Avec la croissance des préoccupations environnementales grandit un intérêt pour le développement des ressources énergétiques renouvelables. À ce titre, les biocarburants représentent une des industries privilégiées pour se substituer aux carburants fossiles.
Les biocarburants sont des combustibles, liquides ou gazeux, produits à partir d’une valorisation de la biomasse. Cette dernière est la fraction biodégradable d’une matière organique et est considérée comme une source d’énergie renouvelable. Ainsi, contrairement aux énergies fossiles, les biocarburants contribuent à l’autonomie énergétique en réduisant les gaz à effet de serre (GES). Ils sont utilisés dans diverses industries telles que le secteur manufacturier et les transports, notamment pour les véhicules hybrides. On distingue généralement trois générations de biocarburants, selon l’origine de la biomasse utilisée et les procédés de transformation de celle-ci :
- Les biocarburants de première générationsont mis au point à partir de la biomasse végétale produite directement par les ressources alimentaires (betterave, maïs, canne à sucre, blé, etc.). Les biocarburants actuels matures dont nous disposons sur le marché sont principalement issus de cette génération. Or, ils présentent un bilan environnemental mitigé, en plus d’être critiqués pour leur compétition avec la chaîne de valeur alimentaire et l’utilisation des terres. C’est pour remédier à cette problématique et pour fournir de meilleurs rendements énergétiques que des chercheurs travaillent à développer des biocarburants avancés, c’est-à-dire de deuxième et de troisième générations.
- Les biocarburants de deuxième génération sont produits à partir des résidus non comestibles, qu’ils soient alimentaires ou non. Il s’agit notamment de la biomasse lignocellulosique (bois, tiges des plantes, paille, déchets, etc.). Elle est constituée de molécules telles que la cellulose et la lignine, toutes deux riches en carbone renouvelable.
- Une troisième génération de biocarburants produite à partir de microorganismes tels que les microalgues est en cours de développement. Ces microorganismes peuvent être cultivés dans des photobioréacteurs, où l’on contrôle les paramètres physicochimiques, ou dans des bassins à l’extérieur. De plus, la biomasse algale est considérée comme présentant un rendement et une production supérieurs à la biomasse végétale. En effet, elle présente un taux de photosynthèse, c’est-à-dire de conversion de l’énergie solaire en énergie chimique, élevé et une concentration en CO2 plus importante. Toutefois, son potentiel est encore peu exploré.
Bien que les deuxième et troisième générations de biocarburants se trouvent à un niveau de maturité moins avancé, elles sont considérées comme offrant de meilleurs rendements énergétiques que la première génération, en plus de ne pas rentrer en conflit avec la chaîne alimentaire. Elles sont, par conséquent, les voies actuellement privilégiées par la recherche. Les biocarburants qui en résultent peuvent être du bioéthanol, du biodiesel, du biobutanol ou du biométhane.
Un point important à mentionner dans le développement de ces biocarburants est qu’ils sont mis au point grâce aux technologies de bioraffineries dotées de la capacité de produire plusieurs coproduits et de traiter différentes matières premières. Les bioraffineries sont des installations qui permettent d’optimiser la valeur tirée de la biomasse pour développer des bioproduits. À titre d’exemple, il pourrait s’agir des photobioréacteurs pour la transformation de la biomasse algale. Au sein de ces unités, plusieurs procédés de conversion de la biomasse peuvent être utilisés, par exemple la gazéification et la méthanisation. La gazéification est un processus de transformation du carbone issu de la biomasse, du dioxyde de carbone et de la vapeur d’eau en un gaz combustible appelé syngaz, le tout dans un réacteur. La méthanisation est, quant à elle, la décomposition des matières organiques par des bactéries en l’absence d’oxygène pour produire du biogaz, en utilisant un digesteur.
Ce bulletin vise principalement à présenter les technologies novatrices mises au point à Montréal pour le développement des biocarburants, compte tenu des enjeux environnementaux actuels. Il permet ainsi de comprendre le potentiel technologique de la métropole pour cette filière émergente.
ÉVOLUTION DU MARCHÉ MONDIAL DES BIOCARBURANTS
Le marché mondial des biocarburants était évalué à environ 140 milliards de dollars en 2016, comparativement à 95 milliards de dollars en 2012. Il s’agit d’une croissance annuelle moyenne de 10 % sur quatre ans. Selon les dernières estimations de la firme Pike Research, ce marché devrait connaître une croissance annuelle moyenne d’environ 6 % au cours des cinq prochaines années, pour atteindre 185 milliards de dollars en 2021.
