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Jacques Viger, premier maire de Montréal

12 mai 2020
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En 1833, 42 Montréalais élisent, indirectement, le premier maire de la ville, Jacques Viger. C’est la naissance de la politique municipale et l’entrée d’un homme dans l’histoire de Montréal.

Plan 1830

Plan de la ville de Montréal en 1830
Archives de la Ville de Montréal. BM7,C70,1884.
1832. Avec sa première charte, accordée par le gouvernement provincial, Montréal acquiert le droit d’exister comme corporation autonome. Fini les juges de paix nommés par le gouverneur du Bas-Canada pour gérer les affaires des Montréalais : la démocratie a maintenant droit de cité! Cette réforme est le fruit des efforts conjoints de deux groupes pourtant habituellement opposés : d’abord le Parti patriote, qui voit la scène municipale comme un nouvel espace pour étendre son influence, et ensuite les marchands anglophones, qui espèrent que la nouvelle municipalité pourra mettre en œuvre un plan de développement pour le port.

L’instauration de la démocratie municipale

Jacques Viger

Portrait de Jacques Viger.
Musée McCord. II-94237.1.

En juin 1833, seulement une poignée de personnes prend part aux élections : 42 hommes (sur une population totale de 30 000 personnes), tous propriétaires, résidants de la ville depuis au moins un an… La démocratie municipale vient de naître, mais bien timidement! Dans chacun des huit quartiers de la cité, les rares électeurs ont voté pour deux conseillers, dont le mandat se limite à un an. Les 16 représentants (9 anglophones et 7 francophones au moment de l’élection) choisissent un des leurs, Jacques Viger, pour devenir maire. Qui est donc l’homme qui a eu l’honneur d’être le premier à occuper ce poste?

Milicien, fonctionnaire et… patriote?

Avant d’entreprendre sa carrière en politique municipale, c’est comme officier de milice durant la guerre de 1812 que l’on retrouve Jacques Viger. Jeune lieutenant de 25 ans, il reçoit rapidement sa promotion en tant que capitaine et participe à une seule bataille, à Sackets Harbor, dans l’état de New York. Il sert dans la milice jusqu’à la fin de sa vie, mais la vocation militaire n’occupera plus à plein temps cet homme énergique.

vm6-v1810-a-2-001.jpg

Page couverture d'un ouvrage écrit par Jacques Viger
Archives de la Ville de Montréal. VM6,V.1810.A-2.
On peut ensuite le croiser en 1813 à Montréal, où il est nommé inspecteur des chemins, ruelles et ponts de la ville. Fonctionnaire minutieux, il produit des plans détaillés, des rapports ainsi qu’un recensement de la population de l’île en 1825, document dans lequel il ajoute des questions de son cru pour bonifier sa collecte : il trace ainsi un portrait complet de la population, aujourd’hui précieux pour les historiens. Lorsqu’il devient conseiller municipal et maire en 1833, il est probablement un des hommes connaissant le mieux la future métropole.

En plus d’être un travailleur acharné, Jacques Viger s’appuie sur un réseau de contacts particulièrement riche. Par sa famille, il est apparenté aux milieux nationalistes bas-canadiens : il compte parmi ses cousins Denis-Benjamin Viger, député influent, et surtout Louis-Joseph Papineau, remuant chef du Parti patriote. Un autre de ses cousins a peut-être contribué à modérer ses opinions politiques : Jean-Jacques Lartigue, premier évêque de Montréal.

Maire à une époque particulièrement troublée

Armoiries - Album Viger

Armoiries de Montréal telles que dessinées par Jacques Viger
Album Jacques Viger. Archives de la Ville de Montréal.
Le mandat d’un an du nouveau maire sera renouvelé en 1834 et en 1835. Pendant son bref exercice du pouvoir, Viger améliore l’éclairage des rues et organise d’importants travaux de drainage dans les faubourgs situés au pied de la rue Sherbrooke. Ces zones humides favorisaient la propagation du choléra, dont une épidémie avait emporté près de 2000 Montréalais en 1832.

