L’avenue L’Archevêque et la traverse de Saint-Vincent-de-Paul

Plan ancien montrant l’emplacement de la traverse L’Archevêque, 1907 Agrandir Plan ancien montrant l’emplacement de la traverse L’Archevêque, 1907
Source : Alphonse Rodrigue Pinsoneault, Atlas of the Island and City of Montreal, including Ile Bizard, planche 55, (extrait), G1144 M65G475 P5 1907 CAR

Le premier segment de l’avenue L’Archevêque est situé entre le boulevard Gouin et la rivière des Prairies dans la partie est de la paroisse de Sault-au-Récollet, qui deviendra plus tard la cité de Montréal-Nord. Cette voie étant à l’origine un chemin de traverse, son histoire est intimement liée à l’évolution des communications entre les deux rives de la rivière des Prairies. Bien qu’elle soit indiquée la première fois sur une carte de 1876, l’avenue L’Archevêque a probablement été ouverte bien avant. Il est fort plausible qu’elle ait été aménagée en 1801 ou plus tôt, dès qu’on y exploite une traverse reliant la paroisse de Sault-au-Récollet, sur l’île de Montréal, au village de Saint-Vincent-de-Paul, sur l’île Jésus. Comme plusieurs traverses ont existé entre ces deux endroits au cours des 18e et 19e siècles, il est difficile de connaître l’année exacte de la mise en service de la traverse au pied de l’avenue L’Archevêque, de même que l’année de construction de cette rue.

Dès 1735, le grand voyer Jean-Eustache Lanoullier de Boisclerc recommande la mise en service d’une traverse sur la rivière des Prairies. Habituellement, pour gérer une traverse, un propriétaire riverain demande un permis d’exploitation conjointement avec un propriétaire de la rive opposée, afin qu’un passeur exerce son métier sur chaque rive. Les tarifs de la traversée sont fixés par un règlement qui distingue différentes catégories de prix. Ainsi, en 1858, il en coûte un chelin et trois deniers pour transporter « chaque carrosse ou autre voiture à quatre roues, chargés ou non chargés, avec le cocher et quatre personnes ou moins, tirés par deux chevaux ou plus, ou autres bêtes de trait », tandis qu’une personne à pied doit débourser deux deniers et qu’il faut verser quatre deniers pour un cheval, deux deniers pour une vache et un denier pour un cochon.

Vers 1767, près de vingt-sept ans après la fondation de la paroisse de Saint-Vincent-de-Paul, Sébastien Rocan dit Bastien, résidant de l’île Jésus, serait le premier exploitant d’une traverse entre cette paroisse et Sault-au-Récollet. Il s’occupe d’abord seul de la traverse, mais il semble bientôt surchargé puisqu’il se plaint de la « trop lourde besogne, en raison du courant qui est très prononcé à cet endroit et en raison des dépenses inhérentes à cette charge ». En 1781, il demande qu’il y ait un passeur de chaque côté de la rive.

La traverse L’Archevêque à Montréal-Nord, s.d. Agrandir La traverse L’Archevêque à Montréal-Nord, s.d.
Source : Archives de la Ville de Montréal, SHM19, SY, SS4

Les premières traces d’une traverse au pied de la future avenue L’Archevêque apparaissent en 1801; Amable Corbeil, de Sault-au-Récollet, exerce le métier de passeur à cet endroit. La famille Corbeil se transmet la traverse de père en fils. En 1816, Michel Corbeil, le fils d’Amable, achète un terrain entre le chemin principal et la rive, où se trouve la traverse, et s’y fait construire trois ans plus tard une maison en pierre. C’est la toute première maison de la rue. À cette époque, le petit chemin qui deviendra l’avenue L’Archevêque est ouvert depuis la rive, permettant aux clients de la traverse de rejoindre le chemin principal (devenu le boulevard Gouin).

En 1881, la famille Corbeil vend le terrain, la maison et ses droits d’exploitation à Joseph L’Archevêque, qui gère alors la traverse avec le propriétaire de la rive opposée, Zéphirin Sigouin. Jusque là appelée « Sigouin Corbeil », la traverse est renommée « L’Archevêque ». Être passeur était à cette époque une tâche exigeante. Joseph L’Archevêque devait s’engager à faire traverser toute personne de l’autre côté de la rivière sans qu’elle attende plus d’une demi-heure la nuit et plus d’un quart d’heure le jour. Il devait en outre fournir lui-même les pontons, bateaux ou canots nécessaires et entretenir le chemin.

L’avenue L’Archevêque à Montréal-Nord, s.d. Agrandir L’avenue L’Archevêque à Montréal-Nord, s.d.
Source : Collection de cartes postales, BAnQ, 0002629472

Les résidants de Terrebonne, Sainte-Rose, Sainte-Anne-des-Plaines et Saint-François-de-Sales empruntaient la traverse puis le tramway de Sault-au-Récollet, dont le terminus se situait à proximité, pour se rendre à Montréal. En 1910, Joseph L’Archevêque divise son terrain, qui va du chemin principal à la rive, et donne des emplacements à des membres de sa famille. Ils y font construire des maisons qui subsistent encore aujourd’hui. Progressivement, un petit noyau de développement prend forme à l’intersection du chemin principal et de l’avenue L’Archevêque.

La construction du pont Pie-IX en 1937 entraîne une diminution de l’utilisation de la traverse. Dès lors, les voitures ne sont plus embarquées, mais la famille L’Archevêque continue de faire traverser les passagers jusqu’aux années 1950 environ.

Pour en savoir plus

Monographies

Comité d’histoire de Montréal-Nord. Montréal-Nord : d’hier à aujourd’hui. Montréal-Nord, Comité d’histoire de Montréal-Nord, 2000, 393 p.

LELIÈVRE, Francine, dir. Montréal, par ponts et traverses. Montréal, Pointe-à-Callière, Musée d’archéologie et d’histoire de Montréal, Éditions Nota bene, 1999, 94 p.

Articles

FARIBAULT-BEAUREGARD, Marthe. « Montréal, notre île. Les passages d’eau à la fin du XVIIIe siècle », dans Société historique de Montréal. Montréal, activités, habitants, quartiers. Montréal, Fides, 1984, p. 64-80.

FORGET, André, « Les traverses entre Saint-Vincent-de-Paul et le Sault-au-Récollet », Cahier d’histoire du Sault-au-Récollet, no 3, automne 1992, p. 37-48.

LÉGER, Yvon. « Joseph-Aquila L’Archevêque, 1866-1941 », Cahier d’histoire du Sault-au-Récollet, no 6, printemps 1996, p. 3-17.

Document électronique

SERVICE DE LA MISE EN VALEUR DU TERRITOIRE ET DU PATRIMOINE, BUREAU DU PATRIMOINE, DE LA TOPONYMIE ET DE L’EXPERTISE. Évaluation du patrimoine urbain. Arrondissement de Montréal-Nord. Montréal, Ville de Montréal, 2005, 41 p. [En ligne].