De l’avenue de l’Église à la limite ouest du parc Angrignon
L’histoire du boulevard De La Vérendrye est indissociable de celle du canal
de l’Aqueduc. Au début du XIXe siècle, l’approvisionnement en eau à Montréal est
insuffisant tant en quantité qu’en qualité. Un système privé de distribution
d’eau (1801) coexiste avec les formes d’approvisionnement plus traditionnelles
comme les puits de surface et les vendeurs d’eau ambulants. Durant les années
1830, les problèmes de salubrité deviennent alarmants, ce qui confirme le besoin
d’un véritable système d’aqueduc. Le service de distribution d’eau est
municipalisé en 1845, car la Ville s’estime en mesure de mieux le gérer pour
répondre à ses propres besoins et à ceux des particuliers. En 1851, elle décide
d’obliger graduellement tous les Montréalais à se raccorder au réseau et à payer
une taxe. Les incendies de juin et juillet 1852 démontrent de façon
spectaculaire l’insuffisance du réseau en plus de détruire une partie des
installations. L’ingénieur Thomas C. Keefer
(1821-1915) reçoit le mandat de concevoir un nouveau système. Il choisit de
prendre l’eau du Saint-Laurent en amont des rapides de Lachine et de l’amener
par un canal de 2,4 km jusqu’au pied de la rue Atwater, aux limites de la ville.
Le canal est construit entre 1853 et 1856 et, à son extrémité est, une station
de pompage hydraulique achemine l’eau vers le réservoir de la rue McTavish.
Entre 1863 et 1878, plusieurs améliorations sont apportées au réseau et de
nouvelles installations s’y greffent : déversoir, pompes à vapeur, déplacement
de la prise d’eau dans le Saint-Laurent, etc. Le canal est élargi en 1908 et en
1913 pour répondre à l’augmentation de la population. De 1911 à 1924, des
travaux d’envergure permettent de développer le complexe de l’avenue Atwater.
L’usine de filtration ouvre ses portes en 1918 et une nouvelle station de
pompage, conçue par l’ingénieur Charles J. Des Baillets, en 1924.
Pour effectuer les divers travaux d’aménagement de l’aqueduc, qui sont en
grande partie hors de son territoire, la Ville obtient de larges pouvoirs en
1853 : une loi lui permet de construire non seulement l’aqueduc, mais aussi
des routes sur les berges du canal. De plus, cette loi oblige la Ville à
construire des ponts pour relier les terres agricoles coupées par le canal.
Montréal acquiert ainsi une partie des terrains adjacents lors du creusage du
canal en 1853, et devient graduellement propriétaire d’autres bandes de terre
lors des élargissements en 1908 et vers 1918-1922. Cependant elle tarde à les
aménager.
Au début des années 1910, un ambitieux projet prend forme à
l’occasion d’un élargissement de l’aqueduc. Certains membres réformistes du
Conseil municipal proposent que la terre retirée du canal soit utilisée pour
construire, de part et d’autre, des remblais sur lesquels de larges boulevards
de promenade seraient aménagés. Le projet prévoit des artères prestigieuses où
s’aligneraient des arbres magnifiques, des œuvres d’art et des demeures
luxueuses. D’abord controversée, l’idée finit par enthousiasmer certains
responsables municipaux et les médias. Toutefois, le 25 décembre 1913, une
brèche importante se produit dans l’aqueduc et la ville est privée d’eau
jusqu’au 2 janvier, ce qui discrédite les réformistes et compromet le projet de
grands boulevards. Par la suite, des conjonctures économiques défavorables
entraînent son abandon définitif. Dans les années 1930, la voie est
partiellement construite, mais sans cachet. L’idée d’un boulevard de prestige
est manifestement laissée de côté et une simple voie de circulation locale se
développe au gré des besoins.
Cette portion du boulevard se trouve dans la partie sud des anciennes
municipalités de Côte Saint-Paul (1894-1910) et de Ville Émard (1878-1910). Le
boulevard De La Vérendrye traverse ainsi l’arrondissement du Sud-Ouest, mais
aussi celui de Verdun, d’un point à l’est de la rue Briand jusqu’à la limite
ouest du parc Angrignon. Cette délimitation particulière s’explique par le
découpage des anciennes terres agricoles qui va jusqu’au nord du canal de
l’Aqueduc.
