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| Les rivages, espaces de bien-être et de loisirs
D’abord destinées à l’établissement des premiers habitants, les berges de l’île de Montréal sont plus tard fréquentées comme lieux de villégiature et de loisirs.
L’environnement et l’hygiène publique
Au début du 19e siècle en Occident, la croyance veut que les maladies et les épidémies soient avant tout liées à l’insalubrité du milieu urbain. La promiscuité dans certains quartiers ouvriers, où l’on s’entasse souvent à plusieurs dans de petits logements, constitue un réel problème. L’absence de système d’égout et de collecte des déchets amène saleté et odeurs nauséabondes. Ironiquement, la mauvaise hygiène de vie – alimentation déficiente, fatigue, longues heures de travail des ouvriers – n’est pas perçue comme cause de maladie. C’est plutôt l’environnement urbain qui en est tenu responsable.
À l’opposé, la campagne en tant que vaste environnement sain représente à l’époque la possibilité de fuir les graves problèmes de la ville. À Montréal, la campagne et son apparente pureté attirent les institutions de santé. Plusieurs hôpitaux et sanatoriums, tel l’hôpital du Sacré-Cœur, s’établissent à partir de la fin du 19e siècle en périphérie de la ville, souvent près des rivages.
La villégiature des classes bourgeoises
La Révolution industrielle dans laquelle l’Amérique du Nord s’engage à partir des années 1830 apporte des transformations sans précédent au milieu urbain et au mode de vie. La population de l’île de Montréal a plus que triplé entre 1815 et 1851 et son territoire s’urbanise massivement à partir des années 1850, ce qui accentue l’insalubrité. Ces transformations alimentent un désir de se réfugier à la campagne. Cette fuite est aussi encouragée par le développement du réseau ferroviaire, qui facilite l’accès aux régions plus éloignées de la ville.
La villégiature (séjour de repos à la campagne) est au départ généralement l’affaire des riches classes sociales majoritairement anglophones. Pour le repos et les loisirs, ces bourgeois privilégient surtout l’ouest de l’île de Montréal et son rivage. Quelques familles francophones aisées choisissent plutôt l’est de l’île pour leurs séjours estivaux.
Les villégiateurs modifient peu à peu le caractère agricole du milieu rural. Cette appropriation du territoire se traduit de diverses façons. Parfois, de luxueuses résidences apparaissent sur la portion riveraine de terres agricoles. Il arrive aussi que les villégiateurs acquièrent des maisons de ferme pour les mettre au goût du jour. Dans certains cas, ils font même l’achat de terres agricoles entières afin de les cultiver ou d’y pratiquer l’élevage d’animaux. Ces gentlemen farmers emploient alors la population locale pour travailler sur leurs terres.
Les citadins cherchent à adapter le milieu rural à leur mode de vie; ils y introduisent les commodités de la ville ainsi qu’un nouveau rapport au temps. L’industrialisation en plein essor à ce moment-là amorce des changements irrémédiables dans le rythme de vie et de travail. La cadence s’en trouve accélérée et l’organisation du temps très structurée. Afin de meubler leurs vacances, les villégiateurs pratiquent des loisirs. Dès la fin du 19e siècle, clubs et associations sportives prolifèrent et les activités se diversifient. La navigation de plaisance, le golf et l’équitation sont parmi les plus populaires. Des marinas et des country clubs prennent place en bordure de l’eau, surtout dans l’ouest de l’île. Les rives du lac Saint-Louis comptent d’ailleurs encore aujourd’hui plusieurs de ces installations.
Avec l’arrivée de ces occupants saisonniers et la construction de luxueuses demeures et d’installations de plaisance, fermiers et villageois voient leur environnement se modifier considérablement. Leurs relations avec les vacanciers sont parfois houleuses. Néanmoins, certains agriculteurs réussissent à tirer profit de cette cohabitation en vendant leurs denrées aux villégiateurs.
Des congrégations religieuses convoitent également le cadre paisible de la campagne et du rivage montréalais, et elles s’y établissent dans le but d’offrir des lieux de recueillement à leurs membres. C’est dans cet esprit que, jusque vers la fin du 20e siècle, certaines communautés font l’achat de grandes propriétés. Par exemple, les jésuites achètent en 1951 la maison Ogilvie, à Pierrefonds, pour la convertir en lieu de retraite fermée.
Les parcs d’attractions, un loisir accessible à tous
La fin du 19e siècle marque les débuts du loisir commercialisé sur l’île de Montréal avec l’ouverture de parcs d’attractions et de divertissement. Les rives montréalaises regorgent de sites champêtres accueillants pour ce type d’activités. Le premier du genre, le parc Sohmer, situé près de l’actuelle tour de Radio-Canada, ouvre en 1889. Un incendie en force toutefois la fermeture en 1919. L’exploitation du parc Dominion débute en 1906 dans l’est de la ville, près du fleuve, à la hauteur de l’avenue Haig. C’est le premier à Montréal à proposer des manèges et des pavillons de curiosités. Son concurrent, le parc Belmont, est inauguré en 1923 sur les berges de la rivière des Prairies à Cartierville. Ces deux lieux d’attractions se font compétition jusqu’en 1937, date de fermeture du parc Dominion. La popularité de La Ronde, lancée en 1967, aura finalement raison du parc Belmont en 1983. Aujourd’hui, un espace vert aménagé à l’emplacement de l’ancienne aire des pique-niques rappelle ce parc.
