Rue ontario
Accueil > Index des rues > L – O > Rue Ontario > Rue Saint-Hubert
La rue Ontario et ses intersections

De la rue Saint-Hubert à la rue Frontenac

En 1842, un banquier de Kingston, John S. Cartwright, et le marchand James Bell Forsyth lotissent une partie de l’ancienne terre de Sir John Johnson (1741-1830) qu’ils viennent d’acheter et qui s’étend de la rue Notre-Dame jusqu’à la hauteur du futur boulevard Saint-Joseph. Ils prévoient le tracé d’une rue perpendiculaire au fleuve, la rue Colborne (devenue De Lorimier), et de plusieurs autres rues transversales auxquelles ils donnent des noms, et en particulier, ceux de trois des Grands Lacs canadiens : Érié, Huron et Ontario (rappelons que la province d’Ontario n’existe pas avant 1867).

C’est donc le lieu de naissance de la rue. Le bâti urbain progresse d’ailleurs plus rapidement entre la rue Fullum et l’avenue De Lorimier. Plus à l’ouest, une pétition demandant l’assèchement d’un marais nauséabond, situé au pied de la terrasse de la rue Sherbrooke, pousse la Ville à aménager la voie et ses canalisations entre les rues Saint-Hubert et Fullum durant la décennie 1870, rejoignant ainsi le lotissement à l’origine de la rue. Le tronçon s’étend vers l’est et les terrains sont presque tous construits au début du XXe siècle.

Entre les rues Saint-Hubert et Papineau, se situe le cœur de la Terrasse Ontario, partie du Centre-Sud. Cet ensemble résidentiel est caractérisé par des constructions en brique ou en pierre, généralement sans retrait de la rue, de deux ou trois étages, certaines dotées d’une décoration élaborée en façade. Cette zone fait l’objet d’un important programme de réhabilitation et de reconstruction résidentielles, amorcé durant les années 1970. De plus, elle est très touchée lors du « week-end rouge » de 1974, alors qu’à la faveur d’une grève des pompiers, de nombreux incendies, la plupart d’origine criminelle, détruisent plusieurs maisons.

Une importante population ouvrière trouve de l’emploi dans les manufactures des anciens quartiers Saint-Jacques et Sainte-Marie. Ateliers d’usinage, de carrosserie, tanneries, fabriques de colle, manufactures de vêtements et de chaussures sont disséminés dans les rues transversales. Le long de la rue Ontario, se trouvent la manufacture de chaussures Aird & Sons, angle rue Labrecque (1912), l’imprimerie Montreal Litho (1896), au coin de l’avenue Papineau et l’entreprise McDonald Tobacco (1876), à la rue D’Iberville, située à cheval sur le territoire de Montréal et du Village d’Hochelaga (1870, devenu ville et annexé à Montréal en 1883). Après 1960, la concurrence étrangère et l’ancienneté des installations affaiblissent grandement le secteur manufacturier, ce qui appauvrit la population.

Le commerce de détail demeure bien présent, particulièrement entre la rue Saint-Hubert et l’avenue Papineau, où les enseignes de marchands canadiens-français font partie du paysage. Toutefois, à partir des années 1960, la vitalité commerciale de la rue diminue fortement. Véritable institution, le marché Saint-Jacques est installé à l’angle de la rue Amherst depuis 1872. Durant la crise économique des années 1930, dans le cadre d’un programme d’aide aux chômeurs, on reconstruit l’immeuble dans le style Art déco. Le marché attire de grands rassemblements, qu’il s’agisse des assemblées électorales – où s’illustrent des hommes politiques tels Wilfrid Laurier, Israël Tarte et Armand Lavergne – ou d’assemblées de protestation, comme celle de 1942, dénonçant la conscription, alors que des milliers de personnes viennent entendre Gérard Fillion, Henri Bourassa et Jean Drapeau. En 1960, les étages sont transformés en bureaux municipaux et un petit marché subsiste au rez-de-chaussée. En 2007, l’immeuble est privatisé, mais les activités commerciales sont préservées.

