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La Première Guerre mondiale et le patrimoine de la commémoration

Pour le 18 avril, « Journée internationale des monuments et des sites », l’UNESCO propose cette année de mettre à l’honneur le « Patrimoine de la commémoration », afin de marquer le centième anniversaire du début de la guerre de 1914-1918. Le Conseil du patrimoine de Montréal (CPM) se joint donc à d’autres organismes montréalais pour se pencher sur ce patrimoine bien particulier et le faire davantage connaître.

Les pratiques de commémoration constituent un phénomène culturel très ancien visant à perpétuer le souvenir d’un évènement, d’un personnage ou d’une idée. Les manifestations de ce phénomène sont très variées. La Première Guerre mondiale, conflit dont l’ampleur dévastatrice et les pertes humaines étaient jusqu’alors inégalées, marque toutefois un point tournant dans les pratiques de commémoration en Occident. Au lieu de glorifier des évènements et des personnages héroïques comme on le faisait auparavant, on a plutôt cherché à rappeler le sacrifice individuel des soldats. La décision de les inhumer près de l’endroit où ils étaient tombés plutôt que de rapatrier leurs sépultures a également renforcé le besoin de créer d'autres lieux de commémoration au pays.

Comme toutes les grandes villes canadiennes, Montréal a donc été sensible à son devoir de souvenir afin d’exprimer sa reconnaissance aux anciens combattants et de rendre hommage à ses citoyens morts au front. Ces lieux de commémoration marquent le paysage urbain et plusieurs d’entre eux ont vu leur fonction renouvelée à la suite de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), puis de la guerre de Corée (1950-1953), avec l’inscription des dates de ces conflits. Quelques exemples, parmi les multiples gestes posés à Montréal en hommage aux disparus de la Première Guerre mondiale, permettent d’illustrer l’esprit dans lequel ces sites ont été réalisés et leur diversité.

Des lieux de commémoration à découvrir

Cénotaphe de l'Armistice Crédit: Snejanka Popova_2010Agrandir l'image

 Cénotaphe de l’Armistice Le cénotaphe de l’Armistice à la place du Canada est sans doute le plus connu des monuments publics montréalais consacrés à la Grande Guerre. Depuis son dévoilement en 1924, c’était jusqu'à tout récemment le lieu principal des cérémonies du jour du Souvenir à Montréal. Le monument, dont on ne connaît pas l’auteur, s’inspire dans sa forme et son dépouillement du cénotaphe de Whitehall à Londres, œuvre de l’architecte Edwin Lutyens qui a servi de modèle à de nombreux monuments commémoratifs dans les pays du Commonwealth.

 

 

 

Monument aux braves d'Outremont Crédit: CPM_2014Agrandir l'image

Monuments aux braves Grâce au financement de légions et de clubs, grâce à des campagnes de souscriptions publiques ou encore de leur propre initiative, plusieurs des municipalités de l’île de Montréal ont érigé des « Monuments aux braves » dans des emplacements civiques de choix, parcs ou squares. On en retrouve notamment dans les arrondissements actuels de Notre-Dame-de-Grâce, Outremont, Verdun, Lachine, Montréal-Ouest, Montréal-Nord et tous font aujourd'hui partie de la collection d’art public et de monuments commémoratifs de la Ville de Montréal.

 

 

 

Tour de l'Horloge Crédit: CPM_2014Agrandir l'image

Tour de l’Horloge Les monuments ont parfois pris la forme d’édifices et notamment de tours commémoratives. La tour de l’Horloge, située dans le Vieux-Port de Montréal, offre un point de repère élégant dont on oublie souvent la vocation commémorative. Elle a été érigée entre 1919 et 1922 par la Commission du havre, avec la fonction multiple d’horloge, d’écran visuel pour les installations du port (grâce au mur qui l'accompagnait à l'origine) et de commémoration des disparus de la marine marchande canadienne, en hommage desquels figure une plaque à sa base.

 

 

 

 

Ange de la Victoire Crédit: CPM_2014Agrandir l'image

Ange de la Victoire Au-delà de ces initiatives publiques, certaines grandes entreprises ont également souligné la participation et la disparition des leurs au combat. Le Canadien Pacifique a ainsi commandé à l’artiste Cœur-de-Lion McCarthy une sculpture en bronze représentant l’Ange de la Victoire entraînant un soldat mort vers le ciel. Les trois exemplaires de cette œuvre dédiée à la mémoire de son personnel mort au combat ont étés installés à la gare Windsor, ainsi que dans les gares de Winnipeg et de Vancouver.

