Fondé en 1968, le Carrefour d’éducation populaire de Pointe-Saint-Charles est depuis au cœur de la vie communautaire du quartier.
Au début des années 1960, des groupes de citoyens se mobilisent dans les quartiers ouvriers de Montréal pour faire valoir leurs droits. À partir de 1968, plusieurs comités se politisent : ils se transforment en groupes populaires qui veulent modifier la société de façon plus globale. L’éducation populaire autonome connaît alors un essor important. Cette démarche d’apprentissage vise à outiller les adultes pour qu’ils puissent mieux se prendre en charge, participer à la vie de la communauté et se conscientiser aux enjeux des luttes sociales.
Les Centres d’éducation populaire à Montréal
Carrefour d’éducation populaire de Pointe-Saint-Charles
Ces centres répondent à des besoins qui ne sont pas pris en compte par le système scolaire, ils permettent par exemple de créer des liens de solidarité, de briser l’isolement des adultes exclus ou marginalisés et de les accompagner pour qu’ils trouvent collectivement des solutions à leurs problèmes. Ils travaillent avec des organismes au sein de chaque quartier et veulent proposer une éducation qui permettra d’améliorer le système social. Pionnier à Montréal, le Carrefour d’éducation populaire de Pointe-Saint-Charles ouvre en 1968. Il est suivi par le Comité d’éducation aux adultes de la Petite-Bourgogne et de Saint-Henri, le Pavillon d’éducation communautaire d’Hochelaga-Maisonneuve, le comité social Centre-Sud, les Ateliers d’éducation populaire du Plateau et le Centre éducatif René-Goupil.
L’alphabétisation au centre des préoccupations
Carrefour d’éducation populaire de Pointe-Saint-Charles 2
Dès 1969, d’autres activités (liées par exemple à l’alimentation, à la consommation et au logement) s’ajoutent à la « formation de base » (l’alphabétisation). Le Carrefour affirme que les besoins de base ne se limitent pas aux difficultés de lecture, d’écriture et de calcul. L’organisme est précurseur dans le domaine des technologies de l’information et il offre des formations assistées à l’ordinateur dès 1994 dans ses activités d’alphabétisation. Ces technologies sont aussi utilisées dans les actions de lutte contre la pauvreté et l’exclusion.
Une maison de quartier
Carrefour d’éducation populaire de Pointe-Saint-Charles 3
En 2012, l’avenir des centres de formation populaire à Montréal semble incertain. À la suite de coupes budgétaires et devant la nécessité d’entretenir les bâtiments, la Commission scolaire de Montréal (qui a remplacé la CÉCM) annonce qu’elle ne pourra plus fournir les locaux aux six centres d’éducation populaire de Montréal. Grâce à l’ampleur des mobilisations, ces centres gagnent du temps, mais la situation demeure très fragile. À l’hiver 2017-2018, la Commission scolaire exige la signature d’un bail qui implique à terme que les centres payent pour les locaux, alors qu’ils ne reçoivent aucun financement pour un loyer. Comme il est hors de question que le centre coupe des activités et services offerts aux plus démunis, il recueille des appuis populaires et se mobilise sans relâche depuis. Malgré plusieurs promesses des gouvernements successifs, la situation des six centres demeure tout aussi incertaine depuis lors. En 2022, si rien n’est fait, ils risquent l’éviction faute de financement.
Merci à Nicolas Delisle-L’Heureux et à Serge Wagner d’avoir relu la première version de cet article et d’y avoir contribué.
L’un des plus anciens quartiers ouvriers du Canada, Pointe-Saint-Charles connaît un important essor industriel au XIXe siècle. À la fin des années 1960, le quartier vit une période de déclin économique. D’autres mobilisations communautaires émergent au même moment que le Centre d’éducation populaire.
Parmi celles-ci, la clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles est créée en 1968. Il s’agit de la première clinique de la sorte mise sur pied dans un quartier populaire de la province. Elle est fondée par des étudiants en médecine, en soins infirmiers et en sociologie de l’Université McGill, qui y impliquent rapidement des citoyens du quartier et s’inspirent du modèle des cliniques communautaires qui existent dans plusieurs quartiers défavorisés des États-Unis. Les gens du quartier peuvent y être soignés sans frais, et on intervient sur les causes des maladies, dans le but de les éradiquer. En 1970, la clinique obtient sa charte d’organisme communautaire. Lorsque les CLSC sont créés en 1974, elle obtient les mêmes subventions qu’eux, bien qu’elle soit reconnue comme un organisme communautaire autonome et qu’elle puisse conserver sa structure décisionnelle citoyenne. En 1970, les Services juridiques communautaires de Pointe-Saint-Charles et de la Petite-Bourgogne offrent quant à eux des services juridiques sans frais à des citoyens laissés pour compte.
BÉLANGER, Paul, Anouk BÉLANGER et David LABRIE-KLIS. La pertinence des Centres d’éducation populaire de Montréal, UQAM, 2014.
https://sac.uqam.ca/upload/files/Sommaire_de_la_recherche_CEP.pdf
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BOURRET, Gisèle, et Chantal OUELLET. Six centres d’éducation populaire de Montréal : un bien commun. Rapport de recherche, Montréal, UQAM, 2006.
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CENTRE DE FORMATION POPULAIRE. Une brève histoire de l’éducation populaire. Colloque du 15 et 16 novembre 2018, Montréal, 2019.
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WAGNER, Serge, et Micheline LAPERRIÈRE. « L’alphabétisation à Pointe-Saint-Charles », International Review of Community Development / Revue internationale d’action communautaire, no 3, 1980, p. 127-143.
https://doi.org/10.7202/1034996ar