Il est difficile de déterminer avec précision le moment où la voie est
construite formellement, car depuis longtemps, un chemin de terre ou de gravier,
servant aux travaux d’entretien de l’aqueduc, existe par endroits et, de plus,
il est déplacé lors des élargissements du canal. Toutefois, le boulevard
apparaît d’abord dans les premières parties à être urbanisées, soit Côte
Saint-Paul, puis Ville Émard. Ainsi un premier tronçon, situé entre l’avenue de
l’Église et la rue Leprohon figure sur une carte dès 1907, tandis qu’un autre,
situé entre la rue Chadwick (devenue rue Egan) et l’avenue Clifford apparaît en
1914. En 1928, le boulevard est complété de la rue Gladstone à la limite ouest
de la Ville de Montréal où il s’interrompt à l’emprise du chemin de fer du Grand
Tronc (intégré plus tard au Canadien National). Dans la décennie suivante, il
est prolongé vers l’est jusqu’à l’avenue Atwater. Vers l’ouest, le boulevard
atteint les limites de la Ville de LaSalle durant les années 1930. Pendant les
années 1950, il est pavé jusqu’à la limite de Montréal. Durant la décennie 1970,
la construction du métro, du réseau autoroutier et le développement résidentiel
augmentent l’achalandage du boulevard De La Vérendrye et confirment son rôle
d’axe de grande circulation. Il faut donc le réaménager. On l’élargit à deux
voies de chaque côté, des feux de circulation et de nouveaux lampadaires y sont
installés. Plus tard, la largeur du boulevard est portée à trois voies de chaque
côté et la visibilité de la signalisation est améliorée pour réduire les
nombreux accidents déplorés par les journaux locaux.
Par ailleurs, dans les années 1920, la Ville construit des ponts
stratégiquement espacés pour faciliter le passage de part et d’autre du
canal : les ponts Crawford (1921), de l’Asile ou des Vaches (1922), de
l’Église (1923) et Stephens (1926). Dans les années 1930, d’autres sont
construits pour desservir le quartier Côte-Saint-Paul : les ponts Woodland
(1931) et Jolicoeur (1932). Celui de la rue Galt est ajouté en 1977 pour réduire
l’achalandage à l’intersection de l’avenue de l’Église.
La construction d’immeubles le long de ce segment débute dans la seconde
moitié du XXe siècle, mais elle ne peut se faire que du côté nord en raison de
la présence du canal au sud. En outre, le parcellaire d’origine ne comporte pas
beaucoup de terrains en bout d’îlot dans Côte Saint-Paul ou Ville Émard et ce
n’est qu’avec la réalisation du boulevard que les bouts d’îlot apparaissent,
généralement de propriété municipale. Il n’y a donc guère de place pour les
vocations résidentielles et commerciales. Néanmoins, de 1965 à la fin du XXe
siècle, la population du boulevard passe d’une quinzaine de résidants à un peu
plus d’une centaine, majoritairement francophones. La Résidence Le Caron (1986)
et les Habitations De La Vérendrye (1972) répondent à un besoin de logements
sociaux dans le quartier. Le boulevard De La Vérendrye accueille aussi un peu
d’activité commerciale. Outre les stations-services présentes dès la seconde
moitié du XXe siècle, l’imprimerie Procel Printing & Duplicating
(1963-1993), La Vérendrye Pizzeria (1972-début 2000) et la fabrique de boissons
gazeuses Centre des Liqueurs Populaire (1989-1996) s’installent le long de la
voie.
Le boulevard se distingue par les nombreux parcs qui le bordent : les
parcs De La Vérendrye et Clifford sont créés dans les années 1950 et le parc
D’Arcy-McGee est aménagé dans les années 1970. Ces parcs sont le lieu
d’activités publiques organisées par l’arrondissement. Le parc Angrignon (1925)
se démarque, puisqu’il est le troisième plus grand parc urbain de Montréal. Dès
sa création, la Ville souhaite en faire un jardin zoologique. Dans les années
1960, ce projet ne s’étant pas encore concrétisé, la population s’impatiente et
demande de meilleures installations. Finalement, la vocation zoologique est
réalisée avec la présence de 1968 à 1989, des quartiers d’hiver des animaux du
Jardin des Merveilles (1958-1989), logés en été au parc Lafontaine. À partir des
années 1970, le parc affirme son rôle récréatif en accueillant, par exemple, les
célébrations de la Féérie d’hiver de Montréal. En outre, des pistes ski de fond,
des aires de pique-nique et des sentiers pédestres attirent de nombreux
Montréalais. Le parc est facile d’accès grâce à la station de métro Angrignon
(1978) située dans sa partie nord-est. Plus à l’est, la station de métro
Jolicoeur (1978) borde directement le boulevard. De plus, des circuits d’autobus
empruntent la voie à différents endroits.