Territoire riverain : Senneville, Sainte-Anne-de-Bellevue et Baie-D’Urfé

Le territoire riverain de Senneville, Sainte-Anne-de-Bellevue et Baie-D’Urfé, situé à la pointe ouest de l’île de Montréal, suit le chemin bordant le lac des Deux-Montagnes et le lac Saint-Louis entre le ruisseau de l’Anse-à-l’Orme et la limite avec Beaconsfield.

Ce secteur compte des éléments datant du Régime français, tels que les vestiges du fort Senneville et le moulin Senneville. En son centre, on retrouve le canal de Sainte-Anne et de nombreuses maisons villageoises formant la destination patrimoniale de Sainte-Anne-de-Bellevue. Tout autour, le territoire se caractérise par de grandes résidences implantées sur de vastes domaines, dont celui du Bois-de-la-Roche qui fait partie de la destination patrimoniale des grands parcs de l'ouest de l'île. Les attraits patrimoniaux sont reliés par le chemin ancien, qui prend tantôt le nom de chemin de Senneville, tantôt Sainte-Anne ou Lakeshore.

Le fief Senneville

Plan de la paroisse de Sainte-Anne, 1834 Agrandir Plan de la paroisse de Sainte-Anne, 1834
Source : André Jobin, Carte de l’île de Montréal (détail), BAnQ, G 3452 M65 1834 J63 CAR

Au cours de la seconde moitié du 17e siècle, l’extrémité ouest de l’île est un lieu stratégique pour le commerce des fourrures et la défense de la colonie française. Dans le but d’assurer la protection du territoire, des fiefs sont concédés dès 1671 à des militaires, dont le fief Boisbriant et le fief Bellevue. En 1683, Jacques Le Ber, marchand de fourrures, détient la totalité du fief Boisbriant et le renomme Senneville en mémoire de son village natal en France. Vers 1686, il y fait ériger un moulin à vent fortifié, suivant une politique des autorités coloniales pour encourager le peuplement de cette partie de l’île.

Quelques terres sont accordées à des colons, mais l’agriculture est peu pratiquée à cette époque, le commerce illégal des fourrures étant beaucoup plus rentable. Le moulin est détruit en 1691 lors d’une attaque iroquoise. Reconstruit en 1700 puis transformé en 1899, il est aujourd’hui l’une des plus anciennes structures défensives encore présentes sur l’île de Montréal.

Une mission sulpicienne à Baie-D’Urfé

Ruines du moulin Le Ber, vers 1895 Agrandir Ruines du moulin Le Ber, vers 1895
Source : Wm. Notman & Son, Musée McCord, Montréal, VIEW-3018

Plus au sud, les sulpiciens fondent la mission Saint-Louis-du-Haut-de-l’Île sur une pointe de terre appelée Saint-Louis (aujourd’hui la pointe à Caron) en vue de peupler le territoire. Ils y font ériger une chapelle en 1686 et quelques colons s’installent sur des terres avoisinantes. À cette date, la paroisse de Saint-Louis-du-Haut-de-l’Île, dirigée par le prêtre François d’Urfé, couvre tout le territoire actuel de Senneville, Sainte-Anne-de-Bellevue et Baie-D’Urfé. On sait bien peu de choses sur cette chapelle indiquée sur une carte de 1702 et démolie vraisemblablement au début du 18e siècle. En raison des raids iroquois, la mission prend fin abruptement en 1687 et le site est abandonné jusqu’au début du siècle suivant, ce qui suspend le timide développement de l’ouest de l’île. Des vestiges de la mission sulpicienne ont été découverts en 1989.

Commerce des fourrures et agriculture

La concession de terres dans l’ouest de l’île reprend lors du retour de la paix en 1698, officialisé en 1701 par la signature de la Grande Paix entre les nations amérindiennes et les autorités coloniales françaises. Au début du 18e siècle, le territoire est divisé en terres étroites et profondes ayant front sur le lac des Deux-Montagnes ou le lac Saint-Louis. Elles sont octroyées à des colons qui les défrichent et les cultivent. En 1706, une ordonnance royale oblige les propriétaires terriens à ouvrir et entretenir un chemin reliant les terres. Cette route, la toute première de l’ouest de l’île, est maintenue jusqu’à aujourd’hui sur la plus grande partie de son tracé.

Mme Girdwood au fort Senneville, 1866 Agrandir Mme Girdwood au fort Senneville, 1866
Source : Dr. G. P. Girdwood, Musée McCord, Montréal, MP-1995.28.1

Bien que les terres soient cultivées, le commerce des fourrures continue d’être une activité importante au cours des 18e et 19e siècles. Entre 1702 et 1706, Jacques Le Ber de Senneville, fils de Jacques Le Ber, fait ériger sur le fief de son père un poste de traite défensif, connu sous le nom de fort de Senneville. Il est construit à un endroit stratégique, au confluent de la rivière des Prairies, de la rivière des Outaouais et du fleuve Saint-Laurent, sur la route empruntée par les Amérindiens pour le commerce des fourrures. Incendié lors de l’invasion américaine en 1776 et aujourd’hui situé sur une propriété privée, le fort est l’un des rares vestiges du commerce des fourrures à cette époque.

Même si la plupart des terres sont concédées à des colons au cours de la première moitié du 18e siècle, c’est surtout au début du 19e siècle qu’elles sont occupées et cultivées. Dès lors, des maisons de ferme et leurs dépendances sont bâties en bordure du chemin riverain.

