La rue Sherbrooke et ses intersections

De l'avenue Atwater au boulevard Saint-Laurent

Ce segment est le lieu de naissance de la rue Sherbrooke. La toute première section y est ouverte avant 1796 sous le nom de rue Sainte-Marie. Elle apparaît d'abord en deux tronçons : le premier, de part et d'autre de la rue Saint-Pierre (devenue De Bleury) et le second, de l'ouest de la rue Saint-Laurent à la rue Sanguinet. Ils sont peu après reliés et la rue est prolongée vers 1840 jusqu'à la rue Peel, puis une dizaine d'années plus tard, à l'avenue Atwater. À cette époque, les trottoirs sont de bois et seules quelques constructions occupent les terrains entre les rues University et De Bleury. La voie traverse les anciens quartiers Saint-Antoine et Saint-Laurent et se développe assez rapidement. Les bâtiments entre le boulevard Saint-Laurent et la rue Drummond sont pour la plupart construits entre 1859 et 1873, mais il faut attendre le début du XXe siècle pour que l'ouest du segment soit pleinement développé. La rue est élargie plusieurs fois de 1863 à 1965, sacrifiant les arbres à la circulation automobile. Elle fait partie de l'arrondissement de Ville-Marie, de l'avenue Atwater à la rue University, puis forme la limite entre ce dernier et l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal jusqu'au boulevard Saint-Laurent.
Dès son ouverture, sa situation au sommet de la terrasse en fait un lieu recherché. D'abord champêtre, la rue Sherbrooke devient, dans la seconde partie du XIXe siècle, l'avenue résidentielle la plus huppée de Montréal. Les grandes familles bourgeoises, d'origine britannique, se font construire de somptueuses demeures le long de la rue et dans la partie nord-ouest du quartier Saint-Antoine, connu sous le nom de Golden Square Mile, et y résident jusqu'aux années 1930. Il s'agit surtout de marchands, propriétaires d'entreprises, avocats ou médecins. De luxueux appartements y sont aussi construits entre 1890 et les années 1920, dont le Linton (1907), premier immeuble d'habitation de plus de huit étages à voir le jour à Montréal, le Château et l'Acadia, tous deux terminés en 1925. À cette époque, la rue Sherbrooke, encore résidentielle, est l'artère la plus prestigieuse. On y trouve l'hôtel longtemps le plus luxueux de la ville, le Ritz-Carlton (1912), qui devient le lieu de sociabilité de prédilection de la bourgeoisie canadienne-anglaise.
La rue change considérablement d'aspect et de fonction avec l'arrivée du commerce, débordant de la rue Sainte-Catherine, marquée par l'ouverture de la maison Holt (devenue Holt-Renfrew) en 1937. De plus en plus nombreux et généralement de haut de gamme, les magasins sont concentrés surtout entre les rues Guy et Stanley. À partir des années 1950, des bureaux s'implantent à l'est de la rue Stanley. Sous la pression commerciale et à mesure que les vastes maisons deviennent trop dispendieuses à entretenir, la bourgeoisie s'installe dans Westmount. Du coup, la présence de Canadiens français et de Montréalais d'origines diverses s'intensifie, surtout dans la partie est du segment. À partir des années 1960, la pression pour le redéveloppement de la rue Sherbrooke entraîne la destruction de plusieurs maisons bourgeoises. D'ailleurs, en 1973, la controverse entourant la démolition de la maison Van Horne (angle nord-est de la rue Stanley) ouvre la voie à une prise de conscience civique et à l'émergence des mouvements de protection et de conservation du patrimoine bâti.
Les anciennes maisons bourgeoises sont remplacées à l'ouest de la rue Peel, par des tours d'habitation comme le Port-Royal (1961-1966), Le Cartier (1963-1965) et le Cantlie House (1964). À l'est, des hôtels et des tours à bureaux témoignent de l'extension du centre des affaires, suivant l'axe de la ligne verte du métro. Quelques grandes maisons subsistent, transformées et occupées par des bureaux ou des commerces.
