Le boulevard Gouin comme chemin de village à Sainte-Geneviève

Plan du village de Sainte-Geneviève, 1879 Agrandir Plan du village de Sainte-Geneviève, 1879
Source : Henry W. Hopkins, Atlas of the City and Island of Montreal and Ile Bizard, planche 81, BAnQ, G1144 M65G475 H6 1879 CAR

Sainte-Geneviève, qui désigne d’abord une côte, puis une paroisse, désigne aussi à compter du début du 19e siècle le village rural qui se déploiera en bordure de la rivière des Prairies, dans la partie ouest de l’île de Montréal. Le chemin de front ou chemin de côte qui traverse la côte Sainte-Geneviève constitue le grand axe de développement et le centre d’animation du village, où on l’appelle la « grande rue » ou la « rue principale ».

Dès le début des années 1800, près de la petite chapelle en pierre érigée en 1751, des terres agricoles sont divisées en lots plus petits pour la construction de maisons villageoises. Quelques rues y sont ouvertes entre le chemin de côte et la rivière. Déjà, vers 1840, le village compte une centaine de maisons. La chapelle est remplacée en 1845 par l’église actuelle, bâtie à proximité sur la rue principale. En 1860, le village de Sainte-Geneviève se détache de sa campagne pour former une entité administrative distincte : la municipalité du village de Sainte-Geneviève (plus tard la ville de Sainte-Geneviève). Le territoire de la paroisse à l’extérieur du village devient quant à lui la municipalité de paroisse de Sainte-Geneviève (la future ville de Pierrefonds).

Comme le montre un plan ancien de 1879, le chemin de côte se développe comme chemin principal du village de Sainte-Geneviève, et sur ses abords s’élèvent les bâtiments institutionnels. C’est environ à cette époque que le couvent de Sainte-Anne, construit en 1851, est remplacé par un édifice plus grand (1871). Quelques années plus tard, le collège Saint-Joseph (1881), qui deviendra le noviciat de la communauté de Sainte-Croix, est érigé à l’est de l’église. Bordée de trottoirs de bois, la voie est macadamisée vers 1890. Le village prend de l’expansion puisqu’en 1900 on y recense 146 maisons et 735 habitants, dont de nombreux artisans — maçon, forgeron, cordonnier, boulanger ou hôtelier.

En 1904, le village est scindé en deux parties : la municipalité du village de Sainte-Geneviève et la municipalité du village de Sainte-Geneviève-de-Pierrefonds. Selon les souvenirs de résidants, cette division avait des inconvénients puisque le chemin principal était macadamisé dans une municipalité et pas dans l’autre.

Environ à la même époque, l’arrivée de l’automobile, qui déloge progressivement les voitures à chevaux sur les routes, nécessite quelques travaux sur le chemin principal. Vers 1910, des garde-corps sont installés sur les ponts, la surface est macadamisée et les fossés sont refaits. En 1912, une limite de vitesse est imposée sur la rue principale, où les voitures ne pourront pas circuler à plus de neuf milles à l’heure. Des panneaux l’indiquent aux extrémités du village. La même année, les trottoirs en bois cèdent la place à des trottoirs en ciment afin « d’inviter l’étranger à venir habiter notre municipalité, en remplaçant des trottoirs en bois qui sont un véritable casse-cou », selon le Conseil municipal. Deux ans plus tard, la chaussée est asphaltée, puis la voie est éclairée à l’électricité à partir de 1916.

En ce début du 20e siècle, le village accueille une nouvelle population de passage, composée de citadins qui viennent séjourner durant un jour ou même tout l’été à Sainte-Geneviève. L’expansion de la villégiature entraîne la construction de quelques chalets et maisons d’été dans le secteur. Certains estivants logent aussi à l’hôtel Guilbeault, alors que d’autres louent des maisons. De plus, leur venue contribue au développement du village notamment par l’augmentation de la demande en produits alimentaires, qui amène l’ouverture de commerces.

Le boulevard Gouin à Sainte-Geneviève, s.d. Agrandir Le boulevard Gouin à Sainte-Geneviève, s.d.
Source : Collection de cartes postales, BAnQ, 0002635227

Vers 1924, le chemin principal de Sainte-Geneviève, comme l’ensemble du chemin ancien qui parcourt le nord de l’île, devient la route 37 et son entretien relève désormais du gouvernement provincial. C’est probablement à cette époque que la route acquiert le nom de boulevard Gouin, comme son prolongement à l’est dans les quartiers Cartierville, Bordeaux, Ahuntsic et Sault-au-Récollet. Durant la crise économique des années 1930, des travaux effectués dans le cadre de programmes d’aide aux chômeurs permettent l’élargissement de la voie dans Sainte-Geneviève et le redressement de certaines de ses courbes. En 1935, les deux municipalités de village se réunifient sous le nom de Sainte-Geneviève-de-Pierrefonds puis, en 1959, le village acquiert le statut de ville et adopte le nom de Sainte-Geneviève. La ville connaît un important développement au cours des années 1950 et 1960 avec l’aménagement de nouvelles rues, le lotissement de terrains et la construction de maisons qui densifient l’occupation des terrains en bordure du boulevard Gouin. Aujourd’hui, la plupart des constructions anciennes se trouvent sur cette rue, qui conserve toujours des airs de chemin de village.

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Pour en savoir plus

Monographies

LINTEAU, Paul-André. Histoire de Montréal depuis la Confédération. Montréal, Boréal, 1992, 627 p.

LOCAS, Marc. La « côte Sainte-Geneviève »… cent ans plus tard, 1900-2000 [Pierrefonds, M. Locas], 1999, 173 p.

LOCAS, Marc. Sainte-Geneviève, ses quatre saisons [Pierrefonds, M. Locas], 1981, 174 p.

Documents électroniques et sites Web

SERVICE DE LA MISE EN VALEUR DU TERRITOIRE ET DU PATRIMOINE, BUREAU DU PATRIMOINE, DE LA TOPONYMIE ET DE L’EXPERTISE. Évaluation du patrimoine urbain. Arrondissement de L’Île-Bizard—Sainte-Geneviève—Sainte-Anne-de-Bellevue. Montréal, Ville de Montréal, 2005, 55 p. [En ligne].

SERVICE DE LA MISE EN VALEUR DU TERRITOIRE ET DU PATRIMOINE, BUREAU DU PATRIMOINE, DE LA TOPONYMIE ET DE L’EXPERTISE. Grand répertoire du patrimoine bâti de Montréal [En ligne].

SOCIÉTÉ PATRIMOINE ET HISTOIRE DE L'ÎLE BIZARD ET DE SAINTE-GENEVIÈVE. Notre patrimoine [En ligne].

Autres

LE GROUPE INTÉGRATION, Michelle BENOÎT et Roger GRATTON. La côte du Bord-de-l’eau. Sainte-Geneviève,Ville de Sainte-Geneviève, 1987, 8 p.