Le canal de Sainte-Anne et la naissance d’un village

Avec le retour de la paix, le registre de Saint-Louis-du-Haut-de-l’Île est rouvert en 1703 et la paroisse renommée Sainte-Anne-du-Bout-de-l’Île. Au centre du territoire, un noyau villageois prend forme autour de la nouvelle église paroissiale, érigée en 1714.

Entre 1840 et 1843, la construction des écluses et du canal de Sainte-Anne permet de contourner les rapides et de relier facilement Montréal à Bytown (Ottawa) et à Kingston. Au cours du 19e siècle, le canal sert principalement au transport du bois. Porte d’entrée de l’Outaouais, il est l’une des voies de communication les plus importantes au pays et la base du développement de Sainte-Anne-de-Bellevue, constituée en municipalité de village en 1878, puis en ville en 1895.

L’attrait des berges et la villégiature

Durant la seconde moitié du 19e siècle, en raison de l’arrivée du chemin de fer et du cadre champêtre pittoresque de cette partie de l’île, ses rives deviennent un lieu de villégiature recherché. Des gares voient le jour à Baie-D’Urfé et à Sainte-Anne-de-Bellevue, tandis que des résidences d’été, des clubs nautiques, des chalets et des hôtels viennent border le chemin riverain. Les parties riveraines des anciennes terres agricoles sont subdivisées pour accueillir de somptueuses maisons d’été, dont certaines conçues par des architectes de renom.

Résidence John Launcelot Todd, vers 1987 Agrandir Résidence John Launcelot Todd, vers 1987
Source : Dossiers de recherche, Ville de Montréal

Leurs vastes terrains plantés d’arbres confèrent un caractère rural au territoire. De Sainte-Anne-de-Bellevue, un voyageur peut rejoindre Senneville rapidement en calèche. Le secteur attire surtout les membres de l’élite économique et politique montréalaise, qui acquièrent des terrains au bord de l’eau pour s’en faire une propriété de villégiature. Certains gentleman farmers, tel Louis-Joseph Forget, achètent des fermes pour créer de vastes domaines, profiter d’un environnement pur et sain et expérimenter de nouvelles techniques de culture et d’élevage. En 1895, la municipalité de Senneville est constituée à partir d’une portion du territoire de la paroisse de Sainte-Anne-de-Bellevue. En 1911, la ville de Baie-D’Urfé est incorporée.

L’édification du campus du collège MacDonald à l’extrémité est de Sainte-Anne-de-Bellevue accélère le développement de cette localité et de Baie-D’Urfé. Des maisons sont bâties pour loger les ouvriers et de nouvelles rues sont ouvertes. À partir des années 1950, le territoire de Baie-D’Urfé connaît une forte croissance. Les fermes sont toutes loties pour la construction résidentielle. Au cours de cette période, des familles s’installent pour l’année entière, le train étant assez efficace pour assurer le transport quotidien des travailleurs en ville. À Senneville, le cadre bâti change relativement peu durant tout le 20e siècle.

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Pour en savoir plus

Ouvrages généraux et monographies

BÉLISLE, Michel. Sainte-Anne-de-Bellevue. 300 ans de présence : 1703-2003. Montréal, 2003, Sainte-Anne-de-Bellevue, 244 p.

LELIÈVRE, Francine, dir. Montréal, par ponts et traverses. Montréal, Pointe-à-Callière, Musée d’archéologie et d’histoire de Montréal, Éditions Nota bene, 1999, 94 p.

Documents électroniques et sites Web

HÉRITAGE MONTRÉAL. Montréal en quartiers. Vieux-Sainte-Anne-de-Bellevue [En ligne].

MINISTÈRE DE LA CULTURE, DES COMMUNICATIONS ET DE LA CONDITION FÉMININE. Répertoire du patrimoine culturel du Québec [En ligne].

PARCS CANADA. Lieu historique national du Canada du Canal-de-Sainte-Anne-de-Bellevue [En ligne].

VILLE DE MONTRÉAL, SERVICE DE LA MISE EN VALEUR DU TERRITOIRE ET DU PATRIMOINE. Grand répertoire du patrimoine bâti de Montréal [En ligne].

VILLE DE MONTRÉAL, SERVICE DE LA MISE EN VALEUR DU TERRITOIRE ET DU PATRIMOINE. Répertoire des propriétés municipales d’intérêt patrimonial [En ligne].

VILLE DE MONTRÉAL, SERVICE DE LA MISE EN VALEUR DU TERRITOIRE ET DU PATRIMOINE. Évaluation du patrimoine urbain. Arrondissement de Pierrefonds-Senneville. Montréal, Ville de Montréal, 2005, 55 p. [En ligne].

VILLE DE MONTRÉAL, SERVICE DE LA MISE EN VALEUR DU TERRITOIRE ET DU PATRIMOINE. Évaluation du patrimoine urbain. Arrondissement de l’Île-Bizard—Sainte-Geneviève—Sainte-Anne-de-Bellevue. Montréal, Ville de Montréal, 2005, 55 p. [En ligne].

VILLE DE MONTRÉAL, SERVICE DE LA MISE EN VALEUR DU TERRITOIRE ET DU PATRIMOINE. Évaluation du patrimoine urbain. Arrondissement de Beaconsfield—Baie-d’Urfé. Montréal, Ville de Montréal, 2005, 53 p. [En ligne].