Les capteurs sont des dispositifs qui permettent de mesurer instantanément une information sur un environnement donné et de la transmettre par un signal sur un outil informatique.
Imaginez par exemple un capteur intégré dans un lampadaire de la ville et qui détecte la défectuosité de l’ampoule et envoie automatiquement l’information par Internet, sans la présence physique d’un agent. Le marché des capteurs est une industrie mondiale de 102 milliards de dollars (en 2015) touchant des secteurs très variés tels que l’électronique, l’automobile, la chimie, la santé, l’aéronautique, etc. Ce marché atteindra 113 milliards de dollars en 2016 et environ 191 milliards d’ici cinq ans.
Il existe plusieurs types de capteurs. Parmi les plus connus :
- Les biocapteurs et les capteurs chimiques sont capables de transformer un signal biochimique en un signal électrique. Ils permettent par exemple de contrôler en temps réel la qualité des produits alimentaires et de détecter la composition chimique d’une matière plastique. Ce type de capteur est généralement utilisé dans les secteurs de l’agroalimentaire, de la santé, de la chimie et de l’environnement.
- Les capteurs MEMS (microsystèmes électromécaniques) sont des dispositifs électromécaniques miniatures qui permettent de mesurer différents paramètres comme la température, la pression, les mouvements ou la position. Dans le secteur de l’automobile, ils peuvent mesurer l’automatisation des postes de péage ou surveiller électroniquement les phases de recharge d’un véhicule électrique.
- Les capteurs optiques permettent de convertir une information donnée par la lumière en un signal électrique. Les capteurs d’images représentent la catégorie la plus connue des capteurs optiques. Ils peuvent être utilisés en transport, notamment dans les voitures autonomes ou sans chauffeur, pour détecter les obstacles de nuit.
Les capteurs de nouvelle génération se distinguent des capteurs traditionnels : ils fonctionnent sans fil, sont moins énergivores et sont peu coûteux. Ces capteurs ont un véritable rôle à jouer dans le développement des nouvelles applications industrielles. En particulier, ils offrent des perspectives innovantes dans les domaines du transport intelligent, de l’électronique portable, de l’environnement et de la chimie, et même dans l’industrie du bâtiment intelligent.
- L’électronique portable, communément appelée « wearable » en anglais, représente les vêtements ou les accessoires comportant des éléments électroniques qui permettent, entre autres, le suivi médical en temps réel.
- Les bâtiments intelligents sont des bâtiments à haute efficacité énergétique, intégrant une gestion intelligente et automatique des équipements qui les composent (éclairage, énergie, climatisation, etc.). Il peut s’agir à la fois de bâtiments commerciaux, institutionnels ou résidentiels.
Ce bulletin vise principalement à présenter les innovations développées par des chercheurs universitaires à Montréal ainsi que des solutions innovantes mises en œuvre par des PME de la métropole québécoise. Avant tout, il est nécessaire de présenter l’évolution du marché mondial des capteurs ainsi que des exemples d’industries émergentes qui en tireront profit.
UN MARCHÉ EN PLEINE CROISSANCE
Les capteurs représentaient en 2015 un marché mondial de plus de 100 milliards de dollars. Entre 2010 et 2015, ce marché a crû en moyenne de 12,6 %. Selon les prévisions pour les cinq prochaines années, ce marché devrait s’accélérer et atteindre plus de 190 milliards de dollars en 2021. Entre 2016 et 2021, le marché mondial des capteurs devrait croître en moyenne de 11 %.
Cette forte croissance qu’enregistre le marché mondial des capteurs est inégale et varie selon le type de capteurs. Selon la firme de recherche et d’analyse des marchés BCC Research, le marché des capteurs d’images représentera plus de 27,2 milliards de dollars en 2016 et atteindra 50,2 milliards de dollars en 2020. Sur l’horizon 2011-2020, le marché pour ce type de capteurs devrait ainsi croître en moyenne de 12 % par année. Le marché des biocapteurs et des capteurs chimiques enregistrera également une hausse sur la même période. Estimé à 13,3 milliards de dollars en 2011, il atteindra 21 milliards de dollars en 2016 et 32,8 milliards en 2020, ce qui correspond à une croissance annuelle moyenne de 10,5 % entre 2011 et 2020. Les capteurs de température et de position représenteront respectivement 20 milliards et 14,7 milliards de dollars en 2016. Au terme de 2016, ces deux marchés auront crû chacun d’environ 7 % en moyenne par année.