 

 

 

Plaque commémorative de la Banque Royale Crédit: CPM_2014Agrandir l'image

Plaques commémoratives La Banque Royale a quant à elle choisi de rappeler le nom de ses employés tombés au front en intégrant deux immenses panneaux commémoratifs au décor monumental de son hall bancaire, aménagé en 1928 au 360, rue Saint-Jacques. De nombreux autres grands commerces et institutions, tels le magasin Eaton, la Sun Life et les universités, ont également apposé des plaques en bronze ou en marbre dans les espaces publics de leur siège social respectif.

 

 

 

 

 

Vitrail commémoratif de la bibliothèque du Mile-End Crédit: CPM_2014Agrandir l'image

Églises Enfin, plusieurs églises ont intégré des éléments commémoratifs à leurs intérieurs. Il s’agit parfois d’un élément de mobilier, d’un orgue, d’une plaque commémorative, mais aussi de vitraux, tels que ceux qui peuvent être vus à l’ancienne église anglicane de l’Ascension, aujourd’hui occupée par la Bibliothèque du Mile-End, au 5434, avenue du Parc. Par leurs représentations allégoriques qui associent le conflit à une lutte entre le Bien et le Mal et dépeignent le soldat comme un chevalier médiéval combattant au nom de la chrétienté, ils cherchaient à offrir une explication et une consolation aux pertes humaines causées par la guerre.

 

 

 

Un devoir de conservation

Monument aux braves de Lachine avant sa restauration Crédit: Snejanka Popova_2008Agrandir l'image

Le Bureau de l’art public de la Ville de Montréal est responsable de la conservation de plusieurs des monuments commémoratifs publics extérieurs situés sur le territoire. Comme tout patrimoine matériel, celui de la commémoration est exposé à de multiples causes de détérioration physique : vieillissement naturel des matériaux et des assemblages, pollution, conditions climatiques extrêmes, usure, transformations dans le temps et, malheureusement aussi, actes de vandalisme. Il nécessite un entretien constant et, à l’occasion, des interventions de restauration plus importantes afin de contrer les effets du temps.

 

 

Détail avant la restauration Crédit: Dolléans Art Conservation_2009Agrandir l'image

Un cas l’illustre bien. En 2008-2010, le Bureau de l’art public a entrepris la restauration du « Monument aux braves » de Lachine. Cela s'est fait à la demande de l’arrondissement et de la filiale locale de la Légion royale canadienne, et avec l’appui financier du « Programme de restauration de cénotaphes et de monuments » du ministère des Anciens Combattants. Érigé en 1925 par l’ancienne Ville de Lachine à la mémoire de ses citoyens disparus au front, le monument est composé d’un élégant socle en granit, surmonté de la figure en bronze d’un fantassin avançant vers le combat, œuvre du célèbre sculpteur Alfred Laliberté. 

 

 

Monument aux braves de Lachine après sa restauration Crédit: Guy L'Heureux_2013Agrandir l'image

Les travaux ont été réalisés en plusieurs étapes et par des entreprises hautement spécialisées. Afin de rendre toute leur définition à ses détails, la sculpture a fait l’objet d’un nettoyage légèrement abrasif en atelier et de l’application d’une patine uniformisante, puis de deux couches protectrices de cire. Le socle en granit a quant à lui subi plusieurs opérations visant à nettoyer et réparer les arêtes endommagées et les quelques perforations pratiquées dans la pierre, ainsi qu’à refaire les joints de mortier. Des inscriptions en lettres de plomb, dissimulées sous des plaques en bronze plus tardives, ont été restaurées; et les plaques en bronze, remplacées par des inscriptions sur de nouveaux supports en pierre, moins susceptibles d'être volés.

 

Exceptionnellement, le monument a également été déplacé vers le parc Stoney Point, où il est désormais plus en vue. Restauré et mis en valeur par un aménagement paysager de ses abords et une illumination nocturne, il perpétue le souvenir de la guerre et des nombreux individus qui y ont perdu la vie.

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