Encore émergent, le marché des biocarburants de deuxième génération devrait atteindre 24 milliards de dollars en 2020, d’après les chiffres de la firme Allied Market Research. Par ailleurs, selon les informations fournies par diverses études, la filière éthanol est principalement concentrée en Amérique, tandis que le biodiesel serait surtout produit en Europe.
Le marché des biocarburants évolue parallèlement à celui des technologies de bioraffinerie. Ce dernier marché était évalué à près de 467 milliards de dollars en 2016, comparativement à 343 milliards de dollars en 2012. Il s’agit d’une croissance annuelle moyenne de 8 %. Entre 2016 et 2021, un taux de croissance annuel moyen de 9 % devrait être enregistré sur ce marché qui pourrait atteindre environ 715 milliards de dollars en 2021.
La croissance positive affichée par le marché des biocarburants est fortement tributaire des efforts en matière de recherche et développement, et Montréal n’y fait pas exception.
DES TECHNOLOGIES DE POINTE À MONTRÉAL POUR PROPULSER LES BIOCARBURANTS AU QUÉBEC
L’idée de recourir à des matières premières non alimentaires pour développer les biocarburants gagne du terrain auprès des chercheurs montréalais. En effet, les biocarburants de deuxième et de troisième génération sont ceux qui émergent à Montréal, comme le montrent les technologies présentées ici. Des projets novateurs associés à ces technologies voient également le jour sur son territoire.
De la phytoremédiation au bioéthanol
Les chercheurs de l’Institut de recherche en biologie végétale (IRBV) développent de nouvelles technologies employant les végétaux. Parmi celles-ci figurent les phytotechnologies qui utilisent les plantes vivantes pour résoudre des problèmes environnementaux. La phytoremédiation, qui consiste à mettre en place des plantations pour décontaminer les sols, en est un très bon exemple. Différentes espèces végétales sont évaluées pour leur potentiel en décontamination ainsi que pour leur production de biomasse lignocellulosique (saules à croissance rapide, peupliers, fétuques, lins, etc.).
La biomasse découlant de cette décontamination est ensuite transformée pour obtenir du bioéthanol et d’autres bioproduits, comme des composés phénoliques qui peuvent par exemple servir à la fabrication d’additifs industriels. La lignine extraite peut, quant à elle, mener à la fabrication d’adhésifs pour le secteur aérospatial. Le traitement de la biomasse obtenue de la décontamination des sols se fait par différentes réactions chimiques pour séparer la lignine et la cellulose. La cellulose extraite est ensuite transformée en sucres en deux étapes : une digestion enzymatique pour libérer les sucres, et une fermentation des sucres dans des bioréacteurs pour obtenir du bioéthanol.
Les chercheurs de l’IRBV ont développé des méthodes permettant de mesurer le potentiel de différentes espèces végétales à être converti en biocarburants. En effet, la diversité de la composition des plantes influence le rendement final des biocarburants, notamment en matière de densité énergétique. Les comparaisons effectuées par ces chercheurs ont révélé des différences énormes entre les plantes. Ils ont notamment découvert que les saules sont économiquement viables pour extraire des bioproduits, dont les biocarburants. Selon Frédéric Pitre, qui dirige le volet des recherches sur les biocarburants, le développement de cette énergie renouvelable est un excellent moyen de générer des revenus durant une étape de phytoremédiation, qui est souvent longue.
Du biobutanol à base des résidus forestiers
Les chercheurs du Centre d’études des procédés chimiques du Québec (CÉPROCQ), affilié au Collège de Maisonneuve, développent des technologies bio-industrielles à hautes valeurs ajoutées grâce à une extraction, une conversion et une transformation des molécules bioactives. Ils mettent au point une technologie visant la conception des biocarburants à base de produits forestiers (écorces, bois déclassé, bois laissé sur place, etc.). D’abord, cette biomasse lignocellulosique est prétraitée pour enlever la lignine et garder uniquement les sources de sucres, c’est-à-dire la cellulose et l’hémicellulose. Ces sucres sont ensuite fermentés, puis purifiés pour obtenir de l’éthanol ou du butanol. Les chercheurs du CÉPROCQ concentrent leurs activités à la production du biobutanol. Ce produit biosourcé est moins énergivore, liquide et stable. Il est donc facilement transportable et ne nécessite aucun mélange avec les produits pétroliers. Le biobutanol développé au CÉPROCQ est utilisé comme molécule plateforme, c’est-à-dire pour remplacer le butanol pétrochimique dans l’industrie chimique actuelle. Une autre application pertinente de ce biobutanol est la mise au point du biocarburant de deuxième génération. La lignine enlevée est de haute qualité, c’est-à-dire pure et faible en poids moléculaire. Elle peut être valorisée en d’autres bioproduits, par exemple des adhésifs naturels et des biomatériaux utilisés en transport, en santé, voire en aérospatiale.