Plusieurs industries tireront profit de l’évolution du marché des capteurs, en particulier les secteurs de l’automobile, de l’environnement et de l’électronique portable. Ces trois industries représenteront respectivement un marché de 35,2 milliards, 20,5 milliards et 14,75 milliards de dollars en 2020. Ainsi, entre 2014 et 2020, le marché des capteurs pour ces trois secteurs devrait croître respectivement en moyenne de 7,8 %, 7,6 % et 25,6 %, par année. Il est aussi estimé que le marché des capteurs pour l’industrie du bâtiment intelligent sera de 3,7 milliards de dollars en 2020, comparativement à 313 millions de dollars en 2013, ce qui correspond à une croissance annuelle moyenne de 4 % entre 2013 et 2020.
DE LA RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT DE POINTE À MONTRÉAL
L’essor du marché des capteurs est principalement propulsé par les avancées en matière d’innovation. À Montréal, plusieurs chercheurs mettent au point des capteurs sans fil miniatures et d’efficacité énergétique améliorée. Ces capteurs peuvent avoir de nombreuses applications industrielles, en particulier dans les domaines suivants : la chimie et l’environnement, la ville intelligente et les transports, ainsi que la santé et le bien-être.
En environnement et en chimie
Le Centre de recherche sur la conception et la fabrication de microsystèmes (CoFaMic) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) a développé des capteurs dans le domaine de l’environnement. Ces capteurs permettent de mesurer la pollution de l’eau à partir des microalgues mises dans un dispositif microfluidique et de connaître les variations physiologiques des microalgues lorsqu’elles sont exposées à divers polluants. Les changements s’expriment par des modifications dans les processus de photosynthèse et font varier la production d’oxygène et leur réémission par fluorescence de la lumière absorbée. Selon le concepteur, Ricardo Izquierdo, directeur du CoFaMic, cette technologie de plateforme multicapteur, initialement conçue pour être utilisée dans le domaine du traitement des eaux, pourrait s’élargir à d’autres réseaux de capteurs permettant un suivi d’autres types de pollution. À titre d’exemple, des capteurs qui peuvent détecter la présence d’hydrocarbures dans le sol pourraient être utilisés pour repérer rapidement, en amont, un début de contamination des sols. Un tel système d’observation permettrait à la ville de se doter d’une meilleure gestion des risques environnementaux.
En santé et bien-être
Le professeur Daniel Therriault, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en fabrication de microsystèmes et matériaux avancés, affiliée à Polytechnique Montréal, a développé un capteur capable de détecter la présence d’un liquide. Lorsque ce capteur, fabriqué par impression 3D, est exposé à un liquide, sa résistance électrique change. Sa forme d’hélice permet de coincer le liquide (illustré en vert dans l’image ci-jointe) à l’intérieur de la spirale. Ce capteur peut être utilisé dans de nombreux domaines, notamment en transport et en santé. À titre d’exemple, dans le domaine du transport, il pourrait servir à détecter des fuites de carburants. Par ailleurs, sur le plan médical, grâce au textile intelligent, il peut être incorporé dans des vêtements pour patients à motricité réduite.
Le professeur Xinyu Liu est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en microfluidique et BioMEMS de l’Université McGill. Ses recherches portent, entre autres, sur le développement des capteurs destinés à des applications biomédicales, environnementales et industrielles. Il a récemment développé des capteurs mécaniques et biochimiques à base de papier. Ces capteurs présentent un potentiel pour une vaste gamme d’applications. Dans le domaine médical, le biocapteur à base de papier permet la détection électrochimique de la présence de glucose ou de virus dans le sang. L’originalité de ce capteur réside en sa facilité d’utilisation, alors qu’un patient potentiel peut procéder à un prélèvement par lui-même, sans devoir se rendre à l’hôpital. Une fois le prélèvement effectué, le patient peut prendre une photo du résultat et l’envoyer au médecin via Internet, en utilisant un appareil mobile, pour établir le diagnostic. Il a donc l’avantage de réduire le coût de certains équipements médicaux ainsi que les files d’attente dans les hôpitaux. Dans le milieu industriel, un capteur mécanique à base de papier permet d’avoir des emballages intelligents. À titre d’exemple, dans le cas d’un colis à livrer, ce capteur collé sur les boîtes de livraison peut signaler en temps réel tout endommagement et identifier l’auteur (client ou fournisseur) de l’incident.
