L’eau, un obstacle à franchir par ponts et traverses

Si la localisation de Montréal au confluent de plusieurs cours d’eau importants a été un facteur crucial de développement, son insularité a ajouté aux défis de liaison avec les grands axes de transport terrestre nord-américains. Au fil des siècles, les Montréalais ont su contrer les obstacles fluviaux et mettre en place tout un réseau de moyens de communication afin de garder le contact avec les autres rives du fleuve. À mesure que se développe le territoire, les déplacements interrives s’organisent. Au 18e siècle, canots et pirogues laissent de plus en plus place aux traverses qui, inopérantes durant la saison hivernale, sont alors remplacées par des ponts de glace naturels.

Homme dans une chaloupe près de Cartierville, 1902-1903 Agrandir Homme dans une chaloupe près de Cartierville, 1902-1903
Source : N. M. Hinshelwood, Musée McCord, Montréal,

À partir du milieu du 19e siècle, l’expansion du transport ferroviaire puis l’essor de l’automobile ont amené la construction de ponts ferroviaires et routiers. Plus récemment, le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine ainsi que le métro reliant l’île de Montréal aux villes de Laval et Longueuil sont venus offrir d'autres possibilités d’accès aux rives voisines. 

Les traverses et ponts de glace, des liens saisonniers

Traverse entre l’île Bizard et Laval-des-Rapides, vers 1965. Agrandir Traverse entre l’île Bizard et Laval-des-Rapides, vers 1965.
Source : Dossiers de recherche, Ville de Montréal

Il existe une variété de voies de communication interrives dont les traces sont toujours présentes aujourd’hui dans le paysage riverain montréalais. Les traverses représentent la façon organisée la plus ancienne d’atteindre la rive opposée. Leurs emplacements sont contrôlés, nombreux et bien connus. Les types d’embarcation se modifient au fil du temps, avec les avancées technologiques. Les premières traversées sont effectuées par bateaux à rames ou à voiles. Peu à peu, on passe de simples bateaux passeurs à de véritables bacs, qui assurent le transport de passagers mais aussi de charrettes, de voitures et de bétail destiné à être vendu au marché.Des chevaux sont même utilisés comme force de propulsion dans le cas des horse boats.


Pont de glace entre Saint-Lambert et Montréal, vers 1870 Agrandir Pont de glace entre Saint-Lambert et Montréal, vers 1870
Source : Alexander Henderson, Musée McCord, Montréal

Les périodes de gel et dégel, appelées « le temps des mauvaises traverses », marquent les deux moments de l’année où l’île de Montréal est coupée du reste du continent. L’hiver, l’épaisse couche de glace se prête à nombre de passages sur le fleuve Saint-Laurent et la rivière des Prairies, les ponts de glace permettant de traverser les cours d’eau à pied ou en carriole. Entre 1880 et 1883, on va jusqu’à installer des voies ferrées directement sur la surface glacée du fleuve afin de relier Hochelaga et Longueuil.

Les ponts ferroviaires, moteurs de développement économique

Le pont ferroviaire Saint-Laurent du Canadien Pacifique, 19- Agrandir Le pont ferroviaire Saint-Laurent du Canadien Pacifique, 19-
Source : Collection de cartes postales, BAnQ, 0002635750

L’emploi du train pour le transport des personnes et des marchandises s’impose en force à partir des années 1850 au Canada. Afin de préserver la vitalité et la compétitivité économique de son port, Montréal entreprend de mieux se relier aux marchés nord-américains par la construction de ponts ferroviaires. Par ailleurs, la population de l’île connaît une croissance fulgurante et bondit de 16 000 à 57 715 habitants entre 1815 et 1851. Cette explosion démographique est due à l’essor économique et commercial de la ville à cette époque. Il devient alors nécessaire de multiplier les voies de communication, les traversiers et ponts de glace ne suffisant plus à la tâche. L’ouverture du pont Victoria en 1860, premier pont ferroviaire sur le fleuve, marque la fin de la période où les Montréalais sont privés de moyens de transport vers les rives voisines en temps de gel et dégel. Ce pont est encore aujourd’hui le plus emprunté dans le réseau ferroviaire canadien. L’érection de ponts ferroviaires vers la rive nord est quant à elle stimulée par la colonisation des Laurentides à partir des années 1870; parmi d’autres se trouvera la ligne surnommée « le p’tit train du Nord ». Le pont ferroviaire entre Bordeaux et Laval-des-Rapides est le premier à être inauguré en 1876. Depuis, ces ponts se sont multipliés tant sur la rivière des Prairies que sur le fleuve Saint-Laurent, modifiant ainsi le paysage riverain montréalais.

Les ponts routiers, pour le développement de la banlieue

Entrée du pont Pierre-Legardeur au Bout-de-l’Île, 1946 Agrandir Entrée du pont Pierre-Legardeur au Bout-de-l’Île, 1946
Source : Olivier Desjardins, BAnQ, E6, S7, SS1, P32924

Au fil de l’évolution des transports, les ponts viennent remplacer les traverses, souvent au même emplacement. C’est dans les années 1830 que les voyageurs et les cultivateurs peuvent commencer à faire traverser leurs calèches et leurs chars à foin en utilisant des ponts carrossables, ancêtres des ponts routiers. Ces constructions enjambent d’abord la rivière des Prairies, au nord, étant donné son étroitesse comparativement à la largeur du fleuve Saint-Laurent, au sud. Le plus ancien est le pont de Cartierville, érigé en 1836 à l’emplacement de l’actuel pont Lachapelle. Les premières structures, souvent en bois, sont appelées à être refaites en acier, question de solidité pour le le passage de charges plus lourdes et de voitures. L’utilisation croissante de l’automobile entraîne une vague de construction et de remplacement de ces structures au courant des décennies 1920 et 1930, dont plusieurs d’ailleurs durant la crise économique des années 1930 dans le but de stimuler l’économie et soutenir la main-d'œuvre. Le premier pont montréalais de l’ère automobile, le pont Galipeault entre Sainte-Anne-de-Bellevue et L'Île-Perrot, est inauguré en 1925.

Les ponts routiers exigent des investissements importants et dans la plupart des cas, des péages sont imposés aux usagers. Parfois, au carrefour situé à l’entrée du pont, un petit relais se développe. Outre la barrière de péage, on y retrouve un restaurant ou un hôtel. Souvent, ce petit hameau forme l’embryon d’un nouveau village. Les noyaux villageois d’Ahuntsic et Cartierville sont nés près des ponts enjambant la rivière des Prairies. De la même façon, sur les rives voisines de Montréal, la croissance des villes de Saint-Lambert, Brossard et Laval est en partie attribuable à l’existence de ponts routiers. Depuis leurs débuts, les ponts montréalais font office d’agents de développement économique et urbain. La présence des ponts carrossables et routiers a une influence certaine sur l’urbanisation des rives environnantes de Montréal.

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