Le Centre N A Rive, organisme communautaire exemplaire

Au cours de son histoire, le Centre N A Rive a contribué de façon significative à l’intégration à la société d’accueil d’un grand nombre de personnes immigrantes, menacées par l’exclusion sociale. Tel est son apport à la cohésion sociale de la collectivité montréalaise.

La mission du Centre N A Rive au fil du temps

Le Centre N A Rive est un organisme communautaire à but non lucratif et à caractère ethnique travaillant dans le secteur de l’éducation et de l’insertion socioprofessionnelle. Il a été fondé en 1972 à l’initiative du Bureau de la communauté haïtienne de Montréal. À la même époque ont été créés plusieurs autres organismes importants pour cette communauté, dont la Maison d’Haïti. Le Centre N A Rive est situé dans l’arrondissement Rosemont–La Petite-Patrie. Son nom vient de l’expression créole haïtienne, N A Rive, qui veut dire « Nous y arriverons ». Elle a été proposée par un groupe de personnes illettrées haïtiennes qui suivaient un cours d’alphabétisation en créole, avant de débuter leur formation de francisation.

Le Centre N A Rive a pour mission le développement intégral de l’être humain, dans une démarche d’alphabétisation et d’insertion sociale. Son but est de faire route avec les personnes faiblement scolarisées et leur famille, afin de soutenir leur intégration à la société par la participation sociocommunautaire et l’implication dans la vie civique au niveau local. Cette démarche se déroule à travers l’accompagnement des personnes menacées par l’exclusion sociale, surtout celles issues de l’immigration. Le but est d’aider les personnes qui sont en quête d’un mieux-être, sur le plan autant individuel que collectif, à s’épanouir socialement en découvrant leur potentiel en tant qu’être humain et en exerçant pleinement leur citoyenneté. Pour atteindre sa mission, le Centre a mis de l’avant un ensemble de programmes : l’alphabétisation des personnes illettrées ou faiblement alphabétisées, des activités favorisant le développement et le renforcement des compétences communicatives et socioprofessionnelles des personnes menacées par la marginalisation sociale, des ateliers de promotion et de formation en économie sociale et solidaire, le développement des espaces de rapprochement interculturel ainsi que des activités formatives orientées vers l’insertion socioprofessionnelle par l’emploi, etc.

Au moment de sa création, le Centre avait pour objectif principal d’aider les personnes d’origine haïtienne faiblement scolarisées à développer des compétences linguistiques, grâce à des ateliers d’alphabétisation et à l’enseignement du français. Le but de ces ateliers était d’améliorer l’insertion de ces personnes dans la société d’accueil. Par la suite, le Centre a ajusté son action aux défis conjoncturels que la population immigrante, et particulièrement celle d’origine haïtienne, devait relever en matière d’intégration socioprofessionnelle et civique dans la région de Montréal. Le manque de formations professionnelles adaptées aux besoins du marché de l’emploi montréalais, notamment, entravait l’insertion socioéconomique d’un grand nombre d’immigrants. Également, le Centre cherchait à combattre les risques d’exclusion sociale associée à l’isolement, touchant particulièrement les femmes et les personnes âgées. Il travaille donc dans le domaine de l’insertion sociale en proposant des programmes de formation modulés et des activités psychopédagogiques. Grâce à l’animation socioculturelle, au rapprochement interculturel et à l’apprentissage du français, les participants actualisent et développent leurs talents, et augmentent leur estime de soi.

La diversification des programmes

Faisant face aux nouveaux enjeux de la société québécoise en matière d’intégration des immigrants, le Centre a élargi progressivement sa mission. Au début de la décennie 1990, pour mieux servir les personnes menacées par l’exclusion sociale, le Centre a accru la diversification de ses programmes de formation à l’emploi et ses activités communautaires. Les responsables de l’organisme ont alors développé un grand nombre d’activités formatives et d’animations socioculturelles. Ils cherchaient ainsi à créer des espaces pour la vie communautaire et à promouvoir l’intégration par la création de réseaux sociaux au niveau du quartier. Divers programmes sont axés sur la préparation à l’emploi par l’actualisation et le développement de compétences et de connaissances en informatique de base, en cuisine, en couture, selon les principes de l’économie sociale.

Dans le domaine de l’animation socioculturelle, l’équipe du Centre organise des ateliers artistiques et culturels pour les jeunes adultes issus de l’immigration touchés par le décrochage scolaire. On cherche de la sorte à stimuler le développement de nouveaux comportements civiques et des habiletés scolaires facilitant le retour aux études ou l’acquisition de compétences socioprofessionnelles permettant d’accéder au marché du travail. Dans les années 2000, le Centre a intensifié les activités d’animation culturelle et de rapprochement interculturel pour stimuler la création artistique chez les immigrants et la diffusion de la culture haïtienne auprès du grand public. Parmi les initiatives mises de l’avant, on compte les cours de langue créole et de culture haïtienne, les cours de cuisine haïtienne et d’initiation à l’art de la table, des ateliers d’anglais, d’espagnol et d’informatique.