Pour la ville intelligente et les transports
Dans le cadre du Laboratoire de microtechnologies et de microsystèmes (Micro²) de l’UQAM, le professeur Frédéric Nabki s’intéresse en particulier à la fabrication des MEMS et des circuits intégrés. Il est notamment impliqué dans quinze demandes de brevets dans les domaines des capteurs et des communications sans fil. Relativement à cet intérêt de recherche, il a notamment développé, en collaboration avec le professeur Dominic Deslandes de l’UQAM, un transmetteur-récepteur sans fil qui permet de fournir des informations avec le moins d’énergie possible, pour des applications de capteurs dédiés à l’Internet des objets. Les capteurs faisant usage de cette technologie peuvent transmettre leurs données pendant plusieurs années avec des batteries miniatures. Cette innovation profitera à plusieurs industries, notamment celles des bâtiments intelligents, de l’électronique portable, des véhicules intelligents ou des villes intelligentes (ex. lampadaires intelligents). Ainsi, grâce à des capteurs utilisant cette technologie sans fil, il est possible, par exemple, de transmettre en temps réel les conditions ambiantes comme l’humidité, la température ou la pression dans les bâtiments ou dans les habitacles de véhicules. Avec cette technologie, il est également possible de prédire des défectuosités d’infrastructure par la présence physique d’agents perturbateurs (ex. vibrations anormales dans un pont). Ces capteurs peuvent aussi être miniatures, mesurant à peine quelques millimètres. D’ailleurs, dans le domaine du transport, cette technologie pourrait permettre à des capteurs miniatures d’être intégrés dans les moteurs et de communiquer par télémétrie sans fil, permettant ainsi de caractériser et d’optimiser la performance des véhicules.
En aérospatiale
Le professeur Mohamad Sawan, directeur du Laboratoire POLYSTIM de Polytechnique Montréal, conçoit et met en œuvre des capteurs destinés principalement aux industries biomédicale et aérospatiale. Il compte parmi ses partenaires des entreprises reconnues mondialement, dont Airbus, Bombardier et Thales. En collaboration avec ces deux dernières compagnies et grâce à un apport financier du Consortium de recherche et d’innovation en aérospatiale au Québec (CRIAQ), il a développé des capteurs MEMS et optiques pour des applications critiques en avionique. Autonomes et sans fil, les capteurs conçus permettent de réduire la consommation d’énergie des avions ainsi que le câblage électrique à l’intérieur de ceux-ci.
En télécommunication
Dans le cadre du Laboratoire de recherche Telecommunication Service Engineering (TSE) de l’université Concordia, le professeur Roch Glitho a développé un logiciel de virtualisation des capteurs. Ce logiciel permet de déployer plusieurs applications sur un même réseau de capteurs. Par exemple, si la ville déploie des capteurs dans l’ensemble de ses lampadaires pour détecter en temps réel toute défectuosité, elle pourrait, de manière virtuelle, réutiliser ces mêmes capteurs pour mesurer l’impact écologique de ces lampadaires, et éventuellement, la pollution générée par la circulation véhiculaire. Un tel logiciel permet ainsi une réduction des coûts pour la ville. Autrement, elle aurait à déployer trois réseaux de capteurs : un pour la détection de la défectuosité des lampadaires, un autre pour mesurer l’impact écologique des ampoules et un troisième pour la pollution des véhicules.
Le professeur Wessam Ajib s’intéresse aux communications vertes pour des réseaux sans fil. Il conçoit, entre autres, des protocoles de communication efficaces, en matière d’énergie, pour des réseaux de capteurs. Ses recherches visent ultimement l’utilisation optimale des énergies. Par exemple, dans le cas des réseaux de capteurs développés pour surveiller en temps réel l’état des infrastructures immobilières ou routières, la technologie mise au point par le chercheur permet de gérer efficacement la consommation d’énergie dans une perspective verte. Si ces capteurs sont alimentés par une batterie, cette technologie minimisera la consommation d’énergie. Par contre, s’ils sont alimentés par une énergie renouvelable, cette technologie permet de maximiser la performance de communication. Le professeur Wessam Ajib est membre du CoFaMic et du Laboratoire de recherche sur les technologies du commerce électronique (LATECE) de l’UQAM.
