Territoire riverain : Beaconsfield, Pointe-Claire et Dorval

Le territoire riverain de Beaconsfield, Pointe-Claire et Dorval se concentre autour du chemin ancien, qui prend tantôt le nom de rue Lakeshore, tantôt de chemin du Bord-du-Lac. Ce secteur comprend aussi les îles et îlots qui baignent dans le lac Saint-Louis, dont l’île Dorval.

Une succession de résidences d’époques diverses caractérise ce territoire et témoigne des différentes étapes d’occupation des rives. En son centre se trouve la destination patrimoniale du vieux village de Pointe-Claire. Bien qu’il soit fort probable que les berges aient été fréquentées par des groupes amérindiens avant l’arrivée des Européens, les recherches archéologiques n’ont pas permis à ce jour d’en découvrir des vestiges. D’anciennes maisons de ferme rappellent la vocation agricole du territoire du 18e jusqu’à la première moitié du 20e siècle, tandis que les anciennes villas d’été et les clubs nautiques attestent l’intérêt de la bourgeoisie d’affaires montréalaise pour ce lieu de villégiature. Les attraits sont regroupés sur le tracé sinueux du chemin ancien, qui offre des percées visuelles exceptionnelles sur le lac Saint-Louis.

Un lieu stratégique pour la défense de la colonie

Au cours de la seconde moitié du 17e siècle, tout l’ouest de l’île de Montréal joue un rôle militaire et commercial hautement stratégique dans l’établissement et la défense de la colonie française et pour le commerce des fourrures. Les sulpiciens, seigneurs de l’île de Montréal, concèdent des fiefs à des nobles ou à des militaires afin qu’ils défendent le territoire au besoin. La Grande Anse (baie de Valois) a été octroyée en 1657 à Jean de Saint-Perre. Près de vingt ans plus tard, les sulpiciens ont implanté une mission nommée Gentilly sur la plus grande des îles Courcelles (future île Dorval), mais il semble qu'elle soit rapidement abandonnée au profit du fort dit de La Présentation sur les rives de ce qui deviendra Dorval. Une chapelle y aurait été construite. Bien qu’un fort soit représenté sur une carte ancienne de 1744, aucune trace ou preuve concluante de cette mission ou de sa localisation n’a été trouvée, ce qui amène les historiens à remettre en question son existence.

Plan du secteur de Pointe-Claire, 1744 Agrandir Plan du secteur de Pointe-Claire, 1744
Source : Jacques Nicolas Bellin, Carte de l’isle de Montréal et de ses environs (détail), BAnQ, G 3452 M65 1744 B4 CAR

Prévoyant ouvrir le territoire à la colonisation, les sulpiciens le divisent en côtes formées d’une suite de bandes de terres étroites et profondes ayant front sur le lac Saint-Louis. À partir de 1678, des colons arrivent pour défricher et cultiver les terres, dont celle appelée pointe à Quenet (plus tard la pointe Beaurepaire), qui revient à Jean Quenet. Toutefois, des attaques iroquoises menées en 1689, en raison principalement de la concurrence liée au commerce des fourrures et en réponse au déploiement des Français vers l’ouest, freinent la colonisation durant la fin du XVIIe siècle. Ainsi, bien que le lotissement du littoral soit achevé en 1698, les terres sont peu occupées à cause de ces escarmouches.

Une fois la paix rétablie sur l’île de Montréal, au début du 18e siècle, les colons regagnent leur terre et se vouent à l’agriculture. Des maisons de ferme sont bâties face au lac Saint-Louis, les cours d’eau servant alors de voie de transport. Le premier chemin terrestre est ouvert au tout début du XVIIIe siècle par suite d’une ordonnance royale. Son tracé traverse l’ensemble des terres agricoles de La Présentation (Dorval) jusqu’à l’extrémité ouest de l’île, longeant les rives du lac Saint-Louis à une certaine distance. À cette époque, les habitants sont rattachés à la paroisse Saint-Joachim de Pointe-Claire (1713). Ils vont au village de Pointe-Claire faire moudre leur blé au moulin banal et assister à la messe à l’église, la chapelle érigée à La Présentation ne semblant plus être utilisée. Jusqu’au 19e siècle, l’île Dorval sert à la coupe du bois et comme halte pour les voyageurs qui se rendent dans la région des Grands Lacs.

Un lieu recherché pour la villégiature

Résidence d’été à Dorval, 1880 Agrandir Résidence d’été à Dorval, 1880
Source : Anonyme, Musée McCord, Montréal, MP-0000.218

Le territoire est essentiellement consacré à l’agriculture jusqu’à la seconde moitié du 19e siècle. En 1855, l’arrivée du chemin de fer dans l’ouest de l’île le rend plus accessible de Montréal. Grâce au train, le trajet qui prenait auparavant près de quatre heures par la route se fait désormais en moins d’une heure. À l’instar de la majorité des territoires riverains de l’île de Montréal, le paysage champêtre et la proximité du lac Saint-Louis font du secteur un lieu de villégiature recherché à la fin du 19e siècle. Aux familles de cultivateurs d’origine canadienne-française viennent s’ajouter des familles montréalaises aisées majoritairement anglophones qui acquièrent la partie sud des terres agricoles, en bordure de l’eau, pour s’y faire construire de grandes villas d’été.


