Rue Saint-Laurent
Le boulevard Saint-Laurent et ses intersections

Du boulevard Crémazie à la rue de Port-Royal

Le boulevard Crémazie, ainsi nommé en 1914, suit le tracé d’un très vieux chemin rural qui a polarisé la campagne montréalaise durant près de deux siècles. Il s’agit de l’enfilade des chemins de côtes du milieu de l’île, depuis la côte de Liesse, la côte Saint-Laurent, la côte Saint-Michel et plus loin vers l’est, la côte Saint-Léonard. À partir de 1929, devant la montée du développement urbain, le projet d’y installer une voie rapide prend forme. Toutefois, la crise des années 1930 et la guerre reportent le projet qui est repris à partir de 1952. En 1960, le boulevard Métropolitain (devenu autoroute) est inauguré. Surélevée sur une partie de son trajet, l’autoroute emprunte le tracé du boulevard Crémazie dont le nom est conservé pour les voies de service.

Au nord du boulevard Crémazie, le boulevard Saint-Laurent est résolument industriel et commercial. Les bâtiments, de un à quatre étages, sont plutôt disparates jusqu’à la rue Chabanel. Au-delà et jusqu’à la voie ferrée, les façades des immeubles à grand gabarit de la cité de la mode dominent le boulevard avec leurs dizaines d’étages. Toutefois, le développement le long de la voie s’est fait de façon discontinue avant les années 1950.

En 1907, la compagnie des tramways, ancêtre de la STM, acquiert tout le terrain du côté est du boulevard, entre le boulevard Crémazie et la rue de Louvain, pour y construire ses installations pour l’entretien des tramways, appelés ateliers Youville. Ce nom de lieu-dit est donné vers 1900 par un maître de poste local, en hommage à la fondatrice des sœurs Grises et désigne le voisinage du boulevard Crémazie, entre le boulevard Saint-Laurent et la rue Saint-Hubert. Les ateliers Youville (1910-1963) emploient près de 300 personnes à leur ouverture et sont longtemps les seules constructions présentes. Pendant de la Première Guerre mondiale, ils sont reconvertis pour la fabrication d’obus et sont agrandis en 1928. En 1946, la Montreal Tramway fait construire le garage Villeray (ouvert en 1947) et l’usine Crémazie (ouverte en 1948) sur ses terrains; les deux bâtiments servent à l’entretien de la flotte d’autobus alors en pleine expansion. La compagnie Montreal Tramways passe au secteur public en 1951. Une des premières décisions de la Commission est le remplacement graduel des tramways par des autobus. On double alors la superficie de l’usine Crémazie en 1956-57. Les ateliers Youville, qui ont servi à l’entretien des tramways de 1911 à 1959, servent aussi à leur destruction puisque l’on en brûle plusieurs dans la cour arrière. En 1963, pour assurer l’entretien des voitures du métro, les vieux ateliers sont rasés et remplacés par un nouveau complexe industriel appelé «Plateau Youville». Une voie de raccordement souterraine le relie à la station Crémazie. En 1971, la société met en chantier le garage Legendre (ouvert en 1974), pour remplacer le garage Villeray et construit une tour administrative en 1983.

Côté ouest, lors de la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement fédéral installe une usine de fabrication de munitions sur un vaste terrain borné par la rue Chabanel, le boulevard Saint-Laurent, la voie ferrée du Canadien National au nord de la rue de Louvain et une voie du Canadien Pacifique qui monte vers les Laurentides. Les usines fonctionnent 24 heures par jour et emploient jusqu’à 9 000 ouvriers, ce qui force la compagnie de tramways à étendre sa desserte à ce secteur de la voie. Après la guerre, le complexe, longtemps connu par son adresse du 9500 Saint-Laurent, est privatisé et les bâtiments sont occupés par des manufactures diverses dont des ateliers de confection. Entre les années 1960 et 1980, on aménage sur une partie du complexe la Cité de la mode avec ses immeubles à grand gabarit destinés surtout aux ateliers de confection de vêtements. Après la décroissance brutale de la confection à partir de la fin des années 1990, la Ville cherche à relancer le secteur de la mode sur de nouvelles bases.

Le segment est aussi marqué par la présence de la voie ferrée du Canadien National qui coupe tout l’est de l’île, à la hauteur de la rue de Port-Royal. Cette voie, construite en remblai, crée un obstacle physique majeur et interrompt un grand nombre de rues orientées nord-sud, sauf quelques grandes artères traversées par des ponts ferroviaires. Entre 1943 et 1945, le Canadien National entreprend de raccorder ses lignes sur l’île de Montréal avec une dorsale qui part du centre de l’île pour aller rejoindre ses voies à Pointe-aux-Trembles. Le raccordement supprime le détour de plus de 150 kilomètres pour faire transiter les wagons depuis la cour de triage Turcot jusqu’à la gare Moreau. De plus, il permet la concentration de tout le trafic passager à la nouvelle gare centrale (1943), au débouché du tunnel sous le mont Royal. Entre 1946 et 1968, le CN y exploite un service de train de banlieue entre la gare Centrale et Montréal-Nord. Une gare est ouverte près du pont ferroviaire du boulevard Saint-Laurent, lui-même desservi depuis 1931 par des autobus dont les circuits (56, 55 et 53) changent à plusieurs reprises.

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