La clientèle visée par les programmes du Centre est de tous les âges, des jeunes aux personnes âgées en passant par les adultes. Pour les jeunes, le Centre a mis sur pied une variété de programmes, dont le café Kontact Jeunes et les ateliers de création et d’expression artistique. Aux adultes et aux jeunes adultes, il offre les programmes de formation pour l’emploi. Le Centre cherche à faciliter l’intégration socioculturelle des personnes âgées par des activités de dynamisation culturelle et artistique, jumelées à des ateliers de réflexion sur divers sujets d’actualité.

Pour développer ses activités et ses cours de formation, le Centre a compté tout au long de son histoire sur un grand nombre de partenaires publics, privés et communautaires. Parmi eux, le ministère de l’Éducation, la Ville de Montréal, la Commission scolaire de Montréal, Emploi-Québec, le Centre local d’emploi de Rosemont–La Petite-Patrie. Il est important de noter aussi le soutien de la communauté haïtienne et l’implication de personnes engagées dans le bénévolat.

La promotion de l’économie sociale par l’activité culinaire

Le Centre N A Rive fonctionne avant tout selon les principes de l’économie sociale et solidaire. Inspiré par cette philosophie économique, il accorde une grande importance à la participation des individus à des activités qui facilitent la création de réseaux de contacts autant qu’à l’exploration de nouveaux scénarios pour des activités reliées à l’entrepreneuriat social. L’implication du Centre dans la promotion de l’économie sociale et solidaire a donné naissance à un projet d’économie sociale nommé Services Boukan. Mis sur pied en 1995, il s’organise autour d’une entreprise de production de pâtés boukan, préparés à la façon haïtienne. Un traiteur boukan offre ses services pour tout type de réunions et d’événements sociaux; Bouk’entrain, un traiteur express, prépare des repas chauds à manger sur place ou à emporter; et un bistrot a ouvert ses portes. Cette expérience entrepreneuriale a permis au Centre de mettre de l’avant les valeurs de coopération, au cœur de la philosophie de l’économie sociale et solidaire, en favorisant la vocation pour l’entrepreneuriat social « d’un groupe de femmes d’ici, venues d’ailleurs, qui voulaient sortir des sentiers battus pour se prendre en main financièrement », en créant « du même coup […] leur propre emploi ».

Bilan positif et reconnaissance

Encourageant le rapprochement interethnique, les activités développées par le Centre N A Rive, dans le domaine de l’insertion socioprofessionnelle et de l’animation socioculturelle, ont été reconnues par des chercheurs du domaine de l’urbanisme comme un apport important à la cohésion sociale de la collectivité montréalaise. L’expérience du Centre N A Rive prouve que le renforcement des habilités sociales et des compétences relationnelles permet aux personnes qui suivent les programmes orientés vers l’insertion sociale par l’emploi de se prendre en main et d’opter pour de meilleurs choix de carrière. Les personnes qui suivent une formation à N A Rive ont notamment la possibilité de réaliser un stage en milieu de travail. De plus, le Centre offre un espace d’accueil, d’écoute, de partage et de réflexion sur le profil socioprofessionnel, ajustés à la dynamique réelle du marché de l’emploi.

Le Centre N A Rive a réussi à mobiliser des ressources humaines, financières et institutionnelles, tout en développant un capital social fort par son implication dans les réseaux sectoriels et territoriaux, qui œuvrent dans plusieurs domaines de l’action communautaire et de l’économie sociale et solidaire. Cela lui a permis de développer un ensemble d’actions collectives et de créer des espaces pour la vie communautaire, qui favorisent l’intégration des personnes d’origine immigrante à la société d’accueil, en les aidant à tisser des liens avec les différentes institutions gouvernementales et les acteurs privés et sociaux du territoire. L’expérience du Centre N A Rive montre aussi que les stratégies d’économie sociale, articulées autour des initiatives de développement local, contribuent à l’inclusion sociale et renforcent les liens sociaux au niveau du quartier et de la ville dans son ensemble.

Finalement, une analyse menée dans la perspective des études urbaines établit que la capacité d’action des leaders sociaux venus des communautés immigrantes améliore les processus d’insertion sociale et d’intégration civique des personnes issues de l’immigration risquant l’exclusion sociale. L’expertise en mobilisation sociale et communautaire de ces leaders constitue un patrimoine remarquable et un atout collectif, qui contribuent à rendre la ville plus inclusive et cohésive.