Dans le contexte de crise politique permanente des années 1830, où s’affrontent patriotes et partisans du gouvernement colonial britannique, Jacques Viger apparaît comme un nationaliste modéré. S’il participe à des manifestations patriotiques comme le premier banquet de la Saint-Jean-Baptiste en 1834, il ne se joindra pas à la révolte armée de 1837-1838 contre l’armée anglaise.

L’érudit curieux

Souvenirs canadiens p. 186 - 1831

Aquarelle de James Duncan montrant l'île Sainte-Hélène
Archives de la Ville de Montréal. CA M001 BM099-1-D1.
La charte municipale de 1832 arrive à échéance quatre ans plus tard. Confronté au bouillonnement patriote, le gouverneur du Bas-Canada met fin abruptement au mandat des conseillers et du maire, qui seront remplacés jusqu’en 1840 par des juges de paix. Si la carrière politique de Viger achoppe prématurément, son œuvre d’archiviste et de mémorialiste est monumentale : les 43 volumes de Ma Saberdache sont une compilation minutieuse de sa correspondance et de ses observations sur la société entre 1808 et 1841. Quelques mois avant sa mort en 1858, il fonde avec d’autres érudits la Société historique de Montréal. Décidément, Jacques Viger aura été durant toute sa vie un homme d’action et d’esprit!

Les armoiries de Montréal

La réalisation la plus durable du premier maire de la ville est certainement la création en 1833 des armoiries de la municipalité. Les quatre symboles représentent les principaux groupes vivant à Montréal au XIXe siècle : les Anglais avec la rose, les Écossais avec le chardon, les Irlandais avec le trèfle et les Canadiens français — comme on appelle alors la population francophone d’origine française — représentés à l’origine par le castor, qui se veut le symbole du caractère industrieux des Montréalais. La croix qui divise les armoiries en quatre quartiers rappelle la mission d’évangélisation à l’origine de la fondation de Ville-Marie. Viger accompagne ces symboles d’une devise rassembleuse, Concordia Salus. La devise, qui signifie « le salut par la concorde », se voulait une incitation à la bonne entente entre les différentes communautés de la cité : elle prend toute sa signification lorsqu’on songe au contexte durant lequel elle a été choisie!

Les armoiries ont été redessinées une première fois en 1938 afin d’être conformes aux règles de l’héraldique : comme il n’est pas logique d’avoir un animal et trois fleurs, le castor est retiré et le lys qui le remplace est placé dans le premier quartier du drapeau (en haut à gauche) pour indiquer que les Français sont les premiers Européens à avoir immigré à Montréal. Suivent les Anglais, les Écossais et les Irlandais, qui conservent les symboles qui les représentaient au XIXe siècle.

Le 13 septembre 2017, la Ville de Montréal y ajoute un symbole autochtone : le pin blanc. Ce symbole a été choisi au terme d’un processus d’environ un an regroupant des représentants des nations autochtones et de la Ville de Montréal. Les Premières Nations n’étaient pas présentes sur les symboles officiels de la Ville jusqu’alors. Le pin blanc représente la paix, l’harmonie et la concorde. Il prend place au centre d’un cercle ouvert aux quatre directions, qui représente le cercle de la vie ainsi que le feu du conseil, lieu de rencontre et de discussion.

Références bibliographiques

BLANCHET, Renée, et Léo BEAUDOIN. Jacques Viger, une biographie, Montréal, VLB éditeur, 2009, 270 p.

MARSOLAIS, Claude-V., Luc DESROCHERS et Robert COMEAU. Histoire des maires de Montréal, Montréal, VLB éditeur, 1993, p. 19-24.

ROBERT, Jean-Claude. « Jacques Viger », [En ligne], Dictionnaire biographique du Canada. (Consulté le 22 janvier 2016)
http://www.biographi.ca/fr/bio/viger_jacques_8F.html