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Photoreportage sur le logement des jeunes Montréalais.es

Les histoires de courage et de résilience de chacun.e des jeunes rencontrés dans le cadre de ce projet m'ont permis de constater deux grands points communs, peu importe la thématique.  Premièrement, la presque totalité des enjeux sont, à la base, de nature économique. On vit en HLM faute d'argent. On est prêt à endurer des coquerelles moyennant un loyer moins élevé. On se fait évincer par des propriétaires cupides.

Deuxièmement, la bureaucratie freine beaucoup l'amélioration des conditions des jeunes. Beaucoup ont témoigné être découragés par le processus, sa longueur et la difficulté de communication pour ceux et celles dont le français n'est pas la langue première. Que ce soit pour refuser un avis d'éviction ou pour demander une réparation dans un HLM, le processus est lourd. Aussi, le peu de contacts humains est une critique qui revient souvent.

Le photographe, Drowster


Erick a grandi dans cette habitation à loyer modique (HLM) située dans la Petite- Bourgogne. Malgré leurs longues journées au travail, les parents d'Erick, originaires du Guatemala, n'arrivaient pas à joindre les deux bouts. Ils ont failli se retrouver à la rue. Heureusement, le déménagement au HLM les a épargnés. Aujourd'hui, Erick soutient sa mère et ses frères avec qui il demeure toujours. Il est également père d'un enfant de trois ans. Ayant vu sa mère souffrir toute sa vie à travailler de longues journées tout en élevant une famille de plusieurs enfants, il veut maintenant lui redonner ce qu'il peut. Son rêve ultime ? Travailler fort pour lui trouver une maison au Guatemala, là où elle se sent réellement chez elle.


L'espace de télétravail d'Erick se trouve entre son lit et le lit de son enfant, faute de place. Pour lui, le manque d'espace et de confort est le prix à payer pour la relative aisance monétaire que le HLM lui permet. Il affirme que son expérience en HLM est extrêmement positive, lui attribuant une note de 9 sur 10. La violence dans le quartier est le seul problème qui l'empêche d'attribuer une note parfaite. Sans l'aide financière que le logement social lui procure, il aurait de la difficulté à élever son enfant. L'argent qui paierait normalement un loyer non-subventionné va maintenant directement dans la garderie de son enfant, lui permettant d'avoir une éducation de qualité. Le HLM a sauvé son enfant, dit-il.


Erick a développé un fort sentiment d'appartenance envers son quartier même s'il est critique des changements qu'il voit prendre forme sous ses yeux. A-t-il un message pour les élu.es municipaux ? « Continuez à vous concentrer sur le peuple et ses besoins et non sur le projet de rendre Montréal beau. Il ne faut pas oublier qui vit à Montréal. » Il prend pour exemple l'embourgeoisement de la rue Notre-Dame qui la rend certainement belle, mais qui dessert les habitant.es du quartier, forcés d'aller plus loin pour subvenir à leurs besoins essentiels.





Jesse est né en Abitibi, où il a passé la majorité de sa jeunesse à aller d'une famille d'accueil à une autre. Algonquin et trans, il a fui sa région natale blâmant le manque d'éducation et les préjugés de ses habitant.es autant par rapport à son origine ethnique que son identité sexuelle.

Cependant, arrivé à Montréal, il lui a été difficile de survivre monétairement et d'économiser le peu d'argent qu'il gagnait, une situation le forçant à passer d'un foyer d'itinérance à un autre. Une dépression et des idées suicidaires l'ont alors rattrapé et il a dû être hospitalisé l'automne dernier. Ce parcours tumultueux ainsi qu'une distanciation de sa famille biologique ont eu comme conséquence un détachement de qui il est vraiment : Autochtone. En famille d'accueil, par exemple, Jesse n'osait pas s'informer sur sa culture et ses origines. Il préférait se taire. Questionné à savoir comment les élu.es municipaux pouvaient aider les jeunes dans sa situation, il répond qu'il voudrait voir plus de soutien psychologique, autant dans les foyers d'itinérance que pour les membres de la communauté





Vincent et Gabriel prennent l'apéro sur leur terrasse au coeur du Plateau-Mont-Royal. Les deux jeunes sont amis depuis qu'ils ont 13 ans et colocataires depuis quelques mois. Ils préfèrent la colocation parce que ça leur permet d'avoir une meilleure qualité de vie en plus de combattre la solitude. La fin de semaine précédente, ils sont allés dans un verger et ont ramené des sacs de pommes et du cidre qu'ils savourent ensemble. Avec le confinement, ils ont cru bon agencer leur mode de vie afin de combattre l'ennui. Ils font des activités de tout genre allant de la confection de tartes à la course à pied aux débats philosophiques. L'aspect le plus difficile de la colocation, selon Gabriel, est le fait que son émotion du jour a le pouvoir d'influencer ses colocataires. Il est donc important selon lui de savoir quelles émotions garder pour soi et lesquelles partager. Si les moyens le lui permettent un jour, Gabriel aimerait essayer de vivre seul en studio, mais il appréhende la solitude et la monotonie. LGBTQ+.