Un des problèmes principaux de la bioraffinerie est le coût associé au prétraitement pour l’extraction des sucres. Ce coût représente de 20 à 30 % des coûts totaux. Dans le but de résoudre ce problème, les chercheurs du CÉPROCQ développent une nouvelle technologie basée sur les fluides supercritiques, c’est-à-dire des solvants plus « verts ». Ces derniers seront ensuite utilisés pour la séparation, à moindre coût, des sucres et de la lignine au cours de l’étape de prétraitement.
Une bioraffinerie intégrée à l’est de Montréal
Les résultats de cette recherche prometteuse seront mis en démonstration au sein d’une unité de bioraffinerie intégrée et autosuffisante énergétiquement. Soucieux de la transition de la métropole vers la chimie verte, le CÉPROCQ souhaite édifier ce projet à l’est de Montréal. Les intrants de cette bioraffinerie seront la biomasse provenant des résidus lignocellulosiques. Cette bioraffinerie novatrice permettra de :
- traiter jusqu’à deux tonnes de matières par jour;
- produire une série de molécules-plateformes biosourcées telles que la lignine pure, le n-butanol et l’acide lactique.
Le succès de ce projet de démonstration permettrait une production de ces molécules à plus grande échelle pour favoriser le développement des solutions technologiques intégrées. Le CÉPROCQ souhaite réaliser cette bioraffinerie intégrée en partenariat avec les industries de la chimie et de la pétrochimie, avec le soutien des principaux acteurs socioéconomiques de Montréal.
Capture et conversion du CO2 en biocarburant
Le professeur Louis Fradette de Polytechnique Montréal considère le CO2, non pas comme un déchet, mais comme une ressource que l’on peut réutiliser pour freiner les émissions de gaz à effet de serre. Il a développé un procédé « vert » de capture du CO2 à partir d’une enzyme appelée « anhydrase carbonique ». Cette dernière a été développée en s’inspirant de son fonctionnement dans le corps humain. En effet, cette enzyme permet d’éliminer l’excès de CO2 dans le sang. Adaptée au contexte industriel, cette enzyme combinée à un liquide permet de retirer le CO2 provenant notamment des activités des raffineries de pétrole, des cimenteries et des centrales électriques au charbon.
Valorisation carbone Québec, un projet novateur pour l’est de Montréal
En lien avec cette technologie enzymatique, le professeur Louis Fradette, l’entreprise québécoise CO2 Solutions et d’autres organismes des secteurs public et privé ont mis en place un projet novateur baptisé Valorisation carbone Québec. Concept révolutionnaire, ce projet vise à développer et à mettre en œuvre des solutions concrètes qui combinent la capture du CO2 provenant des grosses industries et sa conversion subséquente en biocarburants et autres bioproduits (molécules telles que des acides, du méthanol, des glycols), le tout en ayant recours à l’hydroélectricité. Selon le chercheur, le biocarburant ainsi obtenu serait carboneutre. De plus, ce même procédé de conversion du CO2 capturé pourrait être fait par voie biologique en utilisant des bioréacteurs, plutôt que l’électricité. Ce projet soutenu par le Gouvernement du Québec à hauteur de 15 millions de dollars sera mis en démonstration sur un site à l’est de Montréal. À la suite de celui-ci, les voies les plus prometteuses de la conversion du CO2 seront retenues et déployées à grande échelle.
CO2 Solutions est une entreprise québécoise spécialisée dans la capture du carbone à l’aide d’enzymes. Elle a mis au point une enzyme anhydrase carbonique à haute performance nommée 1T1. L’enzyme 1T1 a démontré une performance catalytique surpassant considérablement celles des meilleures enzymes disponibles aujourd’hui ainsi que celles utilisées jusqu’ici par la compagnie. Selon les développements observés à ce jour, ce procédé enzymatique a démontré plusieurs avantages significatifs. Les coûts associés à la capture, à la séquestration et à la réutilisation du carbone à partir de cette enzyme sont nettement inférieurs à ceux des procédés conventionnels, qui nécessitent d’importantes quantités d’énergie. De plus, la technologie révolutionnaire de CO2 Solutions est parfaitement adaptée à la capture du carbone à partir de n’importe quelle source de gaz de combustion contenant du CO2.