Le transport public se développe environ à la même époque. Dans les années 1920, trois lignes d'autobus empruntent la rue Sherbrooke de la Ville de Westmount à la rue University. L'une d'elles est plus tard prolongée vers l'est.
Plusieurs institutions contribuent à faire connaître la rue Sherbrooke comme « rue de l'éducation ». La toute première est l'oeuvre des sulpiciens, alors seigneurs de l'île de Montréal. Un de leurs domaines, celui de la Montagne, est situé entre l'avenue Wood et le chemin de la Côte-des-Neiges. Ils y érigent, pour leur mission d'évangélisation des Amérindiens, une résidence et une chapelle (1679), le tout entouré d'une palissade (1685). Ces constructions sont en grande partie démolies et remplacées en 1854 par le Grand Séminaire et les deux tours au sud sont tout ce qui subsiste du fort original. Leur domaine comprend en outre le couvent des Petites Filles de Saint-Joseph (1910) et le Collège de Montréal (1868).
L'Université McGill (1821) a d'abord développé son campus autour du vieil édifice du McGill College Building (1843), au nord de la rue Sherbrooke, entre les rues McTavish et University. Les bâtiments universitaires occupent peu à peu tout l'espace disponible. Par la suite, l'université essaime en périphérie, le long des rues Sherbrooke, Peel, des avenues du Docteur-Penfield et des Pins. L'ancienne École des beaux-arts occupe, en 1955, l'immeuble construit pour la Commercial High School (1905), tandis que le Complexe des sciences Pierre-Dansereau de l'UQÀM s'installe dans le bâtiment de l'ancienne École technique de Montréal (1911).
De nombreux lieux de culte y suivent leurs fidèles : le Temple maçonnique (1929), l'église unitarienne du Messie (1907) détruite par un incendie en 1987, l'église presbytérienne St. Andrew et St. Paul (1932), la Erskine and American United Church of Canada (1894) (intégrée au Musée des beaux-arts) et l'église de la Sainte-Trinité (1865), qui est occupée par la Congrégation grecque orthodoxe de Montréal en 1925 puis incendiée en 1986.
Plusieurs musées et galeries d'art contribuent aussi au prestige de l'artère. En 1912, la Montreal Art Association inaugure son nouveau musée, côté nord de la rue Sherbrooke, à l'angle de l'avenue Ontario (devenue avenue du Musée). Fondée en 1860, cette association ouvre un premier musée en 1879 au square Phillips. Devenu le Musée des beaux-arts de Montréal (le nom Montreal Museum of Fine Art, adopté en 1948, devient bilingue dans les années 1960), l'établissement connaît de nombreux agrandissements. En 1939 et encore dans les années 1970, on prolonge le bâtiment vers l'arrière puis, en 1991, on inaugure un vaste pavillon au sud de la rue Sherbooke. En 2007, on acquiert l'église Erskine and American, à l'angle nord-est de l'avenue du Musée, pour y construire, vers l'arrière du temple, un nouveau pavillon destiné à l'art canadien (2009-2010). La nef de l'église est restaurée pour servir aux manifestations culturelles. Les installations du Musée occupent ainsi trois des quatre coins de l'intersection et les pavillons sont reliés par des passages souterrains.
Le Musée McCord d'histoire canadienne (1921) est situé, jusqu'en 1955, sur le campus de l'Université McGill, au coin nord-est de la rue McTavish. Il occupe depuis 1971 l'ancien bâtiment de la McGill College Student Union (1906), à l'angle sud-ouest de la rue Victoria. À la fin des années 1980, des travaux d'envergure permettent de le restaurer et d'en doubler la superficie. Il est inauguré en 1992. Le campus de l'Université McGill loge aussi le Musée Redpath, consacré à l'histoire naturelle, ouvert en 1882. Par ailleurs, de nombreuses galeries d'art sont attirées sur la voie, surtout entre les rues Guy et Union, la plus célèbre étant la Galerie Dominion, fondée en 1941 et qui y déménage vers 1950. En outre, des clubs sociaux choisissent aussi de s'établir sur la rue Sherbrooke, dont le club Mont-Royal (1899) logé dans un bâtiment construit en 1907.

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