Durant le Régime français, la profession de sage-femme est une des seules que peuvent pratiquer les femmes. Anne Courtemanche est une des premières sages-femmes connues de Longue-Pointe.
Accouchement
Comme la paroisse de Longue-Pointe n’est érigée canoniquement qu’en 1722 et que les registres ne s’ouvrent qu’en 1724, les mariages de la partie est de Longue-Pointe sont enregistrés à Pointe-aux-Trembles. La présence de Laurent Archambault et d’Anne Courtemanche à Longue-Pointe en 1685 est confirmée par une déclaration en date du 5 mai 1908 de Pierre Bernard, propriétaire du lot 403 du cadastre du village de Longue-Pointe et descendant de Laurent Archambault et d’Anne Courtemanche. Le couple Archambault Courtemanche a eu neuf enfants, tous baptisés à Pointe-aux-Trembles sauf Marie-Madeleine, baptisée à l’église Notre-Dame de Montréal.
On sait qu’Anne Courtemanche est sage-femme par trois mentions dans les registres. Dans l’acte de baptême des frères Alexis et Jean-Baptiste Dumay, nés et baptisés le 17 juillet 1722 à Pointe-aux-Trembles, il est écrit que les enfants ont été « baptisés par la sage femme Anne Courtemanche ». L’acte de baptême de Charles Goguet, né le 30 septembre et baptisé le 1er octobre 1725 à Saint-François, mentionne que Charles a « été baptisé à la maison par la sage femme nommée Anne Courtemanche ». Sur l’acte de baptême de Cécile Amable Sicar, née le 3 et baptisée le 4 janvier 1730 à Pointe-aux-Trembles, on lit que l’enfant « qui était en danger de mort après la naissance a été ondoyée par Anne Courtemanche sage femme ». Le nom de l’accoucheuse est mentionné dans les registres uniquement parce qu’on craint pour la vie des enfants et que ceux-ci doivent être absolument baptisés.
Il est presque assuré qu’Anne Courtemanche a accouché tous ses petits-enfants. D’ailleurs, elle est la marraine de son petit-fils Joseph Joachim Beaudry, fils de Marie-Angélique Archambault et de Jacques Beaudry. Elle est mentionnée à huit reprises à titre de marraine entre 1701 et 1731. A-t-elle travaillé durant toutes ces années? Difficile à dire. Précisons toutefois que ses deux derniers enfants, Marie-Anne et Antoine, naissent respectivement en juin 1703 et janvier 1706. Une seule chose est sûre : elle est sage-femme de 1722 à 1730.
Une profession en devenir
Comment Anne Courtemanche devient-elle sage-femme? D’abord parce qu’elle a accouché de neuf enfants. Ensuite sûrement par l’exemple donné par d’autres femmes du village. Une autre possibilité vient du fait que la tante de Laurent Archambault, Anne (vers 1626-1699), est une sage-femme d’expérience. Avec le chirurgien Antoine Forestier, elle agit à titre d’experte pour la cour en octobre et novembre 1692 pour vérifier si une plaignante, Marie Brazeau, est bel et bien enceinte.C’est dans un acte de baptême du 6 avril 1655 que se trouve la première mention d’une sage-femme en Nouvelle-France. Il s’agit d’Hélène Desportes qui travaille dans la région de Québec jusqu’en 1672. Le travail des sages-femmes est officiellement reconnu en 1691 lorsque l’État légifère dans le domaine de la santé en divisant la pratique de la médecine en trois champs distincts et autonomes : les médecins, les chirurgiens et les sages-femmes. En 1703, monseigneur de Saint-Vallier, évêque de Nouvelle-France, publie Le Rituel du diocèse de Québec qui comporte une mesure révolutionnaire pour l’époque : il recommande aux curés de chaque paroisse de procéder à l’élection des sages-femmes. Il est donc assuré qu’au moins de 1722 à 1730, Anne Courtemanche est élue par les femmes de la paroisse de Longue-Pointe.
L’accouchement
Accouchement
Les sages-femmes sont devenues expertes dans l’utilisation de plantes médicinales comme l’ergot, un champignon parasite des céréales. Celui-ci aide à soulager les douleurs de l’accouchement que les curés de l’époque attribuent à un juste châtiment pour le péché originel d’Ève au paradis. Elles utilisent également la belladone, un puissant antispasmodique pour éviter les spasmes conduisant aux fausses couches.
Anne Courtemanche meurt le 4 août 1737 et est inhumée deux jours plus tard dans le cimetière de Saint-François d’Assise. Son mari lui survit jusqu’au 29 mars 1749. L’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve a voulu saluer la mémoire de la sage-femme en nommant une rue en son honneur dans le Faubourg Contrecœur, au nord-est de Mercier.
LAFORCE, Hélène. « L’univers de la sage-femme aux XVIIe et XVIIIe siècle », Cap-aux-Diamants, Vol. 1, no 3, automne 1985.
LAVOIE, Jean-Pascal. « Fêtes de la Nouvelle-France : précieux conseils de la sage-femme », Le Soleil, 8 août 2009.
SÉGUIN, Robert-Lionel. La vie libertine en Nouvelle-France, Septentrion, Québec, 2014.