Un biocarburant à base de résidus non comestibles
Les professeurs Gregory S. Patience et Daria C. Boffito, membres du Centre de recherche en ingénierie de procédés (CRIP) de Polytechnique Montréal, ont développé un nouveau procédé de fabrication du biocarburant à partir de résidus non comestibles de basse qualité et de faible coût. Une solution contenant de l’huile végétale usée, un dérivé de la biomasse, du gras d’animal et de l’alcool est injectée dans un réacteur catalytique à haute température pour casser la molécule d’huile. Le résultat est un biocarburant ayant de meilleures propriétés d’écoulement à froid que le biodiesel conventionnel. Ce dernier gèle à une température avoisinant les 0 °C. C’est pourquoi il est utilisé en basse concentration en hiver et mélangé avec une grande quantité de pétrodiesel. Le biocarburant mis au point par ces chercheurs demeure liquide lorsque les températures sont inférieures à 0 °C. Il nécessite donc moins de produits dérivés du pétrole, comparativement aux produits actuellement sur le marché. Testée avec succès en laboratoire, la technologie est disponible pour un transfert. Un partenariat avec l’industrie permettrait donc de soutenir sa mise à l’échelle.
Un biocarburant à forte densité énergétique produit à partir de sucres
Dans un autre projet en développement, le professeur Gregory S. Patience et son équipe produisent un nouveau biocarburant à partir des sucres dérivés de la biomasse cellulosique. Une première étape consiste à extraire la cellulose des résidus du bois, puis à la transformer en fructose ou en glucose par une technique appelée hydrolyse. Le fructose ou le glucose ainsi obtenu est ensuite transformé pour produire du diméthylfurane, un liquide insoluble dans l’eau. Ce nouveau biocarburant présente plusieurs avantages significatifs par rapport à l’éthanol. Contrairement à ce dernier, il a une densité énergétique de 40 % supérieure et son point d’ébullition est plus élevé de 20 °C. Cette technologie nécessite des études complémentaires pour déterminer sa capacité d’industrialisation ainsi que son impact global sur l’environnement.
Valoriser les gaz des sites d’enfouissement en biocarburants
L’expertise du professeur Patience est mise à contribution dans un projet collaboratif entre ME Resource Corp. (Vancouver) et Polytechnique Montréal, dont il est le responsable. Ce projet lancé en 2014 vise à récupérer et à valoriser le méthane issu des sites d’enfouissement en biodiesel ou en biogaz. Le méthane est considéré comme le deuxième plus important gaz à effet de serre, après le dioxyde de carbone. Il est rejeté dans l’atmosphère par diverses activités industrielles telles que la production de pétrole, le traitement des eaux usées et la décomposition des matières organiques dans les sites d’enfouissement de déchets solides urbains.
Le professeur Patience et son équipe développent des biocarburants à partir du méthane. Ensuite, ils évalueront et choisiront des sites d’enfouissement appropriés pour réaliser des études de démonstration des procédés mis au point. Cette étape permettra une production de biocarburants à grande échelle, notamment en assurant un coût concurrentiel. À ce jour, le chercheur et son équipe conçoivent et optimisent des procédés à l’échelle du laboratoire. Le professeur Patience estime que la valorisation du méthane en biocarburants représente une opportunité pour Montréal.
Du biodiesel à partir de sucres et de microalgues
Le professeur Mario Jolicoeur, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en génie métabolique appliqué affiliée à Polytechnique Montréal, entreprend des recherches visant le développement des bioproduits et des bioprocédés, notamment par la valorisation des matières résiduelles. Parmi ses domaines actuels d’intérêt figure le développement de biocarburants de deuxième et de troisième générations.
Un processus de fermentation microbienne pour la production des biocarburants à partir de sucres
Avec son équipe, le professeur Mario Jolicoeur développe une technologie de fermentation, c’est-à-dire sans oxygène, pour produire des solvants à partir de matières organiques. Deux étapes permettent de transformer la biomasse de seconde génération en biocarburant :
- Dans un premier temps, la recherche permet la transformation de la matière organique végétale par bioprocédé pour obtenir des glucides (sucres) fermentescibles;
- Dans un deuxième temps, la fermentation microbienne de ces glucides permet d’extraire précisément du butanol, un ingrédient majeur dans la fabrication de biodiesels.
