Territoire riverain : Port de Montréal

Sur l’île de Montréal, le territoire portuaire du parcours riverain s’étend, d’ouest en est,  de l’autoroute Bonaventure dans l’arrondissement Ville-Marie au tunnel Louis-Hippolyte Lafontaine. Acteur important de l’économie de la métropole, le port procure quotidiennement de l’emploi à des centaines de débardeurs, de camionneurs et de journaliers. C’est sans compter les marins, les matelots et le personnel des compagnies de navigation qui y circulent régulièrement. 

La partie la plus ancienne du port est située près du Vieux-Montréal. Des zones industrielles se déploient aux deux extrémités du quartier. Le premier ensemble à l’est va des installations de la brasserie Molson jusqu’à Hochelaga. À l’ouest, les usines bordent les écluses du canal de Lachine, dont la dénivellation à certains endroits offre une source d’énergie hydraulique. Ces zones sont caractérisées par la présence de grandes entreprises comme Canadian Vickers, Molson, Saint Lawrence Sugar, Robin Hood et Dominion Textile.

La destination patrimoniale de ce territoire riverain, le Vieux-Port, s’étale du quai de l’horloge au silo no 5. Elle comprend plusieurs bâtiments et lieux importants de l’histoire de Montréal et du Canada, dont le silo no 5, la tour des convoyeurs, la tour de l’horloge, l’Édifice des Commissaires, l’Édifice Allan, la place Jacques-Cartier et le marché Bonsecours.

Les débuts du port de Montréal

Immigrants  arrivant à Montréal. Début du XXe siècle. Agrandir Immigrants arrivant à Montréal. Début du XXe siècle.
Source : Centre d’histoire de Montréal

Au 18e siècle, l’économie montréalaise repose principalement sur le commerce des fourrures. Arrivant de la région des Grands Lacs à bord de petites embarcations, les peaux sont déchargées à Lachine, arrêt obligatoire à cause des rapides, et acheminées par voie terrestre vers Montréal. Au havre de la ville fortifiée, elles sont ensuite chargées sur des barques pour le transport jusqu’à Québec. Le recours aux petites embarcations est nécessaire puisque les navires océaniques, dont le tirant d’eau est supérieur à trois mètres, ne peuvent pas traverser le lac Saint-Pierre, entre Berthierville et Trois-Rivières.

La bourgeoisie d’affaires montréalaise comprend rapidement tous les avantages économiques et stratégiques liés à la présence d’un point de rupture de charge (endroit où le déchargement de la marchandise est obligatoire). À ce titre, Montréal occupe une position géographique avantageuse même si elle ne dispose pas encore d’installations portuaires développées. Après la conquête, le commerce de Montréal va se diversifier; le blé, la potasse et les importations de tout genre prennent le relais des fourrures. La bourgeoise d’affaires s’affranchit de la domination de Québec et améliore les infrastructures portuaires.

La traversée du lac Saint-Pierre demeure cependant, aux 18e et 19e siècles, un obstacle important au développement de la navigation et, par le fait même, à celui du commerce à Montréal. Marchands et politiciens mettent donc en œuvre, dans la seconde moitié du 19e siècle, une série de travaux pour faire de Montréal le terminus de la navigation océanique et fluviale. En 1850, la Commission du Havre de Montréal entreprend de creuser et d’agrandir le chenal originel entre Montréal et Québec, dont la profondeur atteindra 6,0 m en 1865 et 8,5 m en 1887. La prospérité du port de Montréal est consolidée en 1856 avec l’ouverture, par l’armateur Hugh Allan (1810-1882), d’une ligne maritime régulière entre Montréal et Liverpool.

La circulation maritime rendue plus facile contribue à l’augmentation des activités de transbordement dans le port et, par le fait même, à la vitalité du commerce. Les magasins-entrepôts du centre d’affaires reçoivent les denrées alimentaires et les produits textiles et métallurgiques importés, de même que les produits de l’industrie montréalaise naissante. Dans la foulée de ce dynamisme économique, les services financiers indispensables au rassemblement et au mouvement des capitaux sont également en pleine expansion; les banques montréalaises occupent alors une position dominante dans l’économie canadienne.

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La construction d'installations permanentes

Vue du port  depuis la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, vers 1900 Agrandir Vue du port depuis la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, vers 1900
Source : Wm. Notman & Son.
Musée McCord, Montréal VIEW-3212.1

Entre 1867 et 1896, le nombre de quais augmente et leur longueur totale passe de 5 km à plus de 9 km, certains sont également rehaussés pour permettre l’accostage de plus grands bateaux. Cependant, chaque année, les nombreuses inondations hivernales et printanières emportent les hangars, ce qui compromet l’installation d’infrastructures permanentes. En 1886, une inondation particulièrement importante touche même une partie des quartiers de Pointe-Saint-Charles, de Griffintown et de ce qui correspond aujourd’hui au Vieux-Montréal. Cet évènement relance l’idée de construire une digue protectrice qui était réclamée depuis des années par les marchands de Montréal. Les travaux commencent en 1891 et se poursuivent en plusieurs étapes de construction jusqu’en 1967.