Vincent et Gabriel fréquentent tous les deux l'université à distance à cause de la pandémie. Ayant une chambre libre, ils ont aménagé une salle d'étude commune pour mieux se concentrer, ce qui leur est particulièrement difficile à la maison. Les distractions sont nombreuses : téléphone intelligent, tâches ménagères, divertissement et colocataires. Gabriel se dit plus sérieux à l'université étant donné qu'il se déplace et doit poliment écouter le professeur tandis que chez lui il peut simplement se plonger dans son téléphone sans culpabilité.





Avant d'emménager en résidence universitaire, Marilou habitait chez ses parents à L'Île-Bizard. Excédée de perdre deux heures de transport par jour pour se rendre à l'école, elle a décidé de vivre directement sur le campus pour sa troisième année. Le processus d'inscription facile et en ligne lui a permis de gagner rapidement en indépendance face à ses parents. Selon elle, le plus gros avantage de vivre en résidence est la proximité des services : elle est à quelques minutes à pied de ses cours, d'une épicerie et d'une pharmacie, les deux offrant des rabais spéciaux aux étudiant.es. Elle a donc plus de temps, d'énergie et de motivation pour étudier et elle s'en trouve ravie.


Les résidences de l'École de technologie supérieure se situent au coeur du campus. Des espaces verts ont remplacé les rues, offrant aux étudiant.es un quartier axé sur les gens et non la voiture. Les nouvelles constructions sont à la fois de haute qualité et écologiques, bâties selon les normes de la certification LEED. Comparativement aux autres types de logement similaire à proximité, les résidences constituent une solution moins coûteuse tout en favorisant un sens de la communauté et une appartenance. Parmi les étudiant.es locataires, seul.es 7 % bénéficient d'une chambre en résidence étudiante.





Pendant quatre ans, Johanie demeurait dans un 7 1/2 sur le Plateau-Mont-Royal avec deux colocataires. À la suite de l'achat du triplex par de nouveaux propriétaires, elle et ses colocataires ont reçu une lettre d'éviction pour cause d'agrandissement substantiel. S'est ensuivi un processus qu'elle considère juste, mais chronophage et pour le moins drainant émotionnellement. Refusant le premier avis, elle s'est présentée à un comité de logement pour obtenir des informations sur ses droits et a par la suite entrepris des démarches auprès de la Régie du logement qui se sont finalement soldées par une entente à l'amiable avec les propriétaires. Le plus difficile selon elle ? La recherche d'un logement à la suite de l'éviction. Ayant payé un bon prix pendant toutes ces années avec l'ancien propriétaire du triplex, elle a dû faire face à la crise du logement actuelle la forçant à trouver un appartement soit plus cher ou plus loin des quartiers centraux auxquels elle était habituée.





Mohammad se tient devant son immeuble à Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce où certain.es locataires vivent dans des conditions insalubres : coquerelles, rats, moisissure, tuiles brisées, etc. Depuis quelques années, il est activiste pour la cause du logement, une bataille qui lui tient à coeur. Ayant vécu la précarité, il veut aider les immigrant.es à connaître leurs droits en matière de logement. Selon lui, l'insalubrité est en lien étroit avec les loyers à coût modique. Deux scénarios se répètent : les familles sont là depuis longtemps et paient un loyer peu élevé, empêchant le propriétaire d'accumuler les profits pour faire les rénovations appropriées, ou encore les familles sont tout simplement prêtes à vivre dans l'insalubrité en échange d'un loyer bas. C'est un enjeu en grande partie économique, selon lui. Il a toutefois espoir que cette problématique puisse être éradiquée à Montréal avec l'implantation, notamment, d'un plus grand nombre de logements sociaux.