Selon le chercheur, le butanol peut-être utilisé sans ajout de produits pétroliers. En outre, il précise que cette technologie a la particularité de générer des sous-produits à haute valeur ajoutée, notamment une vitamine pour l’alimentation et des molécules pour l’industrie chimique. Cette recherche est réalisée en collaboration avec le Dr Hassan Chadjaa du Centre national en électrochimie et en technologie environnementales (CNETE) du Collège Shawinigan.
De nouveaux bioprocédés pour la production de biodiesel à partir de microalgues
Une autre technologie novatrice en cours d’élaboration par le professeur Jolicoeur et son équipe vise la production par microalgues de lipides destinés au développement de biodiesels. Ces lipides, déjà présents dans les microalgues, mais en faible quantité, peuvent être produits en plus grande quantité par différents procédés. La recherche entreprise vise le développement de la biomasse algale riche en lipides par trois différents procédés, laquelle sera ensuite transformée en biocarburant :
- Le premier mode de production permet une conversion du carbone par les algues. Plus précisément, il s’agit d’une captation du CO2 pour alimenter les microalgues telles que le font les plantes. Le CO2 capté est injecté dans des bioréacteurs éclairés où sont cultivées des microalgues pour obtenir la biomasse algale. Cette dernière se gorge ainsi de lipides, produits d’intérêt pour la fabrication de biodiesels.
- Une autre voie pour la production de lipides à partir de microalgues consiste à alimenter celles-ci par des matières organiques riches en sucres.
- Finalement, un troisième procédé mixte est entrepris en jumelant les deux précédents modes de production, c’est-à-dire en injectant le CO2 capté en même temps que les matières organiques riches en sucres dans des bioréacteurs éclairés où sont cultivées des microalgues.
Ultimement, outre le développement de biocarburants de grande valeur à partir de la biomasse algale, cette recherche permet d’identifier les bioprocédés qui présentent les rendements les plus élevés pour une production à grande échelle de ces énergies renouvelables. Cette recherche est entreprise en collaboration avec les professeurs Jean-Sébastien Deschênes et Réjean Tremblay de l’Université du Québec à Rimouski.
Combustion et caractérisation des biocarburants
Le professeur Jeff Bergthorson, directeur du Laboratoire de recherche sur les carburants alternatifs (Alternative Fuels Laboratory) de l’Université McGill, développe des méthodes scientifiques ayant pour but, entre autres, de caractériser la combustion des biocarburants. Ces méthodes permettent de mesurer les émissions de gaz à effet de serre et d’oxyde d’azote (NOx) d’une gamme de ces carburants alternatifs en les comparant avec celles des carburants issus des énergies fossiles. Les résultats obtenus ont démontré que les émissions de NOx des biocarburants composés d’alcools (butanol, éthanol, etc.) sont inférieures à celles des carburants à base de produits pétroliers.
Le professeur Bergthorson collabore également avec Siemens Canada afin d’effectuer des recherches sur l’utilisation du biogaz et de l’hydrogène dans les turbines à gaz. Le but du projet est de concevoir des turbines qui pourraient consommer différents types de carburants, ayant ainsi une plus grande flexibilité d’approvisionnement. La recherche effectuée à McGill consiste principalement à caractériser les différences au niveau de la combustion des carburants ainsi que les répercussions potentielles que ces différences pourraient avoir sur les turbines. Les résultats pourraient éventuellement être appliqués dans les secteurs aéronautiques, automobiles et industriels.
Membre de l’Institut Trottier de durabilité en génie et en design (TISED – Trottier Institute for Sustainability in Engineering and Design) de l’Université McGill et du réseau BioFuelNet Canada, le professeur Jeff Bergthorson développe aussi de nouveaux carburants alternatifs à base de poudres métalliques. Ces dernières sont produites à partir de l’énergie renouvelable. Selon lui, affranchir notre société de sa dépendance au pétrole et accroître la quantité de carburants propres nécessite d’en multiplier les sources de production.
ENERKEM ET EVOLEUM, DEUX ENTREPRISES D’AVANT-GARDE À MONTRÉAL
Le génie montréalais en technologie propre est en pleine effervescence. Selon Écotech Québec, grappe industrielle des technologies propres, le Québec compte plus de 500 entreprises innovantes dans le secteur, dont Enerkem et Evoleum.