 

Presbytère et église de Dorval, vers 1910 Agrandir Presbytère et église de Dorval, vers 1910
Source : Musée McCord, Montréal, MP-0000.901.1

Certains riches hommes d’affaires achètent des fermes ou convertissent leur terre en ferme pour s’en faire un domaine de gentleman farmer, tel Charles Wesley MacLean, propriétaire de la résidence Mull Hall (renommée Stewart Hall). D’anciennes maisons de ferme, comme celle de Paul-Urgèle Valois, sont transformées en résidences d’été, alors que d’autres sont démolies pour faire place aux maisons des nouveaux arrivants. À Beaconsfield, des ensembles de cottages de vacanciers sont bâtis notamment par les architectes Henry Menzies et Francis Upton. Le lac Saint-Louis fait de ce territoire un site exceptionnel pour la pratique d’activités nautiques, comme en témoigne le club de yacht de Pointe-Claire, fondé en 1889. La villégiature devient à cette époque si importante que la population de Beaconsfield, qui s’élève à 375 habitants en 1910, triple durant la saison estivale.

Le village de Dorval, qui tient son nom de Jean-Baptiste Bouchard, sieur Dorval, ancien propriétaire du domaine La Présentation et de ses îles, prend tranquillement forme autour de l’intersection du chemin du Bord-du-Lac et de l’avenue Martin. Un noyau institutionnel s’établit un peu plus au nord, composé de l’église de La Présentation, du presbytère, du couvent Notre-Dame du Sacré-Cœur et de l’école Joubert. Le village offre alors plusieurs services aux villégiateurs et agriculteurs des environs.

Le développement résidentiel en banlieue

L’arrivée du train permet également le développement du territoire. Au début du 20e siècle, la population estivale, attirée par la villégiature, est graduellement remplacée par des résidants permanents. Plusieurs veulent profiter des nouveaux développements résidentiels et s’y installent à l’année puisqu’ils peuvent aller travailler en ville grâce au train. La population du secteur augmente peu à peu. Dorval est incorporée en ville en 1903 puis, en 1910, Beaconsfield devient à son tour une municipalité. Les activités de villégiature et les activités agricoles cohabitent avec les nouveaux développements et se poursuivent jusqu’au milieu du 20e siècle. Les banlieusards viennent d’abord s’établir à Dorval et Pointe-Claire, plus proches de Montréal, et à Beaconsfield plus tardivement, soit au milieu du 20e siècle. Après la Seconde Guerre mondiale, les dernières terres agricoles sont loties pour la construction de résidences et de nouvelles rues sont tracées.

retour

Pour en savoir plus

Ouvrages généraux

BAIRD, Robert L. et Gisèle HALL. Beaconsfield et Beaurepaire. Une chronique de l’expansion de la ville de Beaconsfield et du secteur de Beaurepaire. Sainte-Anne-de-Bellevue, Imprimerie Harpell Printing Inc., 1998, 143 p.

DAGENAIS, Michèle. Montréal et l’eau : une histoire environnementale. Montréal, Boréal, 2011, 306 p.

DUVAL, André. Dorval : trois siècles d’histoire. Dorval, Cité de Dorval, 1989, 335 p.

LINTEAU, Paul-André. Histoire de Montréal depuis la Confédération. Montréal, Boréal, 1992, 613 p.

MARSAN, Jean-Claude. Montréal en évolution : historique du développement de l’architecture et de l’environnement urbain montréalais. Montréal, Éditions du Méridien, 1994 (1974), 515 p.

ROBERT, Jean-Claude. Atlas historique de Montréal. Montréal, Art Global/Libre Expression, 1994, 167 p.

Documents électroniques et sites Web

MINISTÈRE DE LA CULTURE, DES COMMUNICATIONS. Répertoire du patrimoine culturel du Québec [En ligne].

SOCIÉTÉ HISTORIQUE DE DORVAL. Guide patrimonial de Dorval [En ligne].

SOCIÉTÉ POUR LA SAUVEGARDE DU PATRIMOINE DE POINTE-CLAIRE. [En ligne].

VILLE DE MONTRÉAL, SERVICE DE LA MISE EN VALEUR DU TERRITOIRE ET DU PATRIMOINE. Évaluation du patrimoine urbain. Arrondissement de Beaconsfield—Baie-d’Urfé. Montréal, Ville de Montréal, 2005, 53 p. [En ligne].

VILLE DE MONTRÉAL, SERVICE DE LA MISE EN VALEUR DU TERRITOIRE ET DU PATRIMOINE. Évaluation du patrimoine urbain. Arrondissement de Dorval-L’Île-Dorval. Montréal, Ville de Montréal, 2005, 51 p. [En ligne].

VILLE DE MONTRÉAL, SERVICE DE LA MISE EN VALEUR DU TERRITOIRE ET DU PATRIMOINE. Évaluation du patrimoine urbain. Arrondissement de Pointe-Claire. Montréal, Ville de Montréal, 2005, 55 p. [En ligne].

VILLE DE MONTRÉAL, SERVICE DE LA MISE EN VALEUR DU TERRITOIRE ET DU PATRIMOINE. Grand répertoire du patrimoine bâti de Montréal [En ligne].

Brochures

DES ROCHERS, Jacques. Un lieu nommé Pointe-Claire. Guide d’excursion patrimoniale. S.l., s.n., 2000, 32 p.

SOCIÉTÉ POUR LA SAUVEGARDE DU PATRIMOINE DE POINTE-CLAIRE. À la pointe claire, s.n., 2005, 49 p.