Samiha se souvient de la première fois qu'elle a vu un rat dans son appartement : elle avait 5 ans et était sous le choc. Depuis 24 ans, elle vit avec sa famille dans le même lieu insalubre à Parc-Extension. Les rats et les coquerelles font partie du quotidien. Honteuse de sa situation, elle a toujours refusé d'inviter des ami.es chez elle. L'enjeu de l'insalubrité est principalement d'ordre économique, selon elle. La visite d'un exterminateur est une solution peu coûteuse à court terme qui ne fait que repousser le problème. D'un autre côté, rénover l'immeuble est une solution à long terme qui règlerait certes le problème, mais augmenterait conséquemment le loyer. L'insalubrité est un sacrifice que sa famille est prête à faire pour un loyer à bas prix et vivre dans la communauté sud-asiatique de Parc-Extension. Bien qu'elle se considère chanceuse dans sa situation, elle continue de se battre pour l'équité en logement affirmant qu'avoir un toit sécuritaire est un droit humain fondamental. Elle aide notamment ses voisin.es avec de la traduction afin qu'ils puissent connaître leurs recours légaux et aller de l'avant, au besoin.





Le Foyer des jeunes travailleurs et travailleuses de Montréal (FJTTM) vient en aide aux jeunes en situation précaire qui répondent à certaines conditions : être âgé.e de 17 à 24 ans, avoir un minimum de 600 $ de revenu par mois et avoir un projet de vie (retour aux études, recherche d'emploi, formation, thérapie, etc.) tout en acceptant d'être accompagné.e par un.e intervenant.e en cours de route. La durée du séjour est limitée à un an. En plus d'offrir un loyer à prix modique, le Foyer organise différentes activités et formations : réalisation d'un budget, cours de cuisine, ateliers sur les relations interpersonnelles, etc. Sur l'image, Aurélie, intervenante au Foyer, ramasse un dégât d'eau provenant du réfrigérateur. Étant locataire, le Foyer est à la merci des décisions et des politiques du propriétaire. Un édifice dont le FJTTM serait lui-même propriétaire aiderait grandement sur une multitude de plans : financièrement, administrativement, pour l'exécution des travaux, etc.


Annabelle est l'une des résidentes du FJTTM. Contrainte de déménager à Montréal afin de soutenir sa grand-mère atteinte d'un cancer, elle trouve l'adaptation à la vie urbaine difficile, particulièrement les moyens de transport. Ne se sentant pas prête à habiter seule, elle a décidé d'opter pour le FJTTM. Après trois mois, elle affirme adorer y résider en raison des nombreuses activités organisées et de la gentillesse des intervenantes. Elle aime particulièrement les échanges après le visionnement de documentaires, les soupers en groupe, les jeux de société et les activités physiques proposées. La structure du Foyer lui donne l'impression d'habiter seule tout en bénéficiant d'un bon accueil lorsqu'elle en ressent le besoin. Malgré un TDAH diagnostiqué, ce soutien lui permet de poursuivre son parcours scolaire pour devenir aide cuisinière et son objectif de devenir pâtissière.


Des animaux en peluche qu'une résidente du FJTTM garde précieusement avec elle malgré ses déménagements fréquents.





La coopérative La note des bois est une initiative de l'Unité de travail pour l'implantation de logement étudiant (UTILE) et est financée par l'Association étudiante de Concordia et divers investisseurs institutionnels et paliers gouvernementaux. La coopérative se révèle une formule entre la résidence universitaire et l'appartement autonome. Les résident.es y sont libres de choisir leurs colocataires et se chargent de se nourrir, mais ils et elles font partie d'une habitation communautaire où sont organisées plusieurs activités. Des comités de résident.es prennent forme pour adapter l'espace à leurs besoins, par exemple installer des stationnements de vélos ou voter sur la création d'une murale pour l'entrée. L'organisme UTILE, propriétaire du terrain et du bâtiment, compte utiliser les surplus générés par cette coopérative pour en créer d'autres sur le même modèle. Ultimement, il souhaite bâtir un parc immobilier offrant aux étudiant.es un logement abordable de qualité, tout en valorisant le sens de la communauté.


Lucas participe à ses cours à distance. Originaire de Waterloo, il étudie la littérature à l'Université Concordia. La première année, il habitait en résidence universitaire, ce qu'il a adoré. Cependant, la deuxième année, fatigué par l'intensité du rythme de vie et en quête d'autonomie, il s'est tourné vers la colocation à l'extérieur du campus. Il a été déçu par l'expérience en raison du manque de vie communautaire et de la distance à parcourir pour voir ses amis. Selon lui, la coopérative est la balance parfaite entre les deux options : il gère ses affaires lui-même, mais participe tout de même à la vie communautaire proposée en jouant au soccer avec ses voisin.es ainsi qu'à des jeux de société en vidéoconférence.