Enerkem | De l’éthanol cellulosique et du biométhanol à partir du gaz de synthèse
Enerkem produit de l’éthanol cellulosique et d’autres produits chimiques renouvelables à partir de matières résiduelles non recyclables, non compostables ou non biométhanisables (bois, matières plastiques, textiles, etc.) au lieu des sources traditionnelles comme le maïs et la canne à sucre. Ces déchets proviennent des secteurs institutionnel, commercial et industriel.
La technologie brevetée par Enerkem est un procédé de chimie verte (gazéification) développé par l’entreprise et qui permet de produire ce biocarburant de deuxième génération en deux étapes. Dans un premier temps, le carbone contenu dans les matières résiduelles est chimiquement recyclé pour obtenir un gaz de synthèse pur appelé syngaz. Ce dernier est essentiellement composé du monoxyde de carbone et d’hydrogène. Dans un deuxième temps, le gaz pur obtenu est converti en biocarburant liquide à l’aide de catalyseurs. En moins de cinq minutes, les déchets destinés à l’enfouissement deviennent des carburants propres pour le transport ou des produits chimiques renouvelables à valeur ajoutée. Le biocarburant d’Enerkem a la particularité d’être non toxique, soluble dans l’eau et facilement biodégradable. De plus, il présente un indice d’octane (résistance d’un carburant) élevé et permet ainsi une meilleure combustion. Un autre aspect de la technologie d’Enerkem est sa production à faible coût, comparativement aux méthodes classiques, comme l’enfouissement, qui exigent des investissements plus importants. Elle est développée à partir des matières premières ayant peu de valeur, nécessite une faible intensité (température, pression et électricité) énergétique des opérations et utilise des installations compactes à la fine pointe de la technologie. L’innovation a été développée, testée et validée à l’installation pilote et à l’usine de démonstration d’Enerkem en Estrie, dans le cadre d’un rigoureux parcours de développement technologique, et est implantée à l’échelle commerciale à Edmonton, en Alberta. La prochaine usine commerciale de l’entreprise sera implantée à Varennes, au Québec.
Outre l’éthanol, le procédé d’Enerkem permet également de produire du biométhanol, une composante essentielle dans la fabrication de nombreux produits chimiques renouvelables, tels que des solvants, des bioplastiques et des textiles. Enerkem établit des partenariats avec des fabricants de produits chimiques partout dans le monde, notamment en Chine, au Canada et au Québec.
Evoleum | Du biodiesel à partir des matières grasses recyclées
Evoleum se spécialise dans la production de biocarburant à partir de matières grasses, animales et d’huiles de cuisson recyclées, telles que les huiles usées des restaurants. Ces huiles proviennent principalement de la région de Montréal, mais aussi du reste du Québec, de l’Ontario et des États-Unis. Sous forme de biodiesel, le biocarburant produit après réaction chimique dans un bioréacteur des huiles préalablement traitées serait à 95 % biodégradable et non toxique. En outre, il ne requerrait aucun changement de l’équipementier ou du moteur. Grâce à l’utilisation des huiles recyclées, la technologie d’Evoleum contribue à alléger les sites d’enfouissement, réduisant ainsi la contamination organique des sols et des eaux. Le biodiesel produit par cette entreprise de la région de Montréal offre des débouchés dans de nombreux secteurs, notamment le secteur manufacturier et celui des transports.
En conclusion et à la lumière des technologies présentées dans ce bulletin, le développement d’un secteur énergétique faible en carbone par la voie des biocarburants va bon train à Montréal. Les efforts de recherche et de développement actuels présentent une croissance future des technologies de biocarburants de nouvelles générations. Une attention particulière est accordée aux biomasses lignocellulosique et algale, ainsi qu’à la capture du carbone et au développement de nouvelles enzymes.
Ce fort potentiel technologique évolue dans un contexte gouvernemental favorable. D’une part, la Politique énergétique 2030 du Gouvernement du Québec vise, entre autres, à favoriser le développement de la bioénergie. D’autre part, la Ville de Montréal dans son Plan d’action SDÉ 2015-2017 fait de la chimie verte un des piliers prometteurs de son économie. Elle entend notamment développer une filière des biocarburants avancés. Ces deux initiatives constituent de véritables débouchés pour permettre aux biocarburants de nouvelles générations de se positionner au cœur des efforts économiques de la métropole, et ainsi réduire le recours aux combustibles fossiles.