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Le développement de la banlieue et la démocratisation de la villégiature
Agrandir Groupe de baigneurs, vers 1923 Source : Archives de la Ville de Montréal, SH19, SY, SS5, D1
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À la fin du 19e siècle, un service de tramways est instauré pour desservir les régions périphériques sur l'île. Mis en service entre 1893 et 1916, les tramways entraînent un développement urbain discontinu autour des différentes gares situées, à l'époque, en pleine campagne. Ils suscitent notamment l'intérêt de spéculateurs qui achètent de vastes terres agricoles près des gares pour les lotir. Ces nouveaux développements attirent des cols blancs, des commis, des employés municipaux et des ouvriers qui souhaitent offrir à leur famille un milieu de vie plus sain qu'en ville. La desserte de cette première banlieue par le tramway atteint son apogée entre 1920 et 1945.
La Seconde Guerre mondiale est suivie d'une période de prospérité et d'un déploiement des axes routiers qui rend les rivages de l'île de Montréal encore plus accessibles. Avec l'émergence de la classe moyenne, davantage de gens possèdent une automobile et les déplacements à l'extérieur de la ville s'en trouvent facilités. Plusieurs "cabines" et chalets sont construits près des rives, notamment à Pierrefonds, Dorval et Rivière-des-Prairies.
La villégiature devient une activité de masse au courant des décennies 1960 et 1970. Cette époque marque aussi le début de l'urbanisation massive de la banlieue. Des sites de villégiature deviennent alors des quartiers résidentiels. Pour s'offrir des vacances à la campagne, les citadins doivent dès lors visiter des régions plus éloignées.
L’assainissement des eaux, la réappropriation des berges et la création de parcs en rive
Dès le début du 20e siècle, la qualité de l’eau inquiète les populations qui fréquentent les berges de l’île de Montréal pour la pêche ou la baignade. La pollution causée par les rejets d’égout entraîne une mobilisation citoyenne. À partir des années 1910, des pétitions dénoncent la mauvaise qualité de l’eau et la saleté des berges de la rivière des Prairies. La population locale ainsi que des villégiateurs réclament son assainissement. Les interventions tardent à venir, de sorte que la rivière et le Saint-Laurent sont interdits de baignade durant les années 1930. La crise économique, notamment, ralentit l’implantation de solutions pour remédier au problème, de plus en plus criant.
Agrandir Interdiction de baignade, 1963. Source : Jean Pratte, BAnQ, E6, S7, SS1, D631718
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Dans les années 1960, devant une pollution à la hausse, une prise de conscience écologique prend forme à l’échelle de l’Occident. Les citoyens sont interpellés par la dégradation de leur environnement. On observe aussi ce phénomène à Montréal. Pendant les années 1970, parallèlement aux revendications environnementales, plusieurs actions militantes sont mises en branle pour démocratiser l’accès même à l’eau, un privilège réservé alors aux propriétaires riverains, l’époque de la villégiature ayant entraîné une large privatisation des berges. La création et l’aménagement du parc de la Promenade Bellerive, au courant des années 1960 à 1990, résultent d’ailleurs d’efforts de mobilisation citoyenne et politique pour l’accès au fleuve.
Entre 1976 et 1984, la Communauté urbaine de Montréal (CUM) construit une grande usine d’épuration à la pointe est de l’île de Montréal. À la même époque, les gouvernements fédéral et provincial adoptent des politiques visant la dépollution des cours d’eau. Ces mesures ont un effet considérable sur l’assainissement des eaux qui baignent l’île de Montréal, notamment la rivière des Prairies. De plus, à partir des années 1980, plusieurs parcs sont créés au pourtour de l’île, dont les parcs régionaux du Cap-Saint-Jacques, de l’Île-de-la-Visitation et de la Pointe-aux-Prairies. Aujourd’hui, l’île de Montréal compte 137 km de rives publiques où se trouvent plus de 80 parcs riverains, dont 6 régionaux.
Agrandir Cyclistes au parc-nature du Cap-Saint-Jacques, 2007 Source : Archives de la Ville de Montréal, VM94, 0708191100_image2
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Plus près du centre-ville, les autorités récupèrent une partie des rives où des installations industrielles ont été abandonnées à partir des années 1970, afin de leur substituer des espaces verts et des fenêtres sur les cours d’eau, pour l’ensemble de la population. À cet égard, le réaménagement du Vieux-Port, entre 1990 et 1992, à l’occasion du 350e anniversaire de Montréal, ainsi que la revitalisation des berges du canal de Lachine, notamment entre 1997 et 2002, constituent un important héritage.
Les rives montréalaises sont depuis fort longtemps des lieux privilégiés pour leurs qualités paysagères et leur tranquillité. Aujourd’hui, les parcs en rive offrent à toute la population un cadre de qualité pour apprécier l’insularité montréalaise et de découvrir sa riche histoire naturelle et humaine.
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