux étudiants, mais aussi au public. Les étudiants peuvent y accéder par un tunnel, qui la relie au collège. Si le Gesù n’est pas une église paroissiale, il n’en demeure pas moins que les prêches des jésuites, ainsi que leurs confessionnaux, sont fréquentés par de nombreux Montréalais.

Un lieu de théâtre

Gesù - comédiens

Un groupe de comédiens sur la scène du théâtre Gesù lors du festival d'art dramatique.
Archives de la Ville de Montréal. CA M001 VM105-Y-1-D0341.
Une salle académique est située au sous-sol de l’église. Elle est destinée dès le départ à la tenue de pièces de théâtre et à d’autres activités étudiantes. Le programme éducatif des jésuites accorde une grande place au théâtre. Inaugurée le 5 juillet 1865, elle est l’une des plus anciennes salles de théâtre de la ville. Dans les années 1930, la salle est ouverte au public. Au cours des ans, des troupes de théâtre célèbres, comme les Compagnons de Saint-Laurent et le Théâtre du Nouveau Monde, se produisent au Gesù.

Transformations

Gesù

Gala de la 101e représentation de Tit-Coq au théâtre Gésu, en présence de Camillien Houde. On voit également sur la photo Juliette Huot, Gratien Gélinas, Clément Latour et Fred Barry.
Archives de la Ville de Montréal. CA M001 P146-2-2-D3-P026.
Pendant plus de 100 ans, l’église est au centre de la vie du collège Sainte-Marie. En 1969, le collège ferme ses portes. Le collège et l’amphithéâtre sont alors annexés à l’UQAM. Lorsque l’université déménage vers l’est, en 1975, les locaux du collège sont vacants. En août 1976, le collège est détruit. L’église échappe à la destruction ayant obtenu le statut de monument historique et d’importants travaux de restauration sont entrepris, dont la restauration de l’orgue.

À partir de 1993, la mission de l’église se transforme. L’artiste jésuite Daniel LeBlond travaille alors au repositionnement du Gesù comme centre de créativité. Cette année-là, une première exposition multidisciplinaire se tient au centre de créativité du Gesù, dans l’église. L’exposition Art sacré présente la série de 58 estampes du miserere de l’artiste français Georges Rouault. De nombreux artistes ont depuis exposé au centre de créativité, où plusieurs concerts ont aussi lieu chaque année. Le Gesù demeure aussi un lieu de recueillement. Le sanctuaire consacré à la Vierge de Liesse accueille chaque année des pèlerins venus de partout afin de lui demander son intercession. L’amphithéâtre du Gesù continue quant à lui à accueillir concerts, pièces de théâtre et autres spectacles. Il demeure l’une des plus anciennes salles de spectacle francophones toujours en fonction dans la métropole.

Références bibliographiques

COLLECTIF. Le Gesù, 150 ans d’histoire, Montréal, 2017, 80 p.

COMMUNAUTÉ URBAINE DE MONTRÉAL. SERVICE DE LA PLANIFICATION. Répertoire d’architecture traditionnelle sur le territoire de la communauté urbaine de Montréal : architecture religieuse 1, Les églises, Montréal, CUM, Service de la planification du territoire, 1981, p. 40-45.

MARSAN, Jean-Claude. Montréal en évolution. Quatre siècles d’architecture et d’aménagement,Montréal, Presses de l’Université du Québec, 2016, p. 249-252.

PINARD, Guy. Montréal, son histoire, son architecture, Montréal, La Presse-Éd. du Méridien, 1987-1995, vol. 2, p. 47-53.