Les cours d’eau pour commercer
et s’établir

Avant la construction des chemins carrossables, les cours d’eau au pourtour de l’île de Montréal servent de voies de transport et de communication. Leur configuration (profondeur, débit, etc.) et le caractère favorable du relief influencent le choix de l’emplacement des premiers établissements français et des échanges entre les communautés.

L’eau, vecteur du commerce des fourrures

Représentation du fort de Ville-Marie vers 1650, réalisée en 1884 Agrandir Représentation du fort de Ville-Marie vers 1650, réalisée en 1884.
Source : Pierre-Louis Morin, Le fort de Ville-Marie, dans Le Vieux-Montréal : 1611-1803, (extrait), BAnQ 174410

Pour plusieurs des premiers visiteurs européens, l’île de Montréal possède d’abord un attrait commercial en raison de sa situation géographique avantageuse. Lorsque Samuel de Champlain explore l’île en mai 1611, il désigne la place Royale (aujourd’hui Pointe-à-Callière) comme premier lieu d’établissement dans le but éventuel d’y faire le commerce des fourrures. Il défriche l’endroit sans pour autant mener ses projets à terme. Au cœur des réseaux du commerce des fourrures, principale ressource économique du continent, la place Royale sera plus tard fréquentée par des Amérindiens, des commerçants et des trappeurs.

Il faut attendre la venue de Paul Chomedey de Maisonneuve et de Jeanne Mance durant l’été 1642 pour voir naître un établissement permanent au bord du fleuve. Les fondateurs de Montréal ont comme but premier la conversion des Amérindiens à la religion catholique. Cependant, c’est le commerce des fourrures, et non la mission religieuse, qui contribue le plus à la survie et au développement de Montréal, aussi nommé Ville-Marie. Les Amérindiens arrivent en canot durant l’été pour échanger des fourrures contre des produits européens (outils en fer, verre, alcool, etc.).

Représentation du fort Rémy en 1689, réalisée vers 1893.4 Agrandir Représentation du fort Rémy en 1689, réalisée vers 1893.
Source : Collection Musée Stewart, Montréal

Les voies d’eau servent également de routes en temps de guerre. C’est le cas de la période des guerres iroquoiennes au début de la colonisation française, de 1641 à 1701. Avec l’arrivée des Européens, la traite des fourrures devient vitale pour les Amérindiens; les biens en provenance d’Europe font alors partie intégrante de leur mode de vie. De leur côté, les Européens ont besoin des Amérindiens pour la trappe puis le transport des fourrures. Une relation de dépendance s’installe entre les deux parties. Dans ce commerce, les Français s’associent aux Algonquiens et aux Hurons, tandis que les Hollandais font équipe avec les Iroquoiens. Ces derniers, technologiquement avantagés par la possession de fusils, attaquent les postes de traite établis le long du fleuve Saint-Laurent et de la rivière des Outaouais. Les habitants de la région montréalaise construisent des installations fortifiées le long des cours d’eau afin de protéger leur territoire. Le moulin fortifié de Senneville et les vestiges de la palissade du fort de Pointe-aux-Trembles témoignent de cette période. L’occupation du territoire s’effectue donc la plupart du temps dans un but défensif.

Le bord de l’eau, point d’ancrage des premiers établissements

Carte de l’île de Montréal montrant les premiers villages, 1744 Agrandir Carte de l’île de Montréal montrant les premiers villages, 1744
Source : Jacques Nicolas Bellin, Carte de l’isle de Montréal et de ses environs, BAnQ, G 3452 M65 1744 B4 CAR

La construction d’un fort en bordure d’un cours d’eau permet une meilleure surveillance des lieux et incite les premiers agriculteurs à s’installer à proximité. Les noyaux villageois en territoire montréalais naissent donc le plus souvent en bordure du Saint-Laurent ou de la rivière des Prairies.

Durant le Régime français, l’île de Montréal est une seigneurie appartenant aux Messieurs du Séminaire de Saint-Sulpice de Paris. Devant la menace des Iroquoiens, les terres sont attribuées sur le pourtour de l’île afin d’assurer une présence humaine sur les rivages, zones vulnérables aux attaques. Pendant longtemps, la majorité des terres concédées prennent la forme de bandes rectangulaires étroites et profondes s’étendant du bord de l’eau jusqu’au cœur de l’île. Ces unités d’établissement portent le nom de « côtes », l’équivalent du rang ailleurs au Québec. Graduellement, tout le rivage de l’île est façonné en côtes portant des noms distincts.

Les côtes sont reliées par le chemin riverain peu à peu tracé en front de terre, mais aussi par des routes à l’intérieur de l’île appelées « montées ». Les terres agricoles, le chemin riverain et les montées composent la trame sur laquelle s’articule le développement villageois : église paroissiale, maisons de ferme, etc. Graduellement, de petites agglomérations se forment près de ces voies de circulation et les paroisses sont érigées par la suite. La première, sur le rivage de l’île, est fondée à Pointe-aux-Trembles en 1674. Si la côte représente l’unité d’organisation territoriale, la paroisse, elle, constitue le cœur de la vie sociale avec l’église comme lieu central du village. C’est autour de cet édifice que s’établissent les boutiques d’artisans et les commerces. Depuis le Régime français, les villages anciens ont pris de l’expansion pour parfois devenir des municipalités autonomes. Aujourd’hui rejoints et encerclés de toutes parts par l’urbanisation, ces noyaux villageois continuent d’être clairement perceptibles dans la trame urbaine et possèdent toujours une identité propre.

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