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La rue Ontario et ses intersections

De la rue Saint-Urbain à la rue Saint-Hubert

Cette portion de la rue Ontario est ouverte dès le début de la décennie 1860 et traverse deux quartiers alors surtout habités par des artisans et des ouvriers, Saint-Laurent et Saint-Louis. Vers 1880, les constructions sont concentrées aux abords des rues Saint-Laurent (devenue boulevard) et Saint-Denis, mais une vingtaine d’années plus tard, presque tous les terrains de la voie sont construits. De grandes entreprises s’installent dans le voisinage et la population canadienne-française afflue, en quête d’emploi. En 1915, au coin de la rue Saint-Urbain, la compagnie Bell loge son central téléphonique Plateau Exchange dans un immeuble élégant, avant de l’agrandir en 1923 pour y placer son premier central automatisé. À l’angle nord-ouest du boulevard Saint-Laurent, l’édifice Grothé (1906), abritant longtemps l’importante manufacture de cigares du même nom, rappelle la présence de l’industrie du tabac. En face, côté sud, s’élève depuis 1915, l’Ontario Building, un imposant immeuble de 10 étages occupé par divers ateliers et manufactures de confection, puis transformé en appartements. Ces deux immeubles permettent une comparaison saisissante de deux générations de bâtiments industriels. Quelques brasseries et d’autres manufactures de vêtement viennent compléter le paysage industriel du quartier.

La fonction commerciale s’impose graduellement, d’ouest en est. La rue Ontario est d’ailleurs une importante artère d’entreprises canadiennes-françaises du commerce et des services. En témoigne la présence de la compagnie J.B.Baillargeon Express, incorporée en 1912. Ses installations occupent un vaste terrain donnant sur la rue Ontario, se déployant derrière les maisons bordant les rues Saint-Denis, Sherbrooke et Berri, où s’alignent des entrepôts, des garages et des écuries pour 400 chevaux. En 1924, l’entreprise construit un imposant édifice le long de la rue pour loger ses bureaux et entrepôts. Vers 1975, sa façade Art déco est démantelée et l’immeuble recyclé loge des bureaux.

Entre le boulevard Saint-Laurent et la rue Saint-Denis, la voie est identifiée, pendant toute la première moitié du XXe siècle, au Red Light montréalais. Stimulé par l’activité portuaire et l’animation du centre-ville, celui-ci s’étend progressivement vers le nord. Il offre maints divertissements illicites, comme des maisons de jeu (souvent appelées barbottes), des officines de paris, des débits illégaux d’alcool (Blind Pigs) et des maisons de prostitution florissantes, qui engendrent la corruption politique et policière. Vers 1940, la zone mal famée a pris toute son ampleur, profitant des diverses restrictions imposées à la vente d’alcool en Amérique du Nord, en particulier la prohibition complète aux États-Unis entre 1920 et 1933. Quelques adresses de la rue Ontario sont célèbres dans le monde interlope montréalais d’avant 1950. Le Red Light disparaît dans le double contexte d’une campagne de moralité publique menée par les avocats Jean Drapeau et Pacifique Plante, entre 1950 et 1954, et d’un important programme de rénovation urbaine.

Depuis au moins les années 1930, ce secteur est identifié comme une zone de taudis et, en 1952, la Ville crée un comité présidé par le conseiller municipal Paul Dozois (1908-1984) pour étudier la question. Le plan Dozois qui en résulte (1954), propose de raser les maisons pour construire des habitations à loyer modique. La démolition est effectuée à la fin des années 1950. On y construit alors un grand ensemble de logements sociaux, borné par les rues Ontario, Sanguinet, De Boisbriand et Saint-Dominique, les Habitations Jeanne-Mance. Inauguré en 1959, l’ensemble comprend des tours de 10 étages, des bâtiments de trois étages et des maisons de ville de deux étages, implantés en retrait de la voie parmi des îlots de verdure, et offre au total près de 800 logements.

La proximité de quelques établissements d’éducation marque ce petit secteur du Quartier latin. Le nouvel immeuble du Cégep du Vieux-Montréal, inauguré en 1972, est adossé à la terrasse de la rue Sherbrooke et installé dans l’ancienne cour de récréation du collège Mont-Saint-Louis. La Maison théâtre occupe depuis 1984 l’ancienne salle du Tritorium du cégep et se spécialise dans le théâtre pour enfants. En outre, l’ouverture des pavillons de l’UQAM (à partir de 1979), plus au sud, augmente la présence étudiante, ce qui contribue à une certaine animation de la rue, comme en témoignent quelques bars et bistros.

Ainsi, entre les rues Saint-Dominique et Sanguinet, le paysage urbain de la voie est complètement transformé après la Deuxième Guerre mondiale et la population étudiante revient en force dans le secteur.

Plus loin, entre l’avenue Savoie et la rue Saint-Hubert, le côté sud est longtemps bordé par la clôture arrière du vaste terrain de l’école de réforme (Institut Saint-Antoine), ouverte en 1873 et qui déménage en 1932. Durant les années 1940, la rue Berri y est percée entre les rues De Montigny (devenue boulevard De Maisonneuve) et Ontario, puis dans la décennie suivante, elle est prolongée vers le nord en passant sous la rue Sherbrooke. Le Palais du Commerce (1952) et son stationnement occupent le côté ouest; il est remplacé par la Grande Bibliothèque du Québec en 2005. À l’est de la rue Berri, le côté sud de la rue Ontario longe l’îlot Voyageur, occupé par le terminus des autobus interurbains.

La plupart des autres immeubles de la rue ont trois étages; ce sont surtout des maisons en rangée avec toits en fausse mansarde, percés de lucarnes. Dotés souvent d’une façade en pierre grise, ils abritent généralement un commerce au rez-de-chaussée. Certains ensembles sont remarquables, comme celui de la terrasse Emma (1868), côté nord, entre la rue Sanguinet et l’avenue Joly.

Sur ce segment, à partir du boulevard Saint-Laurent, la voie est desservie par le tramway hippomobile dès la fin des années 1880, puis par le tramway électrique après 1892, alors que la ligne est prolongée vers l’ouest. Les autobus remplacent les tramways en 1958.

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