L'encyclopédie est le site du MEM - Centre des mémoires montréalaises

Colonne de fonte de la compagnie Ives & Allen

09 novembre 2016
Temps de lecture

Au Centre d’histoire se dresse une colonne de fonte, cannelée et surmontée d’un chapiteau corinthien. Cette rescapée d’un incendie témoigne du Montréal industriel du XIXe siècle.

Ives & Allen en 1891

Illustration montrant l'ampleur des installations de la compagnie Ives & Allen
Fonds Massicotte, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, cote MAS 5-1-b.
Cette colonne cannelée avec chapiteau corinthien, qui doit peser près d’une tonne, a été fabriquée dans ce qui fut l’une des plus grandes fonderies au Canada. Établie à Montréal dans la rue Queen en 1863, la Ives & Allen compte plus de 400 ouvriers, hommes et garçons, à la fin du XIXe siècle.

La compagnie, appartenant à des Américains, s’installe à Griffintown, près du port où est débarqué le charbon nécessaire à ses activités. Ce secteur héberge plusieurs autres fonderies. La Ives & Allen fabrique de la quincaillerie et des éléments architecturaux en fonte. On lui doit les clôtures du parlement à Ottawa, sommet de la ferronnerie d’art au Canada. D’autres produits Ives & Allen sont visibles à Montréal, notamment sur l’hôpital Royal Victoria, l’Université McGill et l’édifice du Grand Tronc.

Cette colonne a été récupérée en 1997 dans les débris du bâtiment incendié de la compagnie. Sur l’œuvre d’art photographique d’Alain Paiement, installée au rez-de-chaussée du Centre d’histoire en 2001 dans le cadre de la politique d’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement des bâtiments et des sites gouvernementaux et publics (communément appelé « le 1 % »), on la voit encore couverte de peinture blanche, avant d’avoir subi l’épreuve du feu.

Le sauvetage de la colonne

Lisez le récit de l’employée du Centre d’histoire, Stéphanie Mondor, qui a permis le sauvetage de cette colonne de fonte :

« En 1997, j’étais encore une technicienne novice au Centre d’histoire de Montréal. Nous collaborions alors avec ce qui deviendrait plus tard la Fonderie Darling dans leur projet Panique au faubourg qui présentait des installations artistiques contemporaines dans les bâtiments abandonnés du Faubourg des Récollets, destinés à être démolis pour laisser place à la Cité du multimédia.

Dans le cadre de ce projet, l’artiste Alain Paiement avait investi l’ancienne salle d’exposition de la fonderie Ives & Allen, rue Queen, et y avait installé un « mur » constitué de nombreux et variés objets trouvés sur place dans le vieux bâtiment désaffecté.

Un matin, en me préparant pour aller travailler, j’ai entendu aux nouvelles qu’un bâtiment de la rue Queen était en train de brûler. Comme je passais non loin de là pour me rendre au musée en vélo, cela a été plus fort que moi, et j’ai fait un détour pour voir l’ampleur de cet incendie.

Un incendie dévastateur

C’était effectivement le vieux bâtiment où l’œuvre de Paiement était présentée. Avec sa charpente et ses planchers de bois, il n’avait guère de chances de résister. Ce fut une perte totale.

Or, au moment où je passais, j’ai vu des employés de la Ville en train de retirer des décombres encore fumants deux des superbes colonnes de fonte qui étaient présentées dans la salle d’exposition, car elles menaçaient de s’écrouler sur le trottoir et la rue. Plus tard, avec certains de mes collègues du musée, nous avons tenté de déterminer ce qu’il allait arriver à ces colonnes. Personne ne semblait être au courant, ni le service du patrimoine ni l’arrondissement Ville-Marie. Après un certain nombre d’appels, nous avons enfin réussi à parler à un contremaitre de la voirie. C’est à son initiative que des cols bleus avaient retiré les colonnes car elles étaient dangereuses. Comme on ne savait pas trop quoi en faire, elles avaient été déposées dans un stationnement-dépôt de la Ville situé sous l’autoroute Bonaventure.

Colonne Ives & Allen

Colonne de fonte se trouvant au Centre d'histoire de Montréal
Centre d'histoire de Montréal.
La conservation des colonnes rescapées

Le contremaitre était bien content de nous céder une des colonnes. Elle a été conservée dans notre entrepôt jusqu’en 2001, puis, profitant des rénovations majeures effectuées dans le musée, nous lui avons trouvé une place dans notre nouvelle exposition permanente. Quant à la seconde colonne, ce sont nos collègues de Parc Canada qui l’ont prise dans leur collection. En effet, comme ils sont en charge du canal Lachine, ils s’intéressent grandement au passé industriel du secteur.

Les autres colonnes de la salle d’exposition ainsi que le magnifique escalier en colimaçon qui y était également installé ont malheureusement été détruits par l’incendie, puis les débris ont été envoyés au rebut. Il n’en reste plus rien.

Ce qui demeure, ce sont les photographies qu’Alain Paiement avait prises de son œuvre la veille de l’incendie. C’est avec celles-ci qu’il a constitué une autre œuvre, une mosaïque photographique abstraite qui est présentée en tant que « 1 % » dans le Centre d’histoire. Il subsiste aussi la colonne qui figure toujours au rez-de-chaussée du musée. »

L’objet

Nom : Colonne cannelée, par la compagnie Ives & Allen
Numéro d’inventaire : 1995.370
Matériau(x) : Fonte
Dimensions : 399 cm de hauteur, 33 cm de circonférence
Année ou période : Vers 1870
Inscription : Non
Donateur/donatrice : Rescapée du siège social de la compagnie Ives & Allen, situé dans la rue Queen à Montréal et incendié en 1997