DES PME MONTRÉALAISES À SUCCÈS
L’évolution du marché des capteurs offre de nombreuses opportunités de développement en entrepreneuriat. Plusieurs PME montréalaises se positionnent sur ce marché et fournissent des solutions prometteuses pour plusieurs industries.
Incorporée en 2010 après plus de dix années de recherche à l’Université McGill, l’entreprise MEMS Vision est spécialisée dans la fabrication des capteurs MEMS. En particulier, elle a conçu un capteur environnemental capable de mesurer à la fois la température et l’humidité ambiante avec une très grande précision. Les domaines d’application de ce capteur sont nombreux et très variés. Il est notamment utilisé pour l’équipement médical (système respiratoire, ventilation), l’équipement industriel (contrôle des procédés de fabrication, contrôle de la qualité des aliments) ainsi que pour les produits grand public (montres et téléphones intelligents, vêtements intelligents). Grâce à son expertise, l’entreprise MEMS Vision dispose de douze brevets en la matière. Basée à Montréal, elle est aussi représentée sur le plan international, ayant des bureaux en Europe, au Moyen-Orient et en Asie.
L’entreprise Photon etc. fournit des solutions d’imagerie pour une vaste gamme d’applications. En 2015, elle a mis au point un capteur d’image sensible à l’infrarouge. Ce capteur permet des avancées considérables dans plusieurs secteurs, comme l’industrie manufacturière et les secteurs de la santé et de l’énergie. À titre d’exemple, en matière de recyclage, il est possible avec ce capteur de connaître la composition chimique des matières plastiques afin de favoriser un tri efficace des matières résiduelles. Dans le domaine médical, ce capteur permet de localiser avec précision des cellules cancéreuses. Enfin, sur le plan énergétique, il permet d’assurer le contrôle de la qualité des panneaux solaires.
L’entreprise NTEO développe des capteurs sans fil capables de communiquer entre eux et d’envoyer automatiquement des données vers des appareils mobiles (téléphones intelligents et tablettes) et des serveurs d’infonuagique. Ce dispositif peut être appliqué dans une diversité de domaines : tourisme, commerce, bien-être, éducation, etc. En guise d’exemple, ces capteurs pourraient être utilisés dans le domaine commercial en les intégrant dans des cartes de fidélité à identifiant unique. Il serait ainsi possible de détecter la présence du client et de connaître son profil d’achat, et ce, sans avoir besoin de téléphones intelligents. Cette carte pourrait être offerte par un regroupement de commerçants sur une rue commerciale et permettrait ultimement d’améliorer l’attractivité d’une artère commerciale en fonction des données obtenues.
L’entreprise reelyActive conçoit et produit des capteurs actifs d’identification par radiofréquence (RFID) pouvant être installés dans des espaces publics (bâtiments, rues, parcs, etc.). Ces capteurs permettent de détecter, d’identifier et de localiser la présence d’un appareil sans fil. À titre d’exemple, dans un bâtiment hospitalier, lorsque des capteurs sont placés dans toutes les salles, et des émetteurs sur chaque appareil médical et sur les vêtements du personnel, il est possible de trouver en temps réel la position exacte d’un membre du personnel ou d’un équipement. Ces capteurs pourraient également être utilisés pour rendre les artères commerciales plus intelligentes. En effet, en les intégrant dans des infrastructures publiques, il serait possible de connaître instantanément la fluidité de la circulation et d’offrir des expériences interactives uniques et personnalisées.
En somme, la remarquable croissance du marché mondial des capteurs présente d’énormes opportunités pour le développement des industries émergentes. Aussi, elle offre d’importantes occasions pour innover et entreprendre. Montréal bénéficie déjà d’une dynamique d’innovation et d’entrepreneuriat qui, grâce à l’expertise de ses chercheurs et de ses PME, la place en bonne posture pour être compétitive sur ce marché.