La jetée Mackay s’avance alors dans le Saint-Laurent et protège le port de Montréal, en faisant dévier les glaces vers le fleuve, ce qui diminue d’autant le risque d’embâcles. Par ailleurs, à partir de 1869,  les installations datant du 19e siècle sont remplacées pour mieux desservir les paquebots transatlantiques et pour répondre aux besoins du commerce céréalier, de plus en plus important avec le développement de l’Ouest canadien. C’est dans ce contexte que sont construits les quais Jacques-Cartier (1899), Alexandra (1901), King Edward (1902) et Victoria (1916). Finalement, la construction de la jetée et du mur de crue ainsi que le rehaussement des quais permettront, à partir de 1900, la construction de hangars permanents, dont certains sont toujours en place.

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Le commerce du blé

Liées au développement de l’économie canadienne, les activités portuaires poursuivent leur croissance entre 1896 et 1914. En plus des quais, les autorités portuaires mettent en chantier de nouvelles voies ferrées, ainsi que les élévateurs no 1 et no 2, et confient la construction de l’élévateur B du silo no 5 au Grand Tronc. Ces nouvelles infrastructures remplacent les silos en bois érigés en 1885 par le Canadien Pacifique près de la gare Dalhousie et les anciennes voies ferrées qui desservent directement les quais depuis 1871. Pour maximiser la vitesse de chargement et de déchargement des navires, les autorités mettent en place un système de réseau de courroies sans fin (les convoyeurs) alimentant les quais de même qu’un dispositif à bascule permettant de vider en quelques minutes un wagon entier dans les silos. Le grain domine les produits manutentionnés dans le port durant les années 1920. Montréal devient alors le principal port céréalier en Amérique du Nord; il est possible d’y charger 19 navires océaniques simultanément.

Vue aérienne du  chantier de la Canadian Vickers, vers 1927 Agrandir Vue aérienne du chantier de la Canadian Vickers, vers 1927
Source : Ministère des Terres et Forêts.
Compagnie aérienne franco-canadienne.
BAnQ E21,S110,SS1,SSS1,PN48-16

Les quais, qui s’allongeaient sur 9 km en 1896, atteignent 12 km en 1914 et 17 km en 1940. Alors que le nombre de navires passe de 5 541 par année en 1896 à 13 141 en 1914, le port s’étend progressivement vers l’est avec la construction des quais Laurier (1896), Sutherland (1891) et Tarte (1908). Le chantier maritime de Canadian Vickers, avec sa cale sèche flottante, ouvre ses portes dans Maisonneuve en 1912 et, à partir de 1916, de nouveaux quais sont construits plus à l’est pour desservir des raffineries de pétrole.





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Une ère de transformation

En 1931, la Commission industrielle de Montréal qualifie le port de « merveille de génie moderne ». Malgré cela, les exportations de grains diminuent et les importations de pétrole et de charbon prennent une plus grande place; il faut donc revoir l’organisation et les installations du port. Mise à part une période d’effervescence pendant la Deuxième Guerre mondiale, alors que Montréal joue un rôle essentiel dans l’approvisionnement des alliés, le déclin se poursuit. Des travaux de modernisation à la fin des années 1950 ne permettent pas de garder un trafic portuaire suffisant et une nouvelle technologie sera adoptée à la fin des années 1960 : les conteneurs.

Pour répondre aux changements technologiques, les activités de manutention du port sont déménagées plus à l’est, délaissant l’ancienne partie qui est réaménagée à des fins publiques au milieu des années 1980. Par ailleurs, les bateaux de croisière continuent d’accoster à la jetée Alexandra et le quai Bickerdike reste en activité. Au début du 21e siècle, Montréal rayonne et son héritage architectural industriel y contribue pleinement. Aujourd’hui, le silo no 5, les convoyeurs qui y sont rattachés, la tour des convoyeurs, l’entrepôt frigorifique rappellent l’apogée de son activité économique.

La vocation du Vieux-Port a changé; désormais, les gens s’y côtoient pour le travail et les loisirs. Cela dit, le souvenir des marins, des débardeurs et des voyageurs qui le fréquentaient n’est pas si loin et la population retrouve avec intérêt ce quartier riche en histoire.

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Pour en savoir plus

Ouvrages généraux et monographies

DESJARDINS Pauline. Le Vieux-Port de Montréal. Montréal, Éditions de l'Homme, 2010, 220 p.

FOUGERES, Dany (dir.). Histoire de Montréal et de sa région. Tome 1 : des origines à 1930. Québec, Presses de l’Université Laval, 2012, pages 488-534.

LAUZON, Gilles et Madeleine FORGET. L’histoire de Montréal à travers son patrimoine. Montréal, Ville de Montréal, Société de développement de Montréal, ministère de la Culture et des Communications du Québec.

LINTEAU, Paul-André. « Le développement du port de Montréal au début du 20e siècle » dans Historical papers /Communications historiques, vol. 7 no 1, 1972, pp. 181-205.

ROBERT, Jean-Claude. Atlas historique de Montréal. Montréal, Art Global/ Libre Expression, 1994, 167 p.

Documents électroniques et sites Web

ARCHIVES DE MONTRÉAL  http://archivesdemontreal.com/2015/10/09/chronique-montrealite-no-45-breve-histoire-du-port-de-montreal/, [en ligne].

PORT DE MONTRÉAL. Le port au fil de son histoire, [en ligne].

SOCIÉTÉ DU VIEUX-PORT, Historique du Vieux-Port de Montréal, [en ligne].