La rue est un lieu de divertissement avec ses tavernes, restaurants, et cinémas, avec son arène de boxe et de lutte, la patinoire Ontario, mais surtout le stade De Lorimier. Ce dernier, construit en 1928 et démoli en 1965, occupe le terrain borné par l’avenue De Lorimier, les rues Ontario, Parthenais et Larivière. À l’été 1946, le premier baseballeur professionnel de couleur, Jackie Robinson, y joue pour les Royaux de Montréal, le club-école des Dodgers de Brooklyn. Le stade sert aussi à des manifestations diverses, comme cet événement inusité, organisé par le mouvement de la Jeunesse ouvrière catholique le 23 juillet 1939, alors que sont célébrés les mariages simultanés de plus de cent couples. En 1946, le chanteur Charles Trenet y donne un récital, et au début des années 1950, la princesse Elizabeth y est acclamée par la population. En 1971, la Commission scolaire y construit la polyvalente Pierre-Dupuy. Un monument à la mémoire de Jackie Robinson (1919-1972) est installé brièvement dans la cour de récréation de l’école en 1987, mais il est déménagé au stade Olympique l’année suivante.

Près de l’avenue Papineau, le cabaret Le Lion d’or, ouvert en 1930, présente divers types de spectacles. Le théâtre Prospéro est installé à partir de 1984 dans un ancien cinéma près de la rue Plessis. À proximité, on trouve l’Usine C, un peu au sud de la voie, à la hauteur de la rue Panet, et l’Espace libre, dans un ancien poste de pompiers de la rue Fullum. La rue accueille aussi quelques restaurants bien connus.

La rue Ontario traverse le territoire de plusieurs paroisses catholiques. Le découpage paroissial est constamment réaménagé par des fondations nouvelles jusqu’au milieu des années 1960. Deux noyaux institutionnels paroissiaux bordent la voie, mais leur importance sociale diminue avec le recul de la pratique religieuse. Celui de la paroisse du Sacré-Cœur-de-Jésus, créée en 1875, avec son église (1922) et ses établissements d’enseignement, est situé au coin de la rue Plessis. À l’angle de la rue de Bordeaux, se trouve celui de l’église Sainte-Marguerite-Marie-Alacoque (paroisse fondée en 1923, temple construit en 1925) qui devient Notre-Dame-de-Guadeloupe en 1991, pour desservir la communauté latino-américaine. Cette transformation témoigne de l’implantation graduelle de nouvelles communautés ethniques au sein d’une population majoritairement canadienne-française. Ainsi, durant la décennie 1920, une petite communauté italienne s’installe autour de la rue Amherst, tandis qu’une importante cohorte polonaise habite dans le voisinage de la rue Frontenac après 1945. Témoignant de la présence vietnamienne, le temple bouddhiste To Dinh Tu Quang est installé au coin de la rue Parthenais. Enfin, au coin de la rue Poupart, en face de l’usine Macdonald, s’élève l’école Gédéon-Ouimet (1914), qui appartient à l’ensemble institutionnel de la paroisse Saint-Eusèbe de Verceil (église à proximité, rue Fullum).

Les façades de brique rouge des triplex à toits plats, avec frontons ou fausses mansardes, sont visibles partout sur ce tronçon. Cette portion de la rue Ontario compte de nombreux immeubles percés de portes cochères donnant accès à la cour intérieure des îlots, ce qui souligne l’absence de ruelles dans ces lotissements anciens. Les parcs sont rares le long de la rue. Dans le cadre du réaménagement des abords immédiats du pont Jacques-Cartier, la Ville démolit quelques pâtés de maisons et ferme quelques bouts de rue pour créer le parc des Faubourgs, inauguré en 2005.

La circulation automobile sur le segment est polarisée par la présence du pont Jacques-Cartier (1930), longtemps la principale voie de passage entre Montréal et la rive sud. Après la Deuxième Guerre mondiale, la diffusion de l’automobile et le développement suburbain déterminent un afflux des banlieusards, ce qui entraîne alors des congestions soir et matin. Si en 1945 le nombre annuel de véhicules atteint un peu plus de deux millions, il dépasse les 16 millions en 1960. Un peu avant l’Exposition universelle de 1967, pour tenter de régulariser le débit, la Ville réaménage les approches et instaure des sens uniques sur les rues y menant.

Le tramway hippomobile dessert le segment à partir de la fin des années 1880 jusqu’à la rue D’Iberville et la ligne est électrifiée après 1892. Les autobus remplacent les tramways en 1958.